Les déserts aux terres d'argile

Je tombe
et je rêve de déserts aux terres d'argile
gonflées de soleil, où il paraît impossible de survivre
si l'on ne déploie pas toute son envergure
comme un gypaète ou un vautour

je rêve de parois glissantes de la sueur du jour
frottées par les cordes du temps
je rêve de monticules de pierre
dressés comme des mâts figés dans l'espace

j'y croiserai l'oiseau millénaire
dont la légende ne fait qu'obscurcir la vérité
il me conterait l'histoire de son désert
après m'avoir installé autour d'un feu de lumière
sous la quincaillerie argentée des étoiles

il m'apprendrait à vivre la solitude des saisons
à creuser un trou à cet endroit précis
où une minuscule source coule sous la terre
il me dirait qu'ici les choses n'ont pas de nom
sauf celui qu'on leur donne
en ouvrant la bouche et les narines

il me dira ce que tu ressens maintenant
recèle toute l'identité des lieux
que la topographie n'existe pas
seul le silence déplie le langage
il me dira tu deviendras ton propre dictionnaire

Je tombe
et je rêve d'une mémoire qui ne m'appartient pas encore
que toute limite s'abolit dès lors que l'on y pense assez fort
je rêve de m'évanouir dans les spasmes de la lune pleine
arrondissant le cri des coyotes et des chiens errants

je rêve de ce territoire fait femme
douloureux et si énigmatique
que rien de ce qu'on imagine caché
ne l'est véritablement

je rêve et je tombe d'un sommeil punaisé aux points cardinaux
sans imaginer un jour me réveiller
dans les battements d'un coeur autre que le mien

Un lyrisme qui n'évoque pas la chute pour moi, mais une réalité vraiment sans âge dont nos sociétés et nos vies s'éloignent...
Un vaste rêve !
Carmen

Vertigineux.
Faut être l’élu d’un genre nouveau, humain certes, mais pas seulement...

Je voulais y revenir car j'ai tout aimé ici. Et particulièrement cette strophe :

Je tombe
et je rêve d'une mémoire qui ne m'appartient pas encore
que toute limite s'abolit dès lors que l'on y pense assez fort
je rêve de m'évanouir dans les spasmes de la lune pleine
arrondissant le cri des coyotes et des chiens errants

Vertigineux, oui.

Je tombe
et je rêve d'une mémoire qui ne m'appartient pas encore.

Une chute où le temps s'abolit.

je rêve de ce territoire fait femme
douloureux et si énigmatique
que rien de ce qu'on imagine caché
ne l'est véritablement

je rêve et je tombe d'un sommeil punaisé aux points cardinaux
sans imaginer un jour me réveiller
dans les battements d'un coeur autre que le mien

Magnifique ce rêve où on tombe...de sommeil !