La goutte

La pluie a maintenant cessé et le soleil a progressivement percé les nuages, mais il reste encore un mauvais souvenir bien accroché à ce modeste cliché... la goutte ! La satanée goutte ! Celle dont la présence obsèderait même le plus équilibré, le plus calme ou le plus solide des mâles conducteurs, la dernière goutte sur le pare-brise !

Juste en face de moi, légèrement accrochée au-dessus du regard, elle engage les hostilités. Evidemment, elle se gausse, méprisante, elle ricane, elle m'énerve, et surtout, elle le sait ! Aussitôt, je décide de ne pas me laisser faire et de lui régler son compte sur le champ. Je mets en route les essuie-glaces,... ils passent juste en dessous, l'esquive est parfaite. Et la voilà donc qui se marre de plus belle, la malicieuse. Alors, je donne des petits coups de poing de l'intérieur comme pour la faire décrocher, rien n'y fait. Sa présence de chaque instant me trouble, je ne vois plus la route. Peu importe, les grands moyens s'imposent, j'accélère, je freine, j'accélère, je... jamais elle ne glisse.

Il faut se rendre à l'évidence, elle est plus résistante que moi et je ne passerai pas en force. J'opte pour le compromis, la séparation de corps, le pare-soleil ! Enfin quelques secondes de répit, je passe en troisième, sors du virage, m'arrête pour laisser la priorité à droite à un splendide coupé sport qui a encore le pare-brise bien... La voilà qui réapparaît... dans ma tête ! Et elle persifle à nouveau, je n'entends plus qu'elle, je la vois, elle grossit, ça m'énerve, ça m'énerve,... ça m'énerve !

Epuisé, je n'ai plus que l'insulte : "Sale goutte ! Fiche le camp ! Tu me dégoutes !". Là, touchée en plein coeur, la belle craque. Elle dégouline, lentement, en silence, elle pleure... Je jubile, je savoure, elle a honte. Elle n'est plus que larme d'elle-même (rire désespéré). Sur ce rire idiotement auto-satisfait, je réactive le balai pour abréger ses souffrances, et les miennes par la même occasion.

La glace est nette, elle est belle, elle est douce, elle brille enfin. Je souris, je suis fier et goguenard, je lève les... quand soudain ! Juste en face, légèrement au-dessus du regard, telle un mauvais souvenir qui frappe à l'improviste, qui sifflotte... une goutte de la dernière goutte !

Joli jeux de mots autour d'une goutte, goutelette ...pour saluer ton retour Nicolas.

Ca
Elle n'est plus que larme d'elle-même
c'est un truc que j'aurais aimé écrire.
Content de te revoir dans cette rubrique.

Nilo, des gouttes et des douleurs.

J'y ai vu dans ton texte cette fameuse goutte qui fait déborder le vase comme on dit!

j'y au vu une vie partagée mais incomprise

j'y ai vu une larme que l'on croyait finie mais qui s'est incrustée dans le coeur

J'y ai vu

NOUS!

Sylvie

Printemps de la Prose oblige je viens apporter de l'eau au moulin de la goutte.
Et c'est un bien.

Nilo, porteur d'eau.

Je suis venue relire.

Sylvie

J'avais déjà lu. Mais relire est aussi un plaisir à re-goûter

Swann, bis repetita placent

texte entêtant et très réussi. On s'énerve avec toi de cette goutte, apparue comme un rien dans un texte qui semblait partir dans une autre direction, et grossie jusqu'à l'obsession.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Troisième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant sans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

Vraiment dommage que Nicolas ne passe plus nous raconter ses histoires....

Oui, on ne peut que regretter cette défection, comme d'autres.
heureusement qu'il nous reste des traces, et que Dédé les remet sur notre route.

Nilo, au plaisir.