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Histoire d'Or

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Message  debby Mer 7 Aoû - 11:43

Voici une petite nouvelle que j'ai écrite l'année dernière. J'espère qu'elle vous plaira. Et toujours d'actualité, mais que je ne peux, hélas, publier pour l'instant (règlement du concours oblige!): http://www.aufeminin.com/ecrire-aufeminin/french-kiss-n225650.html
Beaucoup plus courte. Allez jeter un coup d'oeil, et si ça vous plait vous pouvez m'accorder votre vote (il faut cliquer sur j'aime sur la page de ma nouvelle). Merci et bel été à tous sunny 


Perdre la tête pour mieux la retrouver… C’est ce qu’il m’est arrivé en ce jour du 4 octobre. J’ai vécu en 24 heures ce que je n’ai jamais vécu jusque-là. En même temps, ce n’était pas bien difficile, vu la platitude qu’était ma vie ! Bon, aller, j’vous raconte, ça vaut bien l’coup d’oreille.
Alors voilà. Jeudi 4 octobre. Il est six heures et me voilà arrachée à la chaleur moite de ma couette ; triste retour à la réalité, un énième matin contrainte de me lever pour gagner mes deniers. J’pourrais me lever un peu plus tard si je voulais, mais j’aime bien prendre mon temps. Histoire de digérer un peu plus facilement la journée qui m’attend.
Après un parcours brillant en études de lettres et des idéaux pleins la tête, me voilà à 35 ans secrétaire dans une agence immobilière. Ça devait être provisoire, mais ça fait huit ans que ça dure. Enfin bon, tout ça pour dire que j’ai besoin d’un certain temps de conditionnement avant de franchir la porte de l’agence. Donc, après un pt’it coup d’œil à la météo, un café vite avalé, une douche express et mon jean enfilé, me voilà partie vers mon sas de décompression, le café juste en face de l’agence.
Casque vissé sur les oreilles, Zaza Fournier à fond dans les oreilles, je suis parée pour m’immerger dans la foule pressée du métro parisien. J’aime ce moment qui n’appartient qu’à moi. Ligne 6, métro aérien, seule au milieu de tous, la capitale s’offre à mes yeux émerveillés. Je ne me lasse pas de ce spectacle matinal, Paris infiniment belle et inspiratrice. Glacière… Je sors de ma contemplation et j’avance vers ma fatalité. Mais avant, encore un petit moment de plaisir.

Me voici arrivée dans l’endroit de ma liberté intellectuelle. Il est huit heures et je m’installe comme d’habitude à la petite table complètement à droite de la terrasse. Je fais face avec délice au Paris sortant petit à petit du sommeil. En compagnie de mon café allongé, je savoure ce petit air frais qui annonce l’automne. Il me reste encore un peu moins d’une heure à me laisser aller. A rêver des vies que j’aurais pu avoir si… Des vies que je pourrais avoir si… Parfois c’est gai, parfois moins. En tout cas ce matin, ça ne l’est pas vraiment. Zaza me fredonne dans les oreilles « comptine pour une désespérée » ; C’est fou comme ça fait écho. Désespérée d’avoir perdu l’amour que je pensais avoir pour la vie, désespérée d’avoir la sensation de ne pas vivre ce pour quoi je suis née, désespérée de ne pas avoir d’audace, désespérée de ne pas savoir qui je suis !
Mouais… Vous devez vous dire qu’il n’y a vraiment rien d’intéressant dans tout ça et que vous avez autre chose à faire que de suivre les élucubrations d’une trentenaire esseulée et désespérée ! Encore un tout petit peu de patience, ça ne va pas tarder. Deux gorgées de café, j’atteins le moment idéal pour allumer ma première et tant attendue cigarette. Humm… Qu’est-ce que j’aime sentir cette volute à la fois douce et piquante passer dans ma gorge. Il est temps d’y aller ! Je m’apprête à écraser ma clope lorsque je m’aperçois qu’il n’y a plus de place dans le cendrier. Franchement, y’en a qui ne respectent vraiment rien ! Les cendriers, c’est fait pour les cigarettes, merde alors. Du bout des doigts, je retire l’intrus. Il s’agit d’un morceau de carton coloré. A y voir de plus près, c’est en fait un jeu de grattage. J’y joue jamais à ces trucs-là. C’est vrai, je trouve que c’est vraiment de l’argent foutu en l’air. Non, moi je préfère dépenser utilement, mettre de côté pour quand ce sera nécessaire. On sait jamais. Je déplie nonchalamment le bout de carton, histoire d’occuper les cinq petites minutes qu’il me reste avant de revoir cette chère madame Leboure. Entre vous et moi, une vraie teigne comme on fait plus ! Bon, je disais donc que j’étais en train de déplier ce petit bout de carton. Vu la taille de la règle du jeu, je suis dans l’obligation de chausser mes fidèles lunettes. Alors, apparemment, si le chiffre indiqué sur la carte du bas est supérieur à l’un des trois autres sur les trois cartes du dessus, c’est gagné. J’ai un 15. Les deux autres cartes indiquent 12 et 14. Une case n’a pas été grattée. Donc je gratte en m’en mettant plein sous les ongles et là je découvre un 13. Un 13 ! Mon regard se porte furtivement sur la case gain. Mes lunettes me jouent des tours… Ou alors ! Je relis encore trois fois la règle du jeu, avec et sans lunettes. Et là, la chose la plus incroyable vient de m’arriver à moi ! Moi, Justine Fournier, 35 ans, secrétaire immobilière sans intérêt, je gagne 500 000 euros, comme ça, de bon matin… Sans même avoir investi un seul euro ! J’ai comme un peu de mal à respirer tout à coup.

Je sens comme une explosion interne, ma tête est dans du coton, je me sens trembler de tout mon corps sans que je puisse y faire quelque chose. J’dois avoir l’air d’une vraie barjot, ou d’une épileptique en pleine crise… Wouaaaaaaaa, mais qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai déjà imaginé pleins de scénarios dans ma tête, mais alors celui-là… Ok, ok,ok. Sang froid… On se calme et on réfléchit posément. Je regarde ma montre et il est déjà 9h 15. Merde ! Trente minutes de retard. A la seule pensée de Mme Laboure, je me lève illico et commence à me diriger vers l’agence. Et là, je m’arrête net. Ma tête m’ordonne purement et simplement de cesser tout mouvement. Bon, j’suis pas très au clair là. Le plus grand service que je puisse me rendre c’est de retourner d’où je viens. Le garçon semble surpris de me voir revenir et me demande si j’ai oublié ou perdu quelque chose. Et bien non, rien perdu. « Je voudrais un bon monaco bien frais s’il vous plaît » Le garçon prend ma commande d’un air bizarre. Hey, hey, rock’n roll attitude ! Je savoure mon monaco et je ne quitte pas des yeux la porte de l’agence. Il est 9h 45. Mon portable sonne. Je décide de ne pas répondre.

Je savoure ce moment unique. Je suis là, tranquillement assise, à imaginer la rage de cette chère madame Laboure. J’avoue que l’idée d’une petite vengeance me traverse l’esprit. Et si j’allais acheter un joli bouquet de fleur pour lui dire en beauté à quel point je l’emmerde ? Non, je perds la tête là. Ca ne me ressemble pas ça… Enfin je crois. Il est 10h15. J’vais quand même pas rester scotchée à ma chaise toute la journée ! La vie m’appartient à partir de maintenant et je compte bien passer la meilleure journée de ma vie. Aller, adieu l’agence, le silence est le plus grand des mépris, hé hé.

Qu’est-ce que j’aimerais faire avant toute chose ? Voyons voir… Changer de tête ! J’en ai marre de cette coupe de cheveux informe et plate. C’est parti mon kiki, direction rue du Faubourg Saint-Honoré, le paradis du beau, du sur mesure, de la volupté. Oui, c’est ça, j’ai envie d’être voluptueuse moi aussi. Je le vaux bien après tout ? Je perds un peu de mon enthousiasme au moment où je mets les pieds dans ce salon absolument somptueux et démesuré. J’me sens un peu ridicule, toute petite et une désagréable envie de faire demi-tour. Pas le temps ! Une fille carrément sublime et longue en jambe vient déjà me débarrasser de mon manteau, avec un sourire aussi démesuré que le salon. « Que désirez-vous faire madame ? » « … Et bien… Je voudrais… » « … » « Je comprends, vous n’êtes pas encore fixée sur ce que vous souhaitez vraiment, n’est-ce pas ? » « Heu… Voui, c’est ça » « Très bien, attendez-moi un instant, je reviens tout de suite ». Ouh là là là, mais qu’est-ce que je fous là moi ?
Pas le temps de penser plus que ça, revoilà déjà miss grand sourire en compagnie d’un individu dont il est un peu difficile de statuer définitivement sur son genre. Aussi fin et long que son amie, avec une coupe de cheveux dont la couleur et le volume me font penser étrangement à… Andromède ! Oui c’est ça, l’homme/femme des Chevaliers du Zodiaque ! J’croyais que ça existait que dans les mangas des spécimens comme ça. Un regard appuyé dans le miroir, un joli sourire plein d’inspiration et ses longues mains plongent littéralement dans mon crâne. Et vas-y que je te secoue la tignasse dans tous les sens, ch’veux en l’air, ch’veux dans les yeux, barrettes et pinces de toutes les couleurs… Il retourne le fauteuil face à lui et me dévisage littéralement. C’est troublant. Un peu gênant, j’ai l’impression qu’il est resté collé à ma face. Peut-être qu’il ne trouve pas, qu’il va me dire, désolé chère madame, mais il n’y a plus rien faire, j’ai fait tout ce que j’ai pu. Je lève timidement les yeux vers lui et je crois percevoir un air ravi. « Ok, c’est bon, on peut y ‘aller » « Heu, d’accord, mais pas trop… » « Ne vous faites aucun souci madame, j’ai trouvé ce qu’il vous faut, faites-moi confiance ». Hum. Je crois que je n’ai maintenant plus d’autre choix que de me livrer aveuglément aux mains expertes d’Andromède ! Au bout de quelques secondes Miss vous savez qui, revient droit derrière moi, écoute attentivement les instructions du coiffeur, acquiesce, toujours avec le sourire et disparaît. Elle réapparaît armée d’une sorte de petite bassine, de papier d’alu et d’un pinceau. « Désirez-vous une coupe de champagne chère madame ? ». Du champagne ? Bah, après le monaco à 9h15 du mat, pourquoi pas une petite coupette histoire de me mettre dans l’ambiance. Je lève les yeux vers le miroir et je vois très distinctement la pâte orange fluo qu’elle est en train de me tartiner sur les cheveux. J’aurai bien envie d’une deuxième coupe moi ! Le temps de feuilleter quelques pages people et de savourer quelques petits fours absolument exquis, me voici conduite dans l’espace shampoing. Un vrai régal. J’ai l’impression de m’envoler tout doucement, des frissons délicieux me parcourent tout le corps. Je me sens complètement détendue et prête à affronter les ciseaux d’Andromède. Je dirai même que je suis excitée par l’idée de ne rien contrôler. J’ai l’impression de faire un truc complètement fou.
« Vous pouvez regarder ». « … » « La vache ! Mais c’est carrément sublime. JE suis carrément sublime ! Envolé le rideau qui me couvrait tout le visage. Une petite coupe courte, rayonnante et fun, ouah ! Tout ce que j’avais toujours envié sans jamais franchir le pas. Si j’osais, je lui sauterais au coup. Passage en caisse : « 295 euros s’il vous plaît madame ». Après quelques petites secondes d’absence, je retrouve tout mon aplomb en repensant à mes 500 000 euros. C’est fou comme ça peut donner confiance quand même. Il me reste donc 499 705 euros. Bah oui, j’ai quand même laissé 50 euros de pourboire à Miss sourire, histoire qu’elle ne le perde pas.

Je mets le pied dehors, je respire un bon grand bol d’air frais et je me sens transportée. Heureuse, sûre de moi, transcendée… L’effet magique de l’argent ? J’en sais rien, tout ce qui m’importe aujourd’hui c’est de me sentir dans cet état le plus longtemps possible.
Sonia et Anna ! Mes deux meilleures amies. J’ai envie de passer un moment rien qu’à nous. « Allo… Oui, ça va super bien. Non, j’ai posé ma journée. Tu fais quoi ce soir ? Ok, j’te propose de ramener tout ce qu’il faut et on se fait une petite soirée pyjama entre filles ? Génial. Je te laisse appeler Sonia et on dit 20h 00 chez toi. Bises, à ce soir ». J’suis super contente à l’idée de leur faire cette surprise. Ca sert à quoi d’avoir tant d’argent si c’est pas pour le partager avec ceux qu’on aime ? J’vais leur préparer une petite soirée cocooning dont elles se souviendront. Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai encore un peu de temps devant moi. 13H 00. J’ai une petite faim moi ! J’ai l’embarras du choix, mais je jette mon dévolu sur ce petit resto à l’allure à la fois chic et simple.
« Bonjour madame. Suivez-moi. Cette place vous convient-elle ? » C’est parfait. Absolument parfait. Un petit coin un peu isolé du reste comme je les aime. Mes yeux et ma tête ne savent plus quoi choisir ! Tous ces mets qui ont l’air aussi succulents les uns que les autres me font tourner la tête… « Oui… Alors, je vais choisir pour commencer le demi-tourteau et sa marée montante, puis le risotto fumet d’atlantique et enfin… la tarte tatin du chef avec beaucoup de chantilly s’il vous plaît. » « Ce que je veux boire ? » Habituellement j’aurai dit une carafe d’eau, mais je crois que je vais continuer sur ma lignée monaco, champagne et choisir, toute raison gardée, un petit verre de chably pour accompagner tout ça. C’est rigolo de jouer la madame ; J’me prends au jeu avec grand plaisir. J’ai pris le temps de déguster lentement chaque bouchée, si bien que voici maintenant près d’1h 30 que je n’ai pas décollé d’ici. Faut dire que le cadre est propice au bien-être, au lâcher prise, à la rêverie… En parlant de rêverie, je crois que je vais rester encore un petit peu. L’inspiration me vient. Je sors un petit carnet qui est dans mon sac depuis quelques mois et sur lequel je n’ai encore rien écrit. Et si je racontais l’histoire d’une femme ordinaire à laquelle il allait arriver des choses extraordinaires… Aller, j’me lance. Ca fait des années que je n’avais pas repris le stylo. L’écriture m’enivre, à moins que ce ne soit le chably. La bille de mon stylo glisse sans s’arrêter sur les petites feuilles de mon carnet. Elle semble aller bien plus vite que mon cerveau ; C’est étrange. Ne pas chercher à comprendre, dieu de l’écriture je m’offre à toi ! Les douleurs que je ressens dans les doigts et auxquelles je résiste depuis déjà de longues minutes, me poussent à lever les yeux de mon carnet. 15h 30 déjà. Le temps de régler ma modique addition, seulement 180 euros, je réfléchis à ce que je pourrai faire. Il y en a tellement, que j’ai du mal à choisir. En même temps, ce n’est pas comme si tout s’arrêtait à minuit. Il y aura encore demain et puis la semaine prochaine, le mois prochain… Réflexe de classe moyenne ! Il va falloir que je commence à m’habituer à mon nouveau statut de femme riche, qui peut avoir tout ce qu’elle veut et quand elle veut !

Danser. J’ai envie de danser. Enfin… d’apprendre à danser. J’ai toujours adoré ça, mais je n’ai jamais vraiment su. Invocation de la puissance de l’Iphone pour me trouver le cours de hip hop le plus branché de la capitale. J’aime la beauté et la puissance de ces enchaînements rythmés et acrobatiques. Yeah, direction métro Saint Sulpice. Un ptit tour chez Décathlon d’abord histoire de ne pas avoir l’air d’être ici par hasard et en route. « Bonjour. Vous souhaitez un cours à la carte ou un abonnement à l’année ? » Je pense qu’un petit abonnement à 2000 euros l’année pour trois heures de cours par semaine m’irait parfaitement.
Et c’est parti ! Parée de mes leggings hypra sexy noirs à bandes blanches, de ma petite brassière assortie et de ma bouteille d’eau, je rentre dans la salle numéro 8. Un peu tous les styles, moyenne d’âge environ 25 ans. Contre toute attente je ne me sens pas trop mal à l’aise. Ca c’est l’effet 500 000 ! La prof fait son entrée. Pas très grande, mais superbement bien faite ! Un corps sculpté à merveille, c’est fascinant et… rageant aussi. La salle 8 est celle des débutants qui ont pris un abonnement à l’année. Petite histoire brève du Hip-Hop et échauffement en musique ! Bah dis donc, ça ne fait que 15 minutes qu’on a commencé et je me sens déjà épuisée. Apprentissage des pas de base ; C’est que je me débrouille pas mal dis donc ! J’en vois autour de moi qui peinent un peu plus et qui ne sont pas forcément plus vieux que moi. Je me découvre une certaine souplesse, qui mérite certes d’être travaillée encore et un groove plutôt sympa. Franchement, je ne regrette pas une seconde. En plus l’ambiance est plutôt détendue. Les dernières vingt minutes du cours. Petit battle improvisé, yo. Il faut que quelqu’un se lance sur la piste, au milieu du groupe et qu’il choisisse quelqu’un du sexe opposé pour le défier. Je dois dire que je commence à paniquer un peu là. Pourvu que personne ne jette son dévolu sur moi. Après un démarrage un peu lent pour cause de timidité générale, un mec finit par se lancer. Il n’en est pas encore à faire des prouesses, mais je peux déjà percevoir une certaine facilité dans ses mouvements et beaucoup de grâce. Pas mal le type… La trentaine je pense, une peau légèrement dorée, des yeux aussi bruns que ses cheveux, grand sans excès et des muscles discrets mais bien présents. J’aime le regarder bouger. Un peu hypnotisée par ce bel éphèbe, je ne réalise pas tout de suite qu’il se tient juste devant moi. Merde ! C’est une invitation à le rejoindre au milieu. La panique, la panique, la panique ! Je tente une petite esquive polie de la tête, mais la prof me rappelle à l’ordre et me somme de relever le défi sur le champ. Je n’ose pas trop regarder mon ‘adversaire’et coincée comme une ado effarouchée, je commence à me déhancher légèrement. Le rythme entraînant d’Eminem et les applaudissements en rythme du groupe commencent à redonner confiance. Je commence vraiment à prendre du plaisir. Je le regarde droit dans les yeux et je lui livre bataille comme une vraie guerrière. Nos mouvements s’accordent bien, c’est super cool. Top, deux minutes chrono, c’est à deux autres combattants d’entrer en piste. Je recule donc tout en break dance, pour regagner ma place dans le groupe. Il sourit. Il est juste en face de moi et tout en encourageant les deux téméraires du milieu, il ME sourit. Trop gênée, je détourne le regard comme si je ne l’avais pas vu. Encore deux trois passages de danseurs et c’est la fin du cours. Exténuée, mais ravie, je me dirige vers le banc où sont posées mes affaires. Une bonne douche bien chaude me fera du bien. J’entends juste derrière moi un « Hey ! Pas mal du tout dis donc pour une débutante. T’as sûrement déjà dû faire un peu de danse, non ? » Je le soupçonne d’être un peu dans la flatterie, mais bon, ça fait toujours plaisir. Gonflée à bloc, je décide de faire face à mon interlocuteur. « Euh, non, pas vraiment. Mais j’dois dire que je me suis plutôt éclatée ». Je lui épargne les cours de danse classique que j’ai suivis contrainte et forcée entre mes sept ans et mes neuf ans. « Tu t’es inscrite pour l’année ? » « Oui, deux cours par semaine » « OK. Ca te dit d’aller prendre un petit rafraîchissement en sortant ? » Alors là, je ne n’y attendait pas du tout. C’est un peu rapide quand même. J’sais pas trop… Ma gêne doit sûrement être palpable car il surenchérit direct « Si tu n’as pas le temps, c’est pas grave, on verra ça une prochaine fois » « Non. Enfin si, j’veux dire ok. Ok, j’vais prendre une douche et on se retrouve à la sortie dans 10 minutes ? »

Je rassemble mes affaires et me dirige tout émoustillée vers les douches. Respiration profonde, sang-froid, il faut que je me calme. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’en veut pas à mon argent, puisqu’il ne sait rien de ce qui m’est arrivé ce matin. D’ailleurs en parlant d’argent, je n’aurai plus temps d’aller à la Française des Jeux aujourd’hui pour aller chercher mon joli chèque. Pas grave, ça peut attendre demain. Un pt’it coup d’œil dans le miroir, rien à signaler, c’est bon. En avant toute.

Il est 17h00. Et me voilà attablée en terrasse, en compagnie agréable. Nous discutons très librement et simplement. Beaucoup moins compliqué que ce je pensai. J’avais peur de ne rien avoir d’intéressant à lui dire et au final on a parlé de pleins de choses. Il s’appelle Nour, il a 30 ans et travaille comme serveur à Paris. C’est un job alimentaire, car son grand rêve c’est de pouvoir percer dans le cinéma. Ca fait plus de dix ans qu’il prend des cours de théâtre, de cinéma et de danse, mais pour l’instant rien à l’horizon, à part quelques petits courts-métrages d’après lui sans intérêts et de la figuration. Il pense que c’est à cause de son physique un peu trop basané. Je le trouve pourtant si beau… C’est pas tous les jours facile financièrement, mais il continue d’y croire malgré tout et bosse pour pouvoir se payer ses cours. Je trouve ça hyper courageux et touchant. Cigarette sur cigarette, jus d’ananas sur jus d’ananas, je me rends compte avec effroi qu’il est déjà 18h 30 ! Le temps a filé à une vitesse incroyable. La mort dans l’âme, je me vois dans l’obligation de rompre le charme« Désolée, mais va vraiment falloir que j’y aille, j’ai rendez-vous avec des amies tout à l’heure et j’ai encore quelques petites choses à régler ». Je perçois une légère déception dans ses yeux, mais il fait mine du contraire. « D’accord. On se revoit lundi pour le cours alors ? » « Oui, à lundi ». Après avoir déjà fait quelques pas, j’entends Nour qui me rappelle « Justine. Tu ne veux pas qu’on se file nos numéros ? Comme ça on pourrait se donner rendez-vous un peu avant le cours pour boire un petit café. » Yes, yes, yes ! « Oui, d’accord. Pourquoi pas », dis-je d’un air un peu détaché et indifférent. Ca c’est tout le talent d’une femme qui a envie de se faire désirer…
Bon, bon, bon. Je reprends mes esprits et je pense à ce qu’il me reste à faire avant de rejoindre Anna et Sonia pour notre petite soirée entre filles. J’ai vraiment envie de leur faire plaisir et qu’elles soient les premières à apprendre l’extraordinaire nouvelle.Saint-Germain Des Prés, le petit coin bourgeois de Paris dans lequel on peut trouver toutes sortes de bonnes choses. Je rentre chez un traiteur haut de gamme dont je tairai le nom, comme j’entrerai dans un temple sacré. Le firmament des délices. J’hésite longtemps, puis finalement je me laisse aller à choisir pleins de mets différents. Comme ça il y en aura pour tous les goûts. Un bavarois de foie gras aux truffes et des cornets de brandade de homard pour commencer à se mettre en bouche, une petite louche de caviar pour le fun et la découverte, suivi de ravioles à la truffe blanche au jus de parmesan, une poêlée de gambas avec ses petits légumes provençaux, des petites aumônières de chèvre et leur huile de noix, un trio de fromage et sa verdure, des petites mignardises absolument adorables et certainement délicieuses, un croustillant chocolat framboise et sa crème fouettée. Pour arroser le tout avec parcimonie, un Saint Emilion grand cru et une bouteille de Moët & Chandon. Pas mal. Je pense qu’on a ce qu’il faut pour passer une excellente soirée. Heureusement qu’ils livrent, parce que je ne sais pas comment je me serai débrouillée toute seule. 320 euros, livraison comprise, c’est pas beau ça !
19h30. J’vais être un peu à la bourre moi ! D’autant que ce n’est pas mon habitude d’être en retard. Heureusement que j’ai pensé à réserver ma petite surprise un peu plus tôt dans la journée, sinon c’était cuit. Juste avant de me rendre au restaurant ce midi, j’ai eu l’idée lumineuse de nous réserver pour toutes les trois la visite de deux masseuses pour une petite séance de réflexologie plantaire. Tout est prêt. Je prends enfin la direction d’un quartier un peu moins chic de Paris, Porte de Choisy.

Une petite quinzaine de minutes de retard, je suis enfin devant la porte du palier d’Anna. « Hey ! Salut les filles, désolée pour le retard. J’ai passé une journée in-cro-ya-ble ! » « Mais tu es magnifique ! Tes cheveux… C’est super, ça te va vachement bien ! T’as l’air en pleine forme dis donc »« Mais… Tu ne devais pas te charger du repas ? » « Bah si, c’est fait ! » « T’as les mains vides » s’exclament-elles en cœur. « Pas d’inquiétude, le repas viendra à nous en temps et en heure. Mais avant ça, mettez-vous tranquillement à l’aise, nous n’allons pas tarder à avoir une petite visite. » « Nico ! Tu t’es remise avec Nico et tu voulais nous faire la surprise. Mais c’est carrément génial. Ca explique ton état survolté et ta métamorphose ». « Vous n’y êtes pas du tout là les filles. Nico c’est bel et bien du passé. Envolé le Nico, pulvérisé, plus de Nico ». Complètement ahuries, je vois bien qu’elles ne comprennent plus rien à rien. Pas grave, je garde encore un peu mon secret. Sauvée par le gong ! Ca sonne enfin. « Mettez vous à l’aise, je reviens de suite ». « Tindin ! Je vous présente Li hu et Maé qui vont prendre soin de nos petits pieds et nous envoyer aux cieux ». Enfin la réaction que j’attendais. Après un ptit laps d’étonnement, elles sont carrément mortes de rire. « Mais t’es incroyable ! Alors ça, fallait y penser. C’est trop cooooool ! » Et nous voilà plongées dans un pur moment d’extase. Entre filles, c’est possible de se faire plaisir ! Dehors les mecs ! Deuxième sonnerie. Tout est réglé comme du papier à musique. « Et maintenant chères mesdames, voici le festin tant attendu… » « Nan ! Mais c’est pas vrai. T’as gagné au loto ou quoi ? » « Pas au loto… » Elles se regardent, partagées entre le rire et l’inquiétude. Je pense qu’elles pensent que j’ai perdu la tête. A vrai dire, c’est pas faux. Je sors, triomphante, mon petit bout de carton coloré. « Merde ! C’est pas croyable. J’hallucine. 500 000 euros ! Ouaaaaaaah !!!! »En même temps que nous commençons à déguster notre fameux banquet, je leur raconte chaque détail de ma journée. Mon réveil à 6h00 du mat comme d’hab, la boule au ventre qui ne cesse de grossir avec les années, ma petite halte habituelle au café en face de l’agence, la clope que je m’apprêtais à écraser dans le cendrier, le bout de carton et le pétage de plomb. C’est exactement la soirée que j’imaginais. Quel bonheur de partager ce moment avec elles. De les voir rire sans se soucier du temps qui passe ; De se remémorer nos plus anciens souvenirs, mais encore tellement vivants, de répondre à leurs questions sur ce charmant jeune homme rencontré à l’école de danse ou encore sur ce que je prévois de faire avec tout cet argent. Hors de l’espace temps, un pur instant de bonheur comme il y en a peu. Je me concentre de tout mon être pour m’imprégner à tout jamais de ce moment ; Ce petit air de Marvin Gaye en toile de fond, l’odeur de leur parfum et du tabac, leur rire, leurs yeux pétillants. « Bon, j’voudrais pas dire, mais il est quand même 1h30 du mat et je crois bien qu’il y en a deux d’entre nous qui travaillent demain ! »

Légèrement enivrée par le flot de toutes ces émotions et les vapeurs des très bons crus avalés, je titube bon an, mal an vers la bouche de métro la plus proche. C’est d’un calme olympien. Pas un chat. Si je veux choper le dernier métro, j’ai intérêt à tituber plus vite ! Encore un petit effort et dans moins de trente minutes je serai rentrée. J’arrive sur le quai. Le bruit de mes talons raisonne ; Je déteste ça, car je n’ai surtout pas envie d’attirer l’attention sur moi. Une bande de mec au bout du quai desquels je me garderai bien de me rapprocher, un jeune couple assis, enlacés et bien trop occupés pour calculer quoique ce soit, trois clochards étendus de tout leur long, un mec insignifiant et deux jeunes nanas hilares qui doivent certainement rentrer de soirée. Ca fait pas beaucoup de monde tout ça. Je préfère largement quand il y a foule, ça me rassure. Balayage express des emplacements de chacun… Je choisis de me mettre aux côtés des deux filles. Le métro met un temps fou à arriver. Malgré la fatigue qui m’assomme littéralement, je reste les yeux et les oreilles bien ouverts. La bande de type au bout du quai doit certainement trouver aussi le temps long, car ils commencent à s’exciter et à bouger un peu trop à mon goût. Je ne me sens pas du tout tranquille. Je vois bien du coin de l’œil, qu’ils sont à l’affût de la connerie qu’ils pourraient faire. Je décide de prendre le livre qui est dans mon sac, même si je l’ai déjà terminé hier, d’histoire de ne pas les regarder et d’apaiser un peu mon angoisse. J’entends des voix qui s’élèvent. Je tourne ma tête et j’aperçois un des gars de la bande en train d’emmerder le jeune couple. Il passe sa main dans les cheveux de la jeune femme, absolument pétrifiée. Son copain, malgré son air peu rassuré se lève pour affronter l’agresseur. Les autres ne tardent pas à débouler en gueulant. A ce moment précis, le métro arrive. Ni une ni deux, je file dans le wagon le plus proche et m’installe tout prêt des jeunes filles. Dans huit stations, c’est la délivrance ! Pas un bruit… Les deux filles se sont endormies et moi je me mets à rêver de ce que sera ma vie demain. Quelle douce et merveilleuse journée. J’ai l’impression d’avoir vécu trois journées en une ! Je suis brutalement tirée de mes songes par le réveil en fracas de mes voisines qui avaient failli rater leur station. Plus que trois. Le train redémarre et le bruit assourdissant des rails me fait mal au crâne. L’arrivée en station est chaque fois une délivrance. Plus que de… J’allais finir mon décompte, lorsque la bande de quatre mecs de tout à l’heure fait irruption bruyamment dans le wagon. Panique, secousse interne de magnitude 8. J’ai l’impression de sentir battre mon cœur dans tout mon corps. Le train repart dans sa course effrénée. Je regarde à travers la vitre en essayant de calmer ma respiration. Mais je sens bien qu’ils ont eu vite fait de repérer qu’il y avait de quoi s’amuser un peu. « Salut toi » ; Je fais semblant de ne pas entendre. « Oh ! Quand j’te parle tu réponds ok ? ». Je sursaute malgré moi et je suis obligée de faire face à la situation. « Pardon, je ne pensais pas que vous me parliez », Rire général, bien bruyants et bien gras. « Ôoo, c’est mignon, elle pensait pas que c’est à elle qu’on parlait… Bah si ma belle, c’est à toi qu’on parle. Alors c’est quoi ton petit nom ? » Je déglutis douloureusement pour réussir à susurrer un petit « Justine ». « Justine, tine, tine, elle pine, pine, pine ! » Ils hurlent carrément la mélodie improvisée et commencent à se rapprocher dangereusement de moi. Le métro ne va pas tarder à arriver à quai. Mais je me sens coincée, totalement paralysée. Ca sert à quoi d’avoir 500 000 euros dans ces cas-là ? Peut-être que je n’arriverai jamais à destination… Ou alors dans un sale état. La rame arrive à quai. Je ne regarde plus que mes pieds ; Je n’entends plus que leurs rires hurlants et leurs paroles salaces. «Hummm… T’as une très jolie robe Justine. » « T’aurais pas quelques euros à nous dépanner pour le reste de la soirée ? ». Dix mille scénarios se bousculent dans ma tête. Je les imagine comme des bêtes, se jeter un par un sur moi, me faisant subir les pires sévices au milieu de leurs hurlements dégueulasses ; Ou encore avec un couteau sous la gorge, une main sous ma jupe, une autre dans mon décolleté et un d’entre eux qui me susurre dans l’oreille tout ce qu’il pourrait m’arriver si je ne leur donnais pas sur le champ mon très beau sac. J’entends la sonnerie des portes qui se referment. Mon cerveau fonctionne à la vitesse de la lumière. Soit je reste bien docilement assise à ma place et adviendra que pourra… Soit je tente mon ultime chance de m’échapper de cette horreur… Fin de la sonnerie, je bondis d’un coup jusqu’à la porte, appuie sur le bouton vert du milieu, saute sur le quai, court jusqu’aux sièges en face et reste dos au wagon. Je ne veux pas voir, je ne veux pas… J’entends des coups extrêmement violents sur les portes et les vitres apparemment fermées. Ils n’ont pas eu le temps de descendre eux aussi… A moins qu’ils n’aient aucune intention de me suivre et que le simple fait de jouer à faire peur leur suffise. Le train part. Enfin. Il est 2h00 du matin. Personne sur le quai. Mes jambes sont incapables de me porter. Il faut que je m’asseye quelques minutes. A peine assise, je suis prise de spasmes atroces, incontrôlables, qui me coupent la respiration ; Mes sanglots raisonnent dans ce grand quai vide. Mon corps expulse violemment toute la tension et la terreur que j’avais tenté de contenir au mieux dans le wagon. Je me sens vide, épuisée. Je reprends mon calme doucement. Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise sur ce siège. Je me relève tant bien que mal et j’arpente les derniers mètres de couloirs souterrains qui me séparent de la vie extérieure. Une grande bouffée d’air frais entre dans mes poumons. Il me porte doucement jusqu’au pied de mon immeuble. Le cauchemar est fini. Arrivée sur mon pallier, je m’apprête à sortir les clés de mon sac. Sauf, qu’à ce moment précis, le temps d’une demi-seconde, j’ai l’impression que le monde s’écroule sous mes pieds… Mon sac… Mes mains sont vides. Je n’ai pas mon sac à main ! Je m’écroule à genoux, le dos collé sur ma porte d’entrée. Je n’ai plus la force de faire autre chose que de pleurer à chaudes larmes. Je ne peux même plus rentrer chez moi. Je n’ai plus rien. Rien ! Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’ai beau re-visualiser maintes et maintes fois la scène du wagon… Non, j’avais bien mon sac collé à ma poitrine et ils ne me l’ont pas pris. Mais quelle conne ! C’est pas vrai… Je l’ai laissé à côté du siège sur lequel j’étais assise sur le quai. Quelle poisse. J’ai été confrontée à une bande de loubards qui aurait pu me le voler dix mille fois, bah non ! Il faut que ce soit moi qui l’oublie bêtement sur le quai du métro. Franchement, il y a des jours où je me déteste vraiment.

La raison me rappelle à l’ordre en me murmurant qu’il y a certainement quelque chose à faire. De toute façon, j’peux oublier mon sac à l’heure qu’il est. Les grilles sont déjà fermées et demain matin il n’y aura certainement plus rien. Aller concentre toi, tu ne vas quand même pas rester là à te lamenter au pied de ta porte jusqu’à l’aube ! J’essuie mes larmes et j’entreprends de chercher une solution. Mon portable ! Heureusement, je ne mets jamais mon portable dans mon sac. Il est juste là, dans la poche intérieure de ma veste. J’vais appeler un serrurier ; Oui, c’est ça, comme ça je pourrai au moins rentrer chez moi et m’affaler dans mon lit, dans la chaleur moite et rassurante de ma couette. Merde, merde et merde !!! Et comment j’ vais faire pour le payer le serrurier ? Je n’ai plus un sous sur moi. C’est assez comique pour une personne qui détenait encore, il y a quelques heures, 500 000 euros sur elle. Appeler Anna ou Sonia… Nan, j’vois pas trop ce qu’elles pourraient faire pour moi à cette heure-là. Toquer chez le voisin… A vrai dire, il ne m’a jamais vraiment inspiré confiance ce type et comme j’ai eu ma dose aujourd’hui, je crois bien que je vais m’abstenir. Complètement découragée, je prends quand même mon portable avec l’espoir un peu dingue qu’il me soufflera peut-être une idée lui. Je m’aperçois qu’il est 2h35 du matin. Je m’aperçois également que j’ai reçu un message à 1h00 du matin. C’est Nour. Il m’écrit : J’espère ne pas te réveiller, je finis tout juste mon service. Juste pour te dire que je suis ravi de t‘avoir rencontré et d’avoir passé un moment aussi agréable avec toi. Bonne nuit, bises, Nour. Habituellement, ça m’aurait mise dans un état de surexcitation puérile. Mais là, même si ça me fait un petit quelque chose et que ça apporte un peu de douceur dans cette situation insupportable, j’ai d’autres choses bien plus urgentes à régler. Pause ! J’ai trop envie d’une cigarette. Heureusement que je garde aussi toujours mes clopes sur moi. On pourrait croire que le plus important à mes yeux ce sont mon portable et mes cigarettes ! C’est vrai ça. Pourquoi ce ne sont pas mes clés, ma carte bleue et mon ticket gagnant que j’aurai gardé précieusement dans ma poche ? J’allume ma cigarette et au bout de quelques taffes, une idée lumineuse me traverse l’esprit. Enfin… Lumineuse, j’sais pas trop, mais une idée en tout cas. Je reprends mon portable et je clique sur répondre : Merci Nour. J’ai moi aussi passé un excellent moment en ta compagnie. Et non, ne t’inquiète pas, tu ne m’as pas réveillée. A l’heure où je t’écris je suis à la porte de chez moi, plus de papiers, plus d’argent, plus de clés… Peut-être dors-tu à l’heure qu’il est. Si c’est le cas, désolée de t’avoir dérangé. Bises, Justine. Envoyé. SOS d’une terrienne en détresse ! Va-t-il me répondre ou pas ? De toute façon, je pense qu’il ne pourra pas faire grand-chose non plus, mais au moins je me sentirai moins seule. Je finis de déguster ma cigarette dans le calme olympien de l’immeuble endormi. Cinq minutes, toujours rien. Désespérée et découragée, je commence à m’assoupir. La tête appuyée sur la porte, elle ne cesse de tomber lourdement sur le côté, ce qui me fait sursauter à chaque fois. Du fin fond de ma somnolence, j’ai cru entendre un petit bip.bip. Les yeux lourds de fatigue, j’essaie tant bien que mal, de déchiffrer le texto que j’ai reçu. C’est Nour. Bah oui, qui d’autre pourrait m’écrire un texto à 3h00 du mat ; si ce n’est quelqu’un dans la même situation que moi. « Donne-moi ton adresse ». Ouah ! Carrément… Court, mais efficace. A vos ordres monsieur. « Ok. J’arrive. Appelle un serrurier, à tout-à l’heure. »Mon sauveur, mon héros ! Toute ragaillardie, mon cher I.Phone et moi nous lançons à la recherche d’un serrurier urgentiste. Il n’y a plus qu’à attendre maintenant. De longues minutes durant lesquelles je reviens sur la journée que je viens de vivre. Je viens de perdre à tout jamais mes 500 000 euros. Parti en fumée, comme ça. Et est-ce utile de rajouter bêtement. Bizarrement, même si j’aurai préféré les garder, je ne suis pas effondrée par cette perte. Si j’avais été directement à la Française des jeux, puis à la banque ensuite tout cela ne serait pas arrivé. Mais peut-être alors que je n’aurai pas pu faire la moitié de ce que j’ai fait aujourd’hui. C’était tellement bon. Si je récapitule un peu tout ça, combien cette journée m’a coûté ? Coiffeur : 295 euros, resto : 180, abonnement école de danse : 2000, traiteur : 320, masseuse : 180. Ah oui, j’allais oublier le petit week-end de trois jours que j’ai réservé pour dans trois semaines en Italie. Je pensais faire la surprise à ma petite sœur : 800 euros. Total : 3775 euros. C’est quand même une jolie somme… Mais au vu de ce que j’avais gagné, j’aurai pu faire dix mille fois plus. Comme par exemple m’acheter un appart sur le champ, réserver des billets d’avions pour l’autre bout du monde… Mais non. Ca ne m’a même pas effleuré l’esprit. L’argent que j’ai dépensé aujourd’hui, j’aurai pu le faire même sans ces 500 000 euros. Je suis plutôt du genre économe. J’ai réussi à amasser une petite somme qui m’aidera à couvrir mes petites folies du jour. Et si ce gain virtuel ne s’était présenté à moi que pour que j’assume vraiment ce que je suis, pour réveiller ce grain de folie bien profondément enfoui, pour me pousser à faire ce que j’avais envie de faire. Je me suis écoutée, j’ai pris soin de moi comme je ne l’avais pas fait depuis longtemps, j’ai pris le temps de savourer chaque seconde de la journée, j’ai vécu un moment d’exception avec mes deux meilleures amies, j’ai repris le stylo, j’ai ri, je me suis dépassée, je me suis ouverte et j’ai rencontré Nour… Ouais. J’ai perdu mon petit bout de carton, mais je suis plus riche que je ne l’ai jamais été. Bien sûr que la vie est plus simple avec de l’argent, mais je ne suis pas vraiment à plaindre non plus. J’espère sincèrement que la personne qui trouvera mon précieux petit carton en fera bon usage. A moins qu’il ne soit destiné à n’être jamais encaissé et à réveiller les consciences ? Cette idée me plaît bien… Tout ce qu’il me reste à faire maintenant c’est d’aller au commissariat pour déclarer la perte et faire opposition à la banque. Super programme ! Tirée de ma profonde méditation par un « B’soir M’dame, je suppose que c’est pour vous l’intervention ? ». Bah oui gros nigaud, fallait pas sortir de Saint-Cyr pour deviner. A 3h30 du mat, le gars sort tout son barda et commence carrément à scier la serrure. La vache, mais ça fait un boucan d’enfer ! Et y’a des étincelles partout. Il va réveiller tout l’immeuble là. Bingo, mon voisin, tout frippé de sommeil pointe le bout de son nez. Morte de honte, je lui explique ce qu’il se passe et que je suis vraiment désolée et que je n’avais vraiment pas le choix… Sans un mot, il me claque la porte au nez ! Quel con celui-là, j’avais bien raison. Une main sur mon épaule me fait sursauter. Il est là. Il est vraiment venu. Le mec nous interrompt dans notre yeux à yeux silencieux « C’est plié m’dame. Voici vos clés. 1200 euros s’il vous plaît ». Gloups ! Je regarde Nour hyper gênée par la situation. « Ca fait vraiment beaucoup. J’suis désolée, je te rembourse dès que la banque ouvre ses portes » « Si ça peut vous rendre service, vous pouvez me faire trois chèques ».Il me fait un petit sourire et sort son chéquier sans broncher. « Bon, bah… Merci. C’est vraiment gentil de ta part. Sans toi, je serai encore à moisir sur le pas de ma porte ! » « Ça va, t’es pas trop moisi à première vue, j’suis arrivé à temps. » Petit silence. Est-ce qu’il ne mériterait pas, par hasard, un dernier petit café avant de rebrousser chemin ? « Un pt’it café, ça te dit ? »
Nous voilà dans ma cuisine. J’avoue avoir du mal à me concentrer sur ma mission café. Il est debout, silencieux, adossé sur le mur, pendant que moi je m’affaire à mettre correctement le filtre dans la cafetière. Mon cœur bat très fort dans ma poitrine. Seul le bruit du café qui passe raisonne dans la cuisine. Il s’approche doucement, me prend une main et se décide de ne pas laisser la cafetière régner seule « Alors, qu’est-ce qui s’est passé au juste ? » Je ne sais pas ce qui se passe à cet instant en moi, mais je me sens submergée par l’émotion. Il ne s’agit pas de tristesse, mais d’un trop pleins d’émotions qui ne demande qu’à sortir. Et comme un fait exprès, c’est maintenant, qu’il décide de sortir. Je ne peux plus parler. Les larmes coulent toutes seules le long de mes joues sans je puisse rien y faire. On peut rêver mieux comme premier rendez-vous. Il ne va sûrement pas à tarder à me dire qu’il est vraiment très tard et qu’il faut qu’il y aille. Il lève doucement ma tête vers lui et caresse mon visage délicatement. Ses mains m’apaisent et me font frissonner délicieusement. Mon dieu, je ne dois plus ressembler à grand-chose à l’heure qu’il est avec mes yeux bouffis et le maquillage dégoulinant. Mais ses yeux me disent tout le contraire. Il me porte dans le salon, jusque dans le canapé. J’ai l’impression d’être dans un conte de fée ou Scarlett Ohara dans Autant en emporte le vent. Ses lèvres sont d’une douceur incroyable. Je me sens partir très loin, plus rien n’existe autour, même pas la cafetière qui nous signale de son bip bip agaçant que le café est près.

J’ai dû partir si loin, que je ne rappelle absolument plus quand je me suis endormie. J’émerge doucement. Nour, encore assis, est affalé, les yeux fermés sur le canapé. Et moi, dans ses bras. Nos baisers nous ont bercés doucement jusqu’à l’endormissement. Quel bonheur. Je me sens si bien. Le charme est rompu brutalement par une prise de conscience subite. Mme Laboure ! Faut toujours qu’elle vienne me gâcher la vie celle-là. Comme je ne peux plus compter sur ma fortune soudaine, il va falloir que je trouve un moyen de rattraper l’affaire ; Au moins, dans l’attente de trouver quelque chose qui me convienne mieux. Ou que je puisse peut-être éditer mon premier roman, qui sait ! Je me dégage doucement des bras de mon héros, pour aller saisir mon portable. « Oui, bonjour Madame Laboure. Non, non… Je suis vraiment désolée, mais je n’ai pas pu vous appeler hier, j’ai eu un accident. Ça va, ça va, plus de peur que de mal. Je vous raconterai. Vous pouvez compter sur moi lundi. Merci, au revoir et bonne journée ». Ouf ! C’est passé. Il me reste le week-end pour inventer une super histoire qui tienne la route ; Ca devrait aller, pour les histoires j’suis la championne. Je regarde Nour sortir lentement du sommeil. Mon petit doigt me dit que cette fois-ci sera la bonne. Et pour le week-end en Italie, je pense que ma petite sœur comprendra très bien…
Et voilà, vous savez tout maintenant. La vie est pleine de surprises. J’ai cru perdre la tête à plusieurs reprises durant ces 24 heures. Toute réflexion faite, je l’ai bel et bien perdue, pour au final en retrouver une toute neuve…
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Histoire d'Or Empty Re: Histoire d'Or

Message  Nilo Lun 12 Aoû - 8:32

Beaucoup plus courte.

Ah bon ?!

Bon, j'ai commencé à lire. J'en suis là : J’ai l’impression de faire un truc complètement fou.
J'ai décidé de feuilletonner, j'y reviendrai.
En tout cas jusqu'ici j'ai trouvé ça plutôt bien écrit et agréable à lire.

Nilo, à suivre.

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