Ils ont pour tout viatique un reste de confiance

Ils ont pour tout viatique un reste de confiance


Ils ont les yeux de ceux qu'on ne regarde plus
Que comme des mendiants ou des souffre-douleur
Errant de mal en pis comme des âmes en peine
Sur les trottoirs du vide aux portes de la haine
A l'ombre des poubelles et dans la puanteur
Où ils trouvent de quoi survivre un jour de plus.

Ils ont autour du cou les marques de ces chaînes
Qu'ils portaient fièrement comme preuve d'amour
Quand en bons compagnons, sans peur, toujours tranquilles
Ils prenaient soin de ceux qui au cœur de la ville
En modernes Colomb caporaux au long cours
Se payaient des frayeurs aux bas fonds de Cayenne.

Ils ont pour tout viatique un reste de confiance
Qu'ils donnent sans compter aux passeurs de misère
Qui gardent fièrement les bords des caniveaux
Où ils boivent la lie du fond de ces tonneaux
Que vous mettez en perce aux caves de l'enfer
Et qu'ils viennent vomir sur votre indifférence.

Ils ont au creux des reins la douleur du bâton
Qu'avant ils rapportaient vers une main amie
Et ils ne savent plus s'il faut s'en approcher
Ou bien craindre à la fois le manche et la cognée
Quand les mots entendus ne sont plus que des cris
Et que vous avancez vers eux comme un maton.

Ils ont les souvenirs de ceux qui n'ont plus rien
Mais ils cherchent pourtant dans le regard des hommes
Un peu de cet amour qu'ils leur ont tant donné
N'attendant ni retour, ni chagrin, ni pitié,
De ceux qui les ont pris comme bêtes de somme
Puisqu'ils ne sont en fait rien d'autre que des chiens.


Nilo.

Merci pour eux !


(toujours aussi enthousiaste de cette écriture !)
H.

Un beau morceau de bravoure.

"Mais ils cherchent pourtant dans le regard des hommes
Un peu de cet amour qu'ils leur ont tant donné
N'attendant ni retour, ni chagrin, ni pitié,
De ceux qui les ont pris comme bêtes de somme
Puisqu'ils ne sont en fait rien d'autre que des chiens."

Musique et fond toujours en couple. Et te connaissant, je ne crains pas le divorce.

Z.

de la bravoure, un morceau de bravoure. suite a mon com sur la vidéo que tu as posté, je prends ce poème en guise d'exemple pour illustrer ce que la fierté ne peut que écarter si elle veut rester elle-même. à l'inverse une vision plus juste, plus lucide reprend la misère comme antidote a une fierté homogène et parcellaire.

en forme de résonance à la misère ancestrale


élémentaire



va devant moi
où que j'aille

dans un rêve d'asphalte
et de carton humide

bouche embaumée
d'incontinence soupçonnée

l'éloge fendue au vin de soif
se lit dans ta parole traversière

va
dans l'impatience rancunière du soir
sur les décombres écaillés de l'autre solitude

porte ce pain perdu et les douze degrés de l'hiver
au banquet des poètes

rouge de débâcle
ton trottoir illumine la doublure du siècle où tu couches




ez

Il y a une certaine unité dans mes lectures du jour.
Un poème qui garde sa musique pour nous parler du regard de nos compagnons à quatre pattes oubliés des humains.

Merci aux lecteurs et contributeurs.

Nilo, pas chien.

Une âpre complainte !