Souvenir de la naissance de l'homme

Jazz fendu sur les lèvres
Souvenir de la naissance de l'homme
Elle porte dans ses bras l'enfant Mangé

Je reconnais les époques à leur opacité
à leur pénombre éclatée. A leurs fondations
Ainsi je sais que je parle bien de nous

Ainsi je sais que nous avons la même mémoire

Elle pose l'enfant un peu plus loin
sur un rivage d'arbres et de marionnettes
Ici, dit-elle, tu pourras jouer, tu pourras grandir
A la fenêtre du monde

Terminal nerveux
Mais avant, il faut bien constituer l'histoire
Alors, j'écrivais avec le sang des arbres
j'érigeais des bâtiments de fougères et d'herbes sauvages
La musique des ciels sphériques
Ces crépuscules sifflés comme des absinthes irisées
J'écrivais seul, paumé dans le Grand Silence

Elle laisse sa main traîner sur la tête de l'enfant
comme une dernière sommation
Elle sait que les bêtes prendront soin de lui
elle leur livre les cadenas et les clés pour les ouvrir
Elle dit au Monde, prends soin de mon enfant

Il passe des siècles d'une histoire balbutiante
Il neige en plein soleil

Je suis un enfant d'une souffrance chaude

Le cercle des sorciers imaginaires tremble
comme une feuille avant l'hiver
Incantations oniriques
Infusion des fleurs de menthe sauvage
Je me découvre des sortilèges et des fêlures bleues
quand le soleil enfonce les ombres dans le sol

Œil clos en demi-vie
Paupières de l'ange qui ne sait plus s'il doit encore voler
ou alors poser ses ailes sur la chambre funéraire
Elle trace un rond dans la terre
un périmètre sécurisé par les marionnettes
Et s'enfuit à reculons avec le soleil dans les yeux

Il y a une mer quelque part
J'entends le froufrou noir de la mer

Elle s'est assise sur une essence
pour écrire un mot à l'enfant
comme un couinement d'oiseau ivre
Quand tu sauras lire, dit-elle,
tu verras que nous avons la même mémoire

POESIE

Sinusoïde furtive
Zones 0 et 1 entrelacées
Je sais lire à l'intrinsèque des migrateurs
le code source de la matrice
Si l'univers passe d'une forme simple
à son oblique noire, je me fends les reins d'un écho
Pénétrer le cœur des corbeaux endormis

Si ses lèvres tiennent dans mes mains

Je l'embrase, je la braise dans les contreforts passifs
de nos techniques échappées du miroir
Si complexes que soient nos pouvoirs
Si ardentes que soient nos fantaisies
de la marionnette et de l'angle mort

Fugitifs ermitages
La maison sur le dos

Elle attend jusqu'aux premières épouvantes
lorsque la neige rebrousse tous les regards
et que l'arc du ciel se plie comme un corps venté
Elle vérifie ne rien avoir laissé au hasard
Le temps passe comme un condamné
et le Mot reste la dernière mémoire du monde

Au réveil des nuits de l'onde
ma langue enfourcha le soleil, la lune, le temps, le hasard
Elle dormait encore
Je pensai, me voici, je suis né d'un rêve
et d'une souffrance chaude

Wouhaou ... Que dire ... force, rythme, violence oui, mais également tendresse, je dirai même caresse ... c'est indescriptible ....

Je crois que tu sais comprendre le mot poésie dans son sens le plus profond, le plus réel et le plus onirique ...

Ton texte résonne en moi, encore plus que les autres (faut le faire !) c'est très bizarre comme sensation, très étrange ... c'est perturbant, étrangement bon mais perturbant.

Ce n'est plus du talent, c'est un don, c'est VRAIMENT de la poésie.

Chamboulée,
Clémence

Dans chacun de tes poèmes, je te retrouve toujours avec cette force dans les mots qui ferait frémir même le plus insensible des individus.

Un choix d'images que j'apprécie .

Encore une fois, je suis fan

Sylvie

Un LCbeat toujours aussi puissant dans ce registre !

Au réveil des nuits de l'onde
ma langue enfourcha le soleil, la lune, le temps, le hasard
Elle dormait encore
Je pensai, me voici, je suis né d'un rêve
et d'une souffrance chaude

Je n'arrive pas vraiment à savoir ce que je pense de ce texte.
D'une strophe à l'autre on passe de registres limites opposés. Entre les passages presque "prosés" limite trop terre à terre pour que je les trouve poétique, et des envolées d'images à tomber à la renverse, j'ai mon poétomètre qui fait le yoyo.

Mais bon, malgré la longueur, je l'ai lu (au moins trois fois) sans vraiment me lasser, j'en conclue que ta plume me plait.
Il faudra quand même que je te lise encore, pour m'en assurer. Bon j'y retourne

En tout cas, gymnastique cérébrale assurée !

J'ai eu du mal cette fois à me laisser porter, emporter.

Nilo, résistance passive.