A la guerre comme à la guerre (Chronicle)

A la guerre comme à la guerre (Chronicle)


Dédé: Salut les gonzesses. C'est Dédé.

Dédé: A la guerre comme à la guerre.

Dédé: Ouais. A la bonne franquette. On est entre nous, on va pas s'gêner, ça s'rait dommage. C'est c'qu'on s'disait hier avec Papy quand P'pa est venu nous retrouver au bistro. C'est vrai, on était en train de boire un coup, on aurait eu mauvaise grâce à pas lui en payer un. Quand y en a pour deux y en a pour trois. Surtout au bistro, ça craint pas d'manquer. Alors P'pa il a commandé un demi. Nous aussi. Pis on savait bien qu'après P'pa y rmettrait sa tournée. Un bienfait est toujours récompensé. On avait pas tort. P'pa il a remis sa tournée. Et moi la mienne. Quand y en a pour deux, y en a pour trois.

Dédé: L'patron du bistro y nous aime bien. Y nous paye des coups pasqu'on l'fait marrer alors vous comprenez bien qu'pour refaire le monde on préfère aller chez lui que d'rester à la maison. C'est vrai qu'à la maison on picolerait autant mais on aurait pas la tournée du patron. Et puis tant qu'à c'qu'on refasse le monde autant qu'ce soit pas toujours Maman qu'ait à le supporter. Pasque quand on r'fait l'monde ça déménage, on met tout dans un grand sac et on ressort les trucs au hasard. Des fois on r'fait le monde de la littérature, des fois du cinéma, des fois de la politique, des fois de la peinture, des fois des gonzesses, des fois de tout à la fois aussi, j'vous dis pas l'bordel. Hier c'était le tour des pays.

Dédé: Enfin quand j'dis "on" c'est surtout P'pa et Papy, moi en général je me contente de picoler et de raconter des conneries. Evitez de dire "comme d'hab" ça s'ra gentil. C'est vrai qu'j'y connais pas grand chose au monde, y a que quand c'est le tour des gonzesses (ouais ça revient souvent) que j'm'en mêle vraiment. Il est content l'patron du bistro, ça met d'l'ambiance dans son bouclard, surtout que quand on est en forme on prend les clients à témoin, genre arpètes du grand architecte de l'univers. P'pa et Papy y sont forts pour ça, les Jean Nouvel du refaisage de monde qu'y sont. Maman elle est pas trop sensible à leur art, faut dire qu'c'est une gonzesse Maman et qu'les gonzesses elles sont pas faites pour refaire le monde. Comme y paraît qu'c'est elles qui l'on fait on s'dit qu'y vaut mieux pas qu'elles y retouchent pasque vu comment il est autant laisser les réparations, la maintenance et la reconstruction aux mecs. Ouais, le refaisage de monde c'est une affaire d'hommes.

Dédé: Donc hier c'était le tour des pays. Imaginez, vous prenez la carte du monde, vous la découpez façon puzzle, en tous petits morceaux style confettis, et après vous recollez les morceaux genre jeu de l'oie. Enfin, vous essayez de recoller les morceaux. C'est gratiné comme boulot. Y en a plein déjà qu'ont essayé de jouer à ça. Ca s'est jamais bien passé à c'qu'y paraît. Moi j'en sais rien j'étais pas là. Mais Papy y m'l'a dit, et P'pa il a dit qu'Papy il avait raison. Y en a toujours qui trouvent que leur morceau il est pas assez grand ou qu'les morceaux qu'on leur fout à côté y leurs plaisent pas. Sans compter qu'ça tombe rarement juste les découpages de frontière avec cette méthode. Pourtant des fois, pour de vrai dans la vraie vie du monde tel qu'il est, c'est juste pile poil comme ça qu'on les a découpées les frontières. Et même qu'on les découpe encore. Faut toujours qu'y en ait un qui aille piquer des confettis chez les voisins. Et quand j'dis un des fois c'est plus. Papy y dit que même si y avait eu qu'un seul très gros confetti pour faire la carte du monde on aurait bien trouvé au moins deux mecs pour se foutre sur la gueule et la déchirer. J'crois bien qu'c'est comme ça qu'ça s'est passé en fait.

Dédé: Moi j'dis que c'qu'elles auraient du faire les gonzesses c'est de ranger les pays en spirale en ordre alphabétique en partant du pôle nord, un peu comme les arrondissements à Paname, ça aurait vachement simplifié les choses. Ben non au lieu de ça elles les ont foutu en vrac, comme si elles avaient tout jeté en l'air pour voir comment ça allait retomber. Ben on a vu. C'est l'bordel. Du travail de gonzesses. D'accord avec ma méthode y aurait aussi forcément eu des mécontents, l'Australie par exemple, qui se s'rait retrouvée au pôle nord, c'est sûr qu'ça leur aurait pas plu aux australiens de se geler les couilles, mais au moins y z'auraient pas été emmerdés par les serpents et les crocodiles. Ou le Zimbabwe au pôle sud, un peu pour les mêmes raisons. Y en a d'autres ça auraient pu les arranger, genre USA et URSS (ouais c'est un ancien pays qu'est mort, qui existait à l'époque où les gonzesses elles ont jeté les morceaux en l'air y m'a dit Papy) y z'auraient été voisins comme ça y z'auraient pas eu besoin d'aller loin pour se foutre sur la gueule. La guerre ça s'appelle.

Dédé: J'vous épate hein ! Allez Dites le. Avouez qu'vous pensiez que ma chronicle elle avait rien à voir avec son titre et que vous commenciez à vous dire "ça y est Dédé a perdu le fil, il ne sait pas où il va" et qu'vous vous frottiez les mains de plaisir. Ben non, j'vous le f'rai pas ce plaisir, je retombe toujours sur mes pattes. C'est un truc d'ours en peluche ça de toujours retomber sur ses pattes. Cherchez pas à savoir pourquoi, c'est toujours comme ça.

Dédé: Donc, n'importe comment qu'on s'y prenne, que ce soit la méthode aux gonzesses ou la mienne, tu mets les pays en vrac ou tu les ranges bien c'est de toutes façons le bordel. Et des fois c'est la guerre. Alors vous imaginez notre refaisage de monde d'hier au bistro avec P'pa et Papy. Pas gagné. Surtout que les arpètes qu'on avait embauchés y voulaient eux aussi s'y coller au recollage de morceaux. Putain si tu laisses des mecs imbibés refaire le monde, façon Whisky-Coca contre Vodka-caramel, c'est pas avec la diplomatie du Pastis que tu vas réussir à mettre de l'ordre. Alors faut taper un grand coup sur la table, renverser le Whisky-Coca et la Vodka-caramel et mettre du Pastis partout (une invasion ça s'appelle).

Dédé: Vous avez remarqué comment ça lui fait pas plaisir au patron du bistro quand vous renversez tous les verres ? Non, c'est vrai qu'vous y allez pas au bistro, alors vous avez pas pu remarquer comment ça le met de mauvais poil. Attendez, j'vous raconte. La première fois y dit qu'c'est pas grave et y passe l'éponge, la deuxième y gueule et y passe l'éponge, la troisième y vous fout dehors. Sans compter que t'en a toujours des qu'ça regarde pas qui viennent s'en mêler et ça peut finir en bataille rangée. C'est comme ça qu'elles commencent les guerres, quand des mecs qu'ont rien à foutre là viennent se mêler de c'qui les regarde pas. Bon, en général y font pas ça dans leur bistro, y vont plutôt dans un autre qu'est de préférence loin de chez eux. Comme ça y foutent pas la zone dans leur quartier et leurs voisins y leurs font pas la gueule, et y z'ont moins de chance de se faire choper le lendemain par des mecs qu'auraient pas aimé leur rizou. Mais de toutes façons c'est jamais facile de remettre de l'ordre dans tout ça. Pasqu'on peut pas toujours se balader avec une barre à mine, alors faut tenter la négociation.

Dédé: Vous avez déjà essayé de négocier avec une bande de mecs avinés ? Ouais je sais vous allez pas dans les bistros et vous vous mettez jamais dans des situations pareilles alors vous savez pas. Ben moi j'vous l'dis, c'est pas facile. Bon c'est vrai aussi que quand on s'y met dans ces situations faut s'attendre des fois à prendre des coups, des coups d'boule même, et des coups d'fusil aussi des fois. En même temps la négociation c'est pas sûr que ça marche. Surtout quand elle est à base de dissuasion. Papy y dit toujours qu'un coup de boule ça se promet pas, ça se donne. Promettre des coups c'est se compromettre qu'y dit aussi. Les donner (de préférence le premier) c'est préserver son intégrité. Comme quoi si on veut pas prendre de coups le mieux c'est de pas se trouver dans des endroits où il en tombe. Mais quand on est dans un coin où il en tombe, surtout si on y est allé exprès, faut pas s'étonner d'en prendre. Le risque ça s'appelle. Si on veut pas en prendre des risques, et des coups, faut pas se mettre dans des situations à risques. Par exemple faut pas aller vous mêler d'une conversation qui vous regarde pas dans un bistro, où jeter un œil lubrique sur la gonzesse d'un mec deux fois plus grand qu'vous. Enfin j'dis ça mais moi les gonzesses j'les regarde avant de r'garder leur mec alors je sais pas s'il est deux fois plus grand que moi. J'm'en fous, au pire y a Papy qu'est jamais trop loin. C'est mon diplomate anti coup d'boule Papy.

Dédé: Hier soir donc, au bistro (pour pas emmerder Maman) on refaisait le monde avec Papy et P'pa. Hier soir c'était facile, et amusant pasque tout le monde voulait l'refaire le monde. C'est toujours comme ça quand y s'passe quelque chose quelque part. Surtout si le quelque chose est un peu trash et que le quelque part il est loin d'chez nous. Ben là il s'est passé un truc trash à six milles bornes de chez nous. Y avait de quoi alimenter la conversation. A un moment le confetti qu'il a tiré P'pa c'était Afghanistan (ouais je vous rappelle quand même, on sait jamais, des fois que vous auriez perdu le fil, que pour refaire le monde des pays on avait fait des confettis avec la carte du monde et qu'on les tirait au hasard dans un grand sac pour les poser sur la table façon jeu de l'oie). Putain, qu'est ce qu'il avait pas fait là ! Il aurait tiré Liban personne aurait bronché. Faut dire qu'au bistro y s'en tapent du Liban, ça fait quarante ans qu'y s'en tapent. De l'Afghanistan aussi y s'en tapent, d'habitude.

Dédé: Ouais j'dis d'habitude pasque hier le truc un peu trash qui s'est passé à six mille bornes de chez nous c'est en Afghanistan qu'c'est arrivé. Dix mort c'était le truc trash. DIX MORT, DE CHEZ NOUS, A LA GUERRE. Pasqu'y faut bien appeler un chat un chat, les mecs qui y sont en Afghanistan c'est pas pour jouer à la marelle, c'est pour faire la guerre, y z'y sont même allés exprès pasque c'est la guerre, volontairement. C'est une sacrée situation à risque la guerre. On risque même d'y mourir à c'qui paraît. Ben non, y en a qui tombent des nues, et qu'ça réveille. Y s'insurgent, y gueulent, y gesticulent. Enfin, si demain on a une médaille d'or aux Jeux Olympiques y z'oublieront vite, y z'oublieront aussi qu'la veille y z'ont craché sur le drapeau et sifflé la Marseillaise. Y applaudiront le mec qu'aura crapahuté cinquante bornes pour leur médaille d'or et y z'auront la larme à l'œil en voyant le drapeau des Droits de l'Homme monter dans le ciel d'une dictature au son de la Marseillaise. Ca s'ra une belle victoire. Y a qu'les défaites qu'on aime pas au bistro.

Dédé: Un peu comme à la guerre en quelque sorte.


Ciao les gonzesses, c'était Dédé.