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Et la Terre peut bien s’écrouler…
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Nilo
Lalou
vivant
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Et la Terre peut bien s’écrouler…
Le carrefour de Louens s’est réduit à un point lumineux dans le rétroviseur. Les mâchoires de Samuel Hénois décrochent leurs premiers bâillements. Le chahut des mômes persiste, grille un à un les fusibles de son crâne et martèle un front hermétique en produisant des bruits d’enclume. Migraine.
Pleins phares sur la grande ligne droite déserte en direction de Castelnau. Il se serait volontiers passé d’un anniversaire ce soir, presque autant que des deux réunions de synthèse matinale. Quatorze heures de boulot sans interruption. Quinze avec le trajet, à rester maître de soi et vigilant. Putain de boucan ! Courses folles, rires déments, échanges de coups aveugles, pleurs, cris de rage. Et Samuel au milieu des treize gamins, qui mouline en sémaphore débordé, qui pare au plus pressé, qui brasse de l’xair avec sa collègue en échangeant des regards excédés. Et puis ça part, il se met à hurler lui-même, à saisir un bras, une épaule, avant d’éteindre la musique. Tout le monde au lit ! Sous la couette, des regards penauds réclament leur bisou du soir. Samuel borde en se demandant déjà où ont bien pu se nicher les dizaines d’envies de baffes et de coups de pied au cul. C’est peut-être ça qui bourdonne encore, ça qui lui pète les vaisseaux oculaires, ça qui le ronge à vif. Dire qu’il existe des gens pour penser que les éducateurs ne font que boire des cafés et fumer des pétards… Les mythes ont la peau dure. Progressivement, l’empreinte des épisodes bruyants et désordonnés se mêle au ronronnement du moteur, les paupières de Samuel s’affaissent, brûlantes et sèches. La route s’annonce comme une longue descente de lit.
23H15 au tableau de bord et 53°c mensongers. La sonde de sa vieille Laguna le balade effrontément depuis des mois en lui promettant le sahara, mais la vérité se lit au-delà du pare-brise mollement balayé par les essuie-glaces : Une fin d’automne plutôt fraîche et un léger vent pluvieux de côté. Il n’y a pas de brouillard, c’est déjà ça.
Sur la portion de voie rapide, il reste à quatre-vingt à l’heure, une main sur le volant, l’autre prend appui sur le bord du siège passager. Le matin même, pour arriver à temps à la réunion, il a effectué le chemin inverse à cent trente, les yeux collés de fatigue, les deux mains positionnées à dix heures, dix.
Samuel n’est pas pressé de rejoindre Alejandra. Depuis quelques semaines, elle peste sans discontinuer, elle déborde, elle dégouline et l’inonde de son aigreur. Il encaisse, hagard et triste, ses reproches en cascade. Elle est infatigable. Le menton en avant, la pupille rageuse, elle émaille ses propos, en serrant les dents, de régulières insultes importées de Buenos Aires. Il comprend son insatisfaction, la vacuité de ses journées, le pincement qui la prend à la mi-septembre, lorsque les rideaux métalliques s’abattent sur les vitrines. Ça revient chaque année, puis ça se tasse mollement aux beaux jours. Samuel accepte de retrouver un intérieur bordélique, les couverts en vrac dans l’évier et du linge sale entassé derrière les portes des chambres. Il partage cette frustration de devoir calculer au plus juste leurs dépenses sans pouvoir s’offrir d’extras. Ce qu’il demande en contrepartie sans jamais l’obtenir, c’est un peu de calme et de tranquillité. Quelques grammes de répit, quoi ! Parfois, il lui hurle ça aux oreilles avant de s’isoler au salon, le traversin sous le bras, pour achever de se briser le dos sur le canapé. Seul, il continue de la maudire et d’insulter les murs jusqu’à ce que les ronflements l’emportent.
Traversée de Castelnau, son éclairage modeste, ses rares enseignes faméliques. Pour le reste, c’est volets clos, et ruelles sombres. Le feu de la gendarmerie puis après quelques virages, celui du centre, toujours au rouge et interminable, qui guette l’arrivée des automobilistes pour afficher son incandescence narquoise. Samuel décroche une nouvelle série de bâillement et papillonne des yeux en cherchant à les écarquiller. Sa vision est brouillée, la nuque se raidit, rien à faire. Dernier îlot urbain avant les routes de campagne. Sur le trottoir, une grosse femme en fuseau noir luisant cogne à une porte. Elle ressemble à une otarie affublée d’une perruque. Le temps de sortir de Castelnau, Samuel divague et l’imagine en train de se remuer, adipeuse, sur un amant efflanqué et acnéique. Il sent poindre la tiédeur et la naissance curieuse d’une érection. La fatigue, sûrement.
Sans réfléchir, il a mis les anti-brouillards pour balayer les ravins. A cette heure de la nuit, il n’est pas rare de croiser des chevreuils ou des sangliers inconscients et suicidaires. Il leur arrive de stopper leur course au beau milieu de la chaussée, désorientés, paralysés par le faisceau des phares, et apparemment insensibles au boucan du klaxon. Samuel avait trouvé ça charmant, les première fois, mais il avait perdu son âme d’enfant sur la voie rapide, un soir d’été, en passant devant deux cadavres de sangliers. A quelques mètres de là, une Renault 5 retournée et carbonisée fumait encore, sans aucun indice de présence humaine alentour.
Un affaiblissement infime, la Laguna porte légèrement à gauche, et le réveil en sursaut pour une embardée glissante en bordure de ravin. Samuel sort de sa léthargie, shooté à l’adrénaline, les tempes gonflées par la peur. Le cœur battant, il ralentit, se saisit de la bouteille de coca qui a roulé au sol et avale plusieurs gorgées glacées et moussantes. Puis il baisse la vitre côté conducteur, coupe la climatisation et envoie une version rare de « back in black » dans les enceintes.
Alejandra frissonne, emmitouflée dans sa couette. Elle boit un café le regard vaguement posé sur les émissions people de TVE internationale qu’elle enregistre chaque jour. On y commente pour la énième fois la dynastie des Rocio, le long rétablissement d’un torero salement encorné, ou la dernière sortie de la duquesa de Alba. C’est juste un fond sonore, une passerelle. Elle divague, revisite sa jeunesse comblée, se souvient des mois de janvier et février à Punta del Este, des spectacles du teatro Colòn , du gratin de Buenos Aires, des boites de nuits branchées qu’elle fréquentait alors. Elle est encore très belle, mais il n’y a pas de temps à perdre. Elle sourit. Samuel n’est pas là pour soupirer ou persifler. Alejandra regarde le radio réveil. Il ne va pas tarder à rentrer. Comme d’habitude, il va se plaindre, bâiller, balancer ses chaussettes n’importe où, et ronfler comme un sanglier en un temps record.
Ce qu’il prend pour de la colère aveugle est bien autre chose et il ne pourra pas simplement l’ignorer en attendant que l’orage passe. Ce qu’elle ressent, c’est de la haine, c’est ce sentiment précis qui nécessite une cible. La ruine du bonheur n’a pas suscité de vocation archéologique chez elle. Si Alejandra a vaguement envisagé l’idée d’une reconstruction à partir des décombres, une autre solution est apparue, plus économe, et habituellement choisie par les promoteurs immobiliers. On démolit, on arase et on édifie avec des matériaux neufs.
L’assurance de la maison, celle du travail, il y avait de quoi retourner en Amérique du sud pour y entreprendre de nouvelles fondations, et depuis la crise de 2001 et l’effondrement du bon élève du FMI, cela voulait dire : Un appartement cossu à Buenos Aires ou en bordure d’océan à Punta del Este, et de quoi voir venir pour au moins deux décennies. Alejandra faisait son possible pour atteindre son rêve. Elle oeuvrait à démolir Samuel à la masse en haussant le volume de la télévision, en lui envoyant des coups répétés pendant son sommeil, en criant au milieu de la nuit prétextant un cauchemar, ou encore en multipliant les disputes pour l’envoyer dormir sur le canapé hostile du salon. La privation de sommeil était une méthode en vogue dans les sectes, qu’elle mettait au service de son but. Dernièrement, elle avait entrepris d’user les pneus au moyen d’une lime à bois pour augmenter ses chances. Les routes sinueuses du médoc, les ravins abrupts, le gibier insouciant, le brouillard et la perte de vigilance… Les conditions de l’accident finiraient bien par être réunies un jour. Voilà ce qui lui traversait l’esprit chaque matin sur le seuil de la maison et qui donnait un air énigmatique à son regard vert et du piment à son demi-sourire. Samuel y voyait une tentative d’effacer l’ardoise et un fébrile espoir de renouer avec le bonheur.
23H45. La voiture vient de quitter Brach. La pluie fouette son visage par la vitre ouverte. Les enceintes saturées font gicler « Highway to Hell », mais Samuel est hypnotisé par le rythme des essuie-glaces. Les guitares mollissent, les hurlements s’arrondissent, le menton plonge juste avant de se redresser en urgence, dans le virage. Samuel enfonce le pied sur la pédale de freins, les pneus glissent, le déportent sur la chaussée humide, puis sortent de la route. Les phares tourbillonnent avant d’exploser contre un pin. Samuel ferme les yeux et lorsqu’il les rouvre, du sang coule au bout de son nez, dans son dos et le clignotant rythme le silence dans l’obscurité.
Elle a froid. Elle a toujours froid dans cette baraque et Dieu sait si la chaudière au fioul sait se faire remarquer. Il n’y a pourtant pas un grand volume à chauffer, mais tout ce qu’elle dégage, c’est cette persistante odeur de pétrole. Le débit poussé au maximum vide la cuve en un temps record sans qu’Alejandra y voie la moindre volonté de lutter contre le froid ou l’humidité. Samuel parle sans cesse de mieux isoler les combles, mais ses efforts se limitent à la comparaison des laines de verre ou de roche quand un prospectus tombe par hasard dans la boite aux lettres. Les premiers mois, Alejandra trouvait cela romantique de vivre sous les pins, presque en pleine forêt. Maintenant, elle craint qu’avec le temps, des cèpes ne finissent par lui pousser sur tout le corps. Un bel appart de béton et de verre, une climatisation réversible, avec pour seule végétation, des plantes vertes sagement alignées sur le balcon, comme dans les quartiers chics de Buenos Aires du côté de la Recoleta, de Palermo ou de Puerto Madero. Le rêve absolu. A propos, Samuel est en retard. Une demi-heure déjà. Ça commence à devenir intéressant. Elle sort de la couette en frissonnant, allume l’éclairage extérieur et guette en réprimant l’excitation naissante. Ne t’emballe pas, ma jolie. Rien n’est encore fait.
00H20. Samuel tente de sortir du véhicule mais la partie basse de son corps est complètement entravée. Il est parvenu à ouvrir la portière qui pointe comme un aileron de requin dans l’air tandis que la pluie s’engouffre et se mêle au sang. Le village de Brach n’est qu’à quelques centaines de mètres. Samuel s’égosille, demande de l’aide, klaxonne, mais rien ne bouge. Il n’y a jamais personne sur cette route, il le sait pertinemment. C’est d’ailleurs pour cela qu’il l’emprunte lorsqu’il doit rentrer tard, préférant le danger du gibier à celui des autres conducteurs : La région est pleine de vignes et en soirée, la nationale est sillonnée par son lot de consommateurs abusifs. Entre deux respirations, il imagine le bouquet de fleurs factices épinglé contre le pin. Un de plus sur le bord de la route. A chaque fois qu’il en dépassait un, il pensait à la souffrance des proches, au puits de douleur, au caractère abrupt de la vie. Il se rappelait aussi avoir dit à Alejandra, lors de disputes, qu’un jour il finirait par se foutre dans le décor et qu’elle aurait sa part de responsabilité. Il regrettait maintenant d’avoir été à ce point clairvoyant.
Elle téléphonerait bien à la maison d’enfants, mais personne ne répondrait à cette heure. Elle a lutté contre la possibilité de l’accident, mais le temps a fait son travail et le cœur d’Alejandra bat à tout rompre à l’idée d’atteindre enfin son but. A l’excitation, se mêle maintenant une pointe d’angoisse. Le limage des pneus, c’était peut-être le geste de trop. L’usure pourrait ne pas paraître naturelle au regard d’un expert. Alejandra s’en mord les lèvres, tente de faire rempart au doute qui brise une à une ses digues. Elle abdique. Lorsque pointe l’ombre de l’erreur dans un crime parfait, il est toujours trop tard pour rattraper le coup. Il se pouvait aussi que Samuel s’en sorte. Amnésique, ou handicapé, par exemple. Un légume à entretenir, un regard torve posé en permanence sur ses épaules. Une bouche baveuse à nourrir. Un système de sonde pour recueillir… Beurk ! L’horreur absolue. D’autant qu’elle ignore ce que peut rapporter une pension d’invalidité. Ça ne doit pas peser bien lourd. Elle se rend compte qu’elle parle seule dans le noir, et qu’elle tremble perceptiblement. Bon, ça ne sert à rien de rester plantée là, devant la porte. Alejandra se sert un autre café et réintègre la chambre pour zapper frénétiquement. Hausser le volume et s’étourdir dans les mots des autres. Maintenant, c’est fait. Il n’y a plus qu’à attendre. Un peu de patience et de calme !
Samuel est vidé. Sa voix est passée du rauque à l’inaudible. Il a refermé la portière et klaxonne tandis que son crâne donne des signes inquiétants de faiblesse. Il pleure, pense à Alejandra, à la complicité de leurs premiers ébats. Il se souvient du déchirement à chaque séparation, de ces unions sauvages juste avant de partir travailler et des souffles courts, des souffles d’amours qui filtraient de leurs sourires félins. Ce mélange de douceur et d’animalité, toujours étrangement bien dosé. Un temps où les mots manquaient pour rendre compte du bonheur. C’est tellement instable le bonheur… un noyau instable… En fusion puis en fission. Ça explose, ça s’échappe et après on passe notre temps à courir au hasard jusqu’à se perdre loin de l’autre. Et puis on se retrouve coincé dans une voiture à hurler « je t’aime » en le pensant, avec la brutalité et l’énergie désespérée des actes qu’on accomplit trop tard.
Samuel commence à grelotter. Il gesticule en grimaçant de douleur, pareil à un loup pris dans un piège. Il comprend qu’en pareil cas l’animal se mette à ronger sa propre patte. La mort gagne du terrain et il n’a que sa peau à opposer au tranchant de la faux. Pas l’ombre d’une échappatoire.
Une lumière ! Samuel n’y croit pas vraiment, mais elle persiste et s’éparpille sur le pare-brise en miettes. Dans le boucan du klaxon, il n’a pas entendu le véhicule arriver. Des bruits de pas, une ombre sur le pare-brise… On dirait bien un pompier ! Les pleurs redoublent. Samuel se rassemble. Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Oui il est conscient, oui il peut cesser d’appuyer sur le klaxon, oui il sent bien ses membres inférieurs… Il y a sa femme, Alejandra, à prévenir. Il tend son portefeuille, montre l’adresse du doigt. La vie gagne du terrain, dans les propos méthodique du pompier et dans l’éclat paisible de son regard. Samuel opine péniblement. Oui c’est vraiment une chance qu’il soit passé par cette petite route.
Quatre coups contre la porte vitrée. Alejandra sursaute, s’ébouriffe les cheveux, le cœur proche de l’explosion. Samuel n’aurait jamais frappé. Ses jambes flageolent à la vue du pompier, le casque ôté, coincé contre son coude. Elle ouvre, tremblante. Le sauveteur l’invite à s’asseoir mais elle refuse et le bombarde de questions. Il ne peut dire si c’est grave, simplement assurer que lorsqu’il l’a quitté, Samuel était blessé mais conscient. Il avait appelé du renfort après avoir enveloppé son mari d’une couverture de survie. Alejandra accuse le coup. Le tremblement de ses jambes la fait vaciller et elle est récupérée in extremis, au moment de heurter le sol. Ce n’est pas possible ! Répète t’elle sans livrer la suite de sa pensée : Il s’en est tiré ! Tout ça pour rien !
Pour l’apaiser, le pompier livre le message de Samuel. Alejandra ne se force pas beaucoup pour prendre un air désespéré. Il vous fait dire qu’il vous aime. Mais quel con ! Il pouvait crever pour me le prouver. Alors, maintenant, que faire ? Se laisser guider en somnambule par le saint-bernard, elle ne voit que ça et c’est loin de la satisfaire. Éteindre la télé, les lumières. Les événements s’enchaînent en prenant une tournure désagréable. Les images d’un grabataire à soutenir éternellement reviennent la narguer dans un rythme de gyrophare.
Le véhicule du pompier ralentit à hauteur de la voiture de Samuel. Alejandra est parcourue de tremblements. Elle prend la main que lui tend l’homme en uniforme et pousse immédiatement un cri de surprise quand il lui impose une clé de bras pour la plaquer contre le capot. D’un geste sûr, il saisit la main libre qui bat l’air et la soude à l’autre avec du chatterton. Puis, avec la même facilité, il lui ligote les jambes et la bâillonne pour finir par la porter sur son dos et l’enfourner dans la voiture accidentée. Samuel, solidement attaché au siège remue furieusement la tête et transmet instantanément sa terreur à Alejandra. Le pompier sifflote l’hymne à l’amour en ramassant un bout de verre tombé au sol. Le bâillon n’étouffe pas totalement les hurlements d’Alejandra. Samuel ne la quitte pas des yeux. Il implore à s’en faire exploser le cerveau. Les dieux auxquels il ne croyait pas n’ont jamais semblés aussi proches. Il voudrait qu’elle le regarde aussi et qu’elle l’aime au centre de sa pupille, comme au premier jour. Il voudrait croire encore une fois qu’ils sont seuls au monde et invincibles, mais Alejandra gesticule vainement. Elle est déjà seule avec sa rage.
Le verre tranchant pointé sur eux et le doigt sur la bouche il répète doucement « chut ! chut ! » avant de reprendre l’hymne à l’amour au début. Il les trouve attendrissants. Plus encore que les lapins qu’il aimait étrangler doucement, quelques années plus tôt, après les avoir patiemment élevés. Rien ne valait ce souffle de vie, cette tension ultime. Il appréciait particulièrement les derniers mouvements de pattes, comme un bouquet final, juste avant que la volonté ne se sépare du corps. Il ne sait pas par qui commencer. C’est après avoir entonné les dernières mesures de Piaf, qu’il se décide enfin. Il maintient la tête de côté de façon à ce que le sang de Samuel gicle sur le visage d’Alejandra. Elle lâche prise. Son but est atteint, mais lorsqu’elle voit le pompier se relever avec un autre bout de verre lui étant destiné, elle sent qu’elle n’en profitera jamais.
Le pompier ôte le chatterton, dispose les corps de manière à rendre la scène crédible. Encore un joli coup de chance. Deux pour le prix d’un cette fois ! Il efface méthodiquement ses traces, sur la portière, sur les morceaux de verre, puis se met à rire au trait d’esprit qui vient d’affleurer. En réintégrant son véhicule, c’est toujours Piaf qui l’inspire. Il démarre et chante à tue-tête et hilare « Moi j’essuie les verres au fond du café, j’ai bien trop à faire pour pouvoir rêver ….Ils sont arrivés se tenant par la main l’air émerveillé de deux chérubins, y avait tant d’soleil au fond de leurs yeux… ça leur a fait mal, ça leur a fait mal… »
Pleins phares sur la grande ligne droite déserte en direction de Castelnau. Il se serait volontiers passé d’un anniversaire ce soir, presque autant que des deux réunions de synthèse matinale. Quatorze heures de boulot sans interruption. Quinze avec le trajet, à rester maître de soi et vigilant. Putain de boucan ! Courses folles, rires déments, échanges de coups aveugles, pleurs, cris de rage. Et Samuel au milieu des treize gamins, qui mouline en sémaphore débordé, qui pare au plus pressé, qui brasse de l’xair avec sa collègue en échangeant des regards excédés. Et puis ça part, il se met à hurler lui-même, à saisir un bras, une épaule, avant d’éteindre la musique. Tout le monde au lit ! Sous la couette, des regards penauds réclament leur bisou du soir. Samuel borde en se demandant déjà où ont bien pu se nicher les dizaines d’envies de baffes et de coups de pied au cul. C’est peut-être ça qui bourdonne encore, ça qui lui pète les vaisseaux oculaires, ça qui le ronge à vif. Dire qu’il existe des gens pour penser que les éducateurs ne font que boire des cafés et fumer des pétards… Les mythes ont la peau dure. Progressivement, l’empreinte des épisodes bruyants et désordonnés se mêle au ronronnement du moteur, les paupières de Samuel s’affaissent, brûlantes et sèches. La route s’annonce comme une longue descente de lit.
23H15 au tableau de bord et 53°c mensongers. La sonde de sa vieille Laguna le balade effrontément depuis des mois en lui promettant le sahara, mais la vérité se lit au-delà du pare-brise mollement balayé par les essuie-glaces : Une fin d’automne plutôt fraîche et un léger vent pluvieux de côté. Il n’y a pas de brouillard, c’est déjà ça.
Sur la portion de voie rapide, il reste à quatre-vingt à l’heure, une main sur le volant, l’autre prend appui sur le bord du siège passager. Le matin même, pour arriver à temps à la réunion, il a effectué le chemin inverse à cent trente, les yeux collés de fatigue, les deux mains positionnées à dix heures, dix.
Samuel n’est pas pressé de rejoindre Alejandra. Depuis quelques semaines, elle peste sans discontinuer, elle déborde, elle dégouline et l’inonde de son aigreur. Il encaisse, hagard et triste, ses reproches en cascade. Elle est infatigable. Le menton en avant, la pupille rageuse, elle émaille ses propos, en serrant les dents, de régulières insultes importées de Buenos Aires. Il comprend son insatisfaction, la vacuité de ses journées, le pincement qui la prend à la mi-septembre, lorsque les rideaux métalliques s’abattent sur les vitrines. Ça revient chaque année, puis ça se tasse mollement aux beaux jours. Samuel accepte de retrouver un intérieur bordélique, les couverts en vrac dans l’évier et du linge sale entassé derrière les portes des chambres. Il partage cette frustration de devoir calculer au plus juste leurs dépenses sans pouvoir s’offrir d’extras. Ce qu’il demande en contrepartie sans jamais l’obtenir, c’est un peu de calme et de tranquillité. Quelques grammes de répit, quoi ! Parfois, il lui hurle ça aux oreilles avant de s’isoler au salon, le traversin sous le bras, pour achever de se briser le dos sur le canapé. Seul, il continue de la maudire et d’insulter les murs jusqu’à ce que les ronflements l’emportent.
Traversée de Castelnau, son éclairage modeste, ses rares enseignes faméliques. Pour le reste, c’est volets clos, et ruelles sombres. Le feu de la gendarmerie puis après quelques virages, celui du centre, toujours au rouge et interminable, qui guette l’arrivée des automobilistes pour afficher son incandescence narquoise. Samuel décroche une nouvelle série de bâillement et papillonne des yeux en cherchant à les écarquiller. Sa vision est brouillée, la nuque se raidit, rien à faire. Dernier îlot urbain avant les routes de campagne. Sur le trottoir, une grosse femme en fuseau noir luisant cogne à une porte. Elle ressemble à une otarie affublée d’une perruque. Le temps de sortir de Castelnau, Samuel divague et l’imagine en train de se remuer, adipeuse, sur un amant efflanqué et acnéique. Il sent poindre la tiédeur et la naissance curieuse d’une érection. La fatigue, sûrement.
Sans réfléchir, il a mis les anti-brouillards pour balayer les ravins. A cette heure de la nuit, il n’est pas rare de croiser des chevreuils ou des sangliers inconscients et suicidaires. Il leur arrive de stopper leur course au beau milieu de la chaussée, désorientés, paralysés par le faisceau des phares, et apparemment insensibles au boucan du klaxon. Samuel avait trouvé ça charmant, les première fois, mais il avait perdu son âme d’enfant sur la voie rapide, un soir d’été, en passant devant deux cadavres de sangliers. A quelques mètres de là, une Renault 5 retournée et carbonisée fumait encore, sans aucun indice de présence humaine alentour.
Un affaiblissement infime, la Laguna porte légèrement à gauche, et le réveil en sursaut pour une embardée glissante en bordure de ravin. Samuel sort de sa léthargie, shooté à l’adrénaline, les tempes gonflées par la peur. Le cœur battant, il ralentit, se saisit de la bouteille de coca qui a roulé au sol et avale plusieurs gorgées glacées et moussantes. Puis il baisse la vitre côté conducteur, coupe la climatisation et envoie une version rare de « back in black » dans les enceintes.
Alejandra frissonne, emmitouflée dans sa couette. Elle boit un café le regard vaguement posé sur les émissions people de TVE internationale qu’elle enregistre chaque jour. On y commente pour la énième fois la dynastie des Rocio, le long rétablissement d’un torero salement encorné, ou la dernière sortie de la duquesa de Alba. C’est juste un fond sonore, une passerelle. Elle divague, revisite sa jeunesse comblée, se souvient des mois de janvier et février à Punta del Este, des spectacles du teatro Colòn , du gratin de Buenos Aires, des boites de nuits branchées qu’elle fréquentait alors. Elle est encore très belle, mais il n’y a pas de temps à perdre. Elle sourit. Samuel n’est pas là pour soupirer ou persifler. Alejandra regarde le radio réveil. Il ne va pas tarder à rentrer. Comme d’habitude, il va se plaindre, bâiller, balancer ses chaussettes n’importe où, et ronfler comme un sanglier en un temps record.
Ce qu’il prend pour de la colère aveugle est bien autre chose et il ne pourra pas simplement l’ignorer en attendant que l’orage passe. Ce qu’elle ressent, c’est de la haine, c’est ce sentiment précis qui nécessite une cible. La ruine du bonheur n’a pas suscité de vocation archéologique chez elle. Si Alejandra a vaguement envisagé l’idée d’une reconstruction à partir des décombres, une autre solution est apparue, plus économe, et habituellement choisie par les promoteurs immobiliers. On démolit, on arase et on édifie avec des matériaux neufs.
L’assurance de la maison, celle du travail, il y avait de quoi retourner en Amérique du sud pour y entreprendre de nouvelles fondations, et depuis la crise de 2001 et l’effondrement du bon élève du FMI, cela voulait dire : Un appartement cossu à Buenos Aires ou en bordure d’océan à Punta del Este, et de quoi voir venir pour au moins deux décennies. Alejandra faisait son possible pour atteindre son rêve. Elle oeuvrait à démolir Samuel à la masse en haussant le volume de la télévision, en lui envoyant des coups répétés pendant son sommeil, en criant au milieu de la nuit prétextant un cauchemar, ou encore en multipliant les disputes pour l’envoyer dormir sur le canapé hostile du salon. La privation de sommeil était une méthode en vogue dans les sectes, qu’elle mettait au service de son but. Dernièrement, elle avait entrepris d’user les pneus au moyen d’une lime à bois pour augmenter ses chances. Les routes sinueuses du médoc, les ravins abrupts, le gibier insouciant, le brouillard et la perte de vigilance… Les conditions de l’accident finiraient bien par être réunies un jour. Voilà ce qui lui traversait l’esprit chaque matin sur le seuil de la maison et qui donnait un air énigmatique à son regard vert et du piment à son demi-sourire. Samuel y voyait une tentative d’effacer l’ardoise et un fébrile espoir de renouer avec le bonheur.
23H45. La voiture vient de quitter Brach. La pluie fouette son visage par la vitre ouverte. Les enceintes saturées font gicler « Highway to Hell », mais Samuel est hypnotisé par le rythme des essuie-glaces. Les guitares mollissent, les hurlements s’arrondissent, le menton plonge juste avant de se redresser en urgence, dans le virage. Samuel enfonce le pied sur la pédale de freins, les pneus glissent, le déportent sur la chaussée humide, puis sortent de la route. Les phares tourbillonnent avant d’exploser contre un pin. Samuel ferme les yeux et lorsqu’il les rouvre, du sang coule au bout de son nez, dans son dos et le clignotant rythme le silence dans l’obscurité.
Elle a froid. Elle a toujours froid dans cette baraque et Dieu sait si la chaudière au fioul sait se faire remarquer. Il n’y a pourtant pas un grand volume à chauffer, mais tout ce qu’elle dégage, c’est cette persistante odeur de pétrole. Le débit poussé au maximum vide la cuve en un temps record sans qu’Alejandra y voie la moindre volonté de lutter contre le froid ou l’humidité. Samuel parle sans cesse de mieux isoler les combles, mais ses efforts se limitent à la comparaison des laines de verre ou de roche quand un prospectus tombe par hasard dans la boite aux lettres. Les premiers mois, Alejandra trouvait cela romantique de vivre sous les pins, presque en pleine forêt. Maintenant, elle craint qu’avec le temps, des cèpes ne finissent par lui pousser sur tout le corps. Un bel appart de béton et de verre, une climatisation réversible, avec pour seule végétation, des plantes vertes sagement alignées sur le balcon, comme dans les quartiers chics de Buenos Aires du côté de la Recoleta, de Palermo ou de Puerto Madero. Le rêve absolu. A propos, Samuel est en retard. Une demi-heure déjà. Ça commence à devenir intéressant. Elle sort de la couette en frissonnant, allume l’éclairage extérieur et guette en réprimant l’excitation naissante. Ne t’emballe pas, ma jolie. Rien n’est encore fait.
00H20. Samuel tente de sortir du véhicule mais la partie basse de son corps est complètement entravée. Il est parvenu à ouvrir la portière qui pointe comme un aileron de requin dans l’air tandis que la pluie s’engouffre et se mêle au sang. Le village de Brach n’est qu’à quelques centaines de mètres. Samuel s’égosille, demande de l’aide, klaxonne, mais rien ne bouge. Il n’y a jamais personne sur cette route, il le sait pertinemment. C’est d’ailleurs pour cela qu’il l’emprunte lorsqu’il doit rentrer tard, préférant le danger du gibier à celui des autres conducteurs : La région est pleine de vignes et en soirée, la nationale est sillonnée par son lot de consommateurs abusifs. Entre deux respirations, il imagine le bouquet de fleurs factices épinglé contre le pin. Un de plus sur le bord de la route. A chaque fois qu’il en dépassait un, il pensait à la souffrance des proches, au puits de douleur, au caractère abrupt de la vie. Il se rappelait aussi avoir dit à Alejandra, lors de disputes, qu’un jour il finirait par se foutre dans le décor et qu’elle aurait sa part de responsabilité. Il regrettait maintenant d’avoir été à ce point clairvoyant.
Elle téléphonerait bien à la maison d’enfants, mais personne ne répondrait à cette heure. Elle a lutté contre la possibilité de l’accident, mais le temps a fait son travail et le cœur d’Alejandra bat à tout rompre à l’idée d’atteindre enfin son but. A l’excitation, se mêle maintenant une pointe d’angoisse. Le limage des pneus, c’était peut-être le geste de trop. L’usure pourrait ne pas paraître naturelle au regard d’un expert. Alejandra s’en mord les lèvres, tente de faire rempart au doute qui brise une à une ses digues. Elle abdique. Lorsque pointe l’ombre de l’erreur dans un crime parfait, il est toujours trop tard pour rattraper le coup. Il se pouvait aussi que Samuel s’en sorte. Amnésique, ou handicapé, par exemple. Un légume à entretenir, un regard torve posé en permanence sur ses épaules. Une bouche baveuse à nourrir. Un système de sonde pour recueillir… Beurk ! L’horreur absolue. D’autant qu’elle ignore ce que peut rapporter une pension d’invalidité. Ça ne doit pas peser bien lourd. Elle se rend compte qu’elle parle seule dans le noir, et qu’elle tremble perceptiblement. Bon, ça ne sert à rien de rester plantée là, devant la porte. Alejandra se sert un autre café et réintègre la chambre pour zapper frénétiquement. Hausser le volume et s’étourdir dans les mots des autres. Maintenant, c’est fait. Il n’y a plus qu’à attendre. Un peu de patience et de calme !
Samuel est vidé. Sa voix est passée du rauque à l’inaudible. Il a refermé la portière et klaxonne tandis que son crâne donne des signes inquiétants de faiblesse. Il pleure, pense à Alejandra, à la complicité de leurs premiers ébats. Il se souvient du déchirement à chaque séparation, de ces unions sauvages juste avant de partir travailler et des souffles courts, des souffles d’amours qui filtraient de leurs sourires félins. Ce mélange de douceur et d’animalité, toujours étrangement bien dosé. Un temps où les mots manquaient pour rendre compte du bonheur. C’est tellement instable le bonheur… un noyau instable… En fusion puis en fission. Ça explose, ça s’échappe et après on passe notre temps à courir au hasard jusqu’à se perdre loin de l’autre. Et puis on se retrouve coincé dans une voiture à hurler « je t’aime » en le pensant, avec la brutalité et l’énergie désespérée des actes qu’on accomplit trop tard.
Samuel commence à grelotter. Il gesticule en grimaçant de douleur, pareil à un loup pris dans un piège. Il comprend qu’en pareil cas l’animal se mette à ronger sa propre patte. La mort gagne du terrain et il n’a que sa peau à opposer au tranchant de la faux. Pas l’ombre d’une échappatoire.
Une lumière ! Samuel n’y croit pas vraiment, mais elle persiste et s’éparpille sur le pare-brise en miettes. Dans le boucan du klaxon, il n’a pas entendu le véhicule arriver. Des bruits de pas, une ombre sur le pare-brise… On dirait bien un pompier ! Les pleurs redoublent. Samuel se rassemble. Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Oui il est conscient, oui il peut cesser d’appuyer sur le klaxon, oui il sent bien ses membres inférieurs… Il y a sa femme, Alejandra, à prévenir. Il tend son portefeuille, montre l’adresse du doigt. La vie gagne du terrain, dans les propos méthodique du pompier et dans l’éclat paisible de son regard. Samuel opine péniblement. Oui c’est vraiment une chance qu’il soit passé par cette petite route.
Quatre coups contre la porte vitrée. Alejandra sursaute, s’ébouriffe les cheveux, le cœur proche de l’explosion. Samuel n’aurait jamais frappé. Ses jambes flageolent à la vue du pompier, le casque ôté, coincé contre son coude. Elle ouvre, tremblante. Le sauveteur l’invite à s’asseoir mais elle refuse et le bombarde de questions. Il ne peut dire si c’est grave, simplement assurer que lorsqu’il l’a quitté, Samuel était blessé mais conscient. Il avait appelé du renfort après avoir enveloppé son mari d’une couverture de survie. Alejandra accuse le coup. Le tremblement de ses jambes la fait vaciller et elle est récupérée in extremis, au moment de heurter le sol. Ce n’est pas possible ! Répète t’elle sans livrer la suite de sa pensée : Il s’en est tiré ! Tout ça pour rien !
Pour l’apaiser, le pompier livre le message de Samuel. Alejandra ne se force pas beaucoup pour prendre un air désespéré. Il vous fait dire qu’il vous aime. Mais quel con ! Il pouvait crever pour me le prouver. Alors, maintenant, que faire ? Se laisser guider en somnambule par le saint-bernard, elle ne voit que ça et c’est loin de la satisfaire. Éteindre la télé, les lumières. Les événements s’enchaînent en prenant une tournure désagréable. Les images d’un grabataire à soutenir éternellement reviennent la narguer dans un rythme de gyrophare.
Le véhicule du pompier ralentit à hauteur de la voiture de Samuel. Alejandra est parcourue de tremblements. Elle prend la main que lui tend l’homme en uniforme et pousse immédiatement un cri de surprise quand il lui impose une clé de bras pour la plaquer contre le capot. D’un geste sûr, il saisit la main libre qui bat l’air et la soude à l’autre avec du chatterton. Puis, avec la même facilité, il lui ligote les jambes et la bâillonne pour finir par la porter sur son dos et l’enfourner dans la voiture accidentée. Samuel, solidement attaché au siège remue furieusement la tête et transmet instantanément sa terreur à Alejandra. Le pompier sifflote l’hymne à l’amour en ramassant un bout de verre tombé au sol. Le bâillon n’étouffe pas totalement les hurlements d’Alejandra. Samuel ne la quitte pas des yeux. Il implore à s’en faire exploser le cerveau. Les dieux auxquels il ne croyait pas n’ont jamais semblés aussi proches. Il voudrait qu’elle le regarde aussi et qu’elle l’aime au centre de sa pupille, comme au premier jour. Il voudrait croire encore une fois qu’ils sont seuls au monde et invincibles, mais Alejandra gesticule vainement. Elle est déjà seule avec sa rage.
Le verre tranchant pointé sur eux et le doigt sur la bouche il répète doucement « chut ! chut ! » avant de reprendre l’hymne à l’amour au début. Il les trouve attendrissants. Plus encore que les lapins qu’il aimait étrangler doucement, quelques années plus tôt, après les avoir patiemment élevés. Rien ne valait ce souffle de vie, cette tension ultime. Il appréciait particulièrement les derniers mouvements de pattes, comme un bouquet final, juste avant que la volonté ne se sépare du corps. Il ne sait pas par qui commencer. C’est après avoir entonné les dernières mesures de Piaf, qu’il se décide enfin. Il maintient la tête de côté de façon à ce que le sang de Samuel gicle sur le visage d’Alejandra. Elle lâche prise. Son but est atteint, mais lorsqu’elle voit le pompier se relever avec un autre bout de verre lui étant destiné, elle sent qu’elle n’en profitera jamais.
Le pompier ôte le chatterton, dispose les corps de manière à rendre la scène crédible. Encore un joli coup de chance. Deux pour le prix d’un cette fois ! Il efface méthodiquement ses traces, sur la portière, sur les morceaux de verre, puis se met à rire au trait d’esprit qui vient d’affleurer. En réintégrant son véhicule, c’est toujours Piaf qui l’inspire. Il démarre et chante à tue-tête et hilare « Moi j’essuie les verres au fond du café, j’ai bien trop à faire pour pouvoir rêver ….Ils sont arrivés se tenant par la main l’air émerveillé de deux chérubins, y avait tant d’soleil au fond de leurs yeux… ça leur a fait mal, ça leur a fait mal… »
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
brrr...sordide Vivant !
mais toujours sacrement bien écrit..on lit sans effort, on suit les personnages , on voit les scenes sans forcer.
et puis, toujours ces "leçons de vie" cachées derriere les histoires de tes personnages.
En tout cas, très agrèable lecture !
mais toujours sacrement bien écrit..on lit sans effort, on suit les personnages , on voit les scenes sans forcer.
et puis, toujours ces "leçons de vie" cachées derriere les histoires de tes personnages.
En tout cas, très agrèable lecture !
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LaLou
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
merci à toi.. oui, sordide... la plupart du texte a été écrit suite à une énième engueulade avec l'argentine en question... exploiter l'exploitable, au cœur même de la tempête...après j'ai brodé en choisissant du fil noir, et un peu de chatterton...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
Oh Pu... !
Trop long pour aujourd'hui.
Mais je te fais confiance. Alors je reviendrai.
Nilo, back home.
Trop long pour aujourd'hui.
Mais je te fais confiance. Alors je reviendrai.
Nilo, back home.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
je crois que je vais mettre mes romans par épisodes pour te faire exploser
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
Oui, sordide... Mais toujours une belle qualité d'écriture et des personnages bien campés.
Swann,
Swann,
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
Oh Putain ! Ca fait mal.
Mais qu'est ce que c'est bon. On ne s'ennuie pas une minute.
Et puis cette fin affreuse, un régal.
Nilo, Homme à la moto.
Mais qu'est ce que c'est bon. On ne s'ennuie pas une minute.
Et puis cette fin affreuse, un régal.
Nilo, Homme à la moto.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
merci vous deux !
Un pote romancier m'avait suggéré d'en faire le premier chapitre d'un roman où l'on suivrait les pérégrinations de ce pompier... Mais je préfère le laisser tel quel.
Un pote romancier m'avait suggéré d'en faire le premier chapitre d'un roman où l'on suivrait les pérégrinations de ce pompier... Mais je préfère le laisser tel quel.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
C'est rudement bien mené.
L'impitoyable petite musique intérieure qui ressasse en boucle et les non moins impitoyables tentatives de faire taire ces voix du malheur...
Une haine mortelle.
Sordide !
Aussi une "suite" plausible du cauchemar de Jim Halsey...
Pour ceux qui l'ont vu, on a tous été marqué par le cauchemardesque Hitcher de Robert Harmon). Je n'en dis pas plus.
Dam, jusqu'à la fin.
L'impitoyable petite musique intérieure qui ressasse en boucle et les non moins impitoyables tentatives de faire taire ces voix du malheur...
Une haine mortelle.
Sordide !
Aussi une "suite" plausible du cauchemar de Jim Halsey...
Pour ceux qui l'ont vu, on a tous été marqué par le cauchemardesque Hitcher de Robert Harmon). Je n'en dis pas plus.
Dam, jusqu'à la fin.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
merci.. ah non, je ne connais pas le cauchemar de Jim Halsey. Tu m'intrigues là ...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
Whaa, je suis séduite ! Le style, le suspens, la noirceur, et puis le style, et surtout : le style !
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
merci tardif !
ce texte vient de paraître dans le numéro 16 de a revue Pr'Ose. spécialisée dans les nouvelles textes courts (accepte aussi les poèmes)
http://emmabovary33.over-blog.com/
ce texte vient de paraître dans le numéro 16 de a revue Pr'Ose. spécialisée dans les nouvelles textes courts (accepte aussi les poèmes)
http://emmabovary33.over-blog.com/
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
merci bien... la plupart de mes nouvelles finissent sur papier. Trois fois déjà sur Pr'Ose! Emma, très sympa, croisée à un salon du Livre de Paris, est une des premières à avoir apprécié mes textes.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Et la Terre peut bien s’écrouler…
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Huitième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
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Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
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