Qui Macadam, dit pierre...

J'vais battre la terre du Macadam, et saisir à la volée le thème proposé. Va falloir être indulgent, l'écriture, chez les sportifs, n'en déplaise au poète Joël Bats, c'est aussi incongru que des épaulettes chez les nudistes. J'suis tennisman professionnel, pas un cador, qui joue des coudes à l'ATP...

Non juste Julien ès coude hé !

Et ouais, le coude, ça m'connait, et le mien, j'l'ai fait vibrer tendance parkinsonnien à la harpe. Un sportif français, ça doit s'blesser. On apprend ça en sport-études. Moi, j'ai opté pour le coude. La cheville qui enfle c'était déjà pris par mal mal de collègues en shorts.

Alors le coude donc, sommet pelé, électrique et osseux d'un angle toujours en mouvement. On l'ignore souvent, mais dans notre sport, il faut avouer qu'on lui a laissé une place de choix. Pour faire chic, on l'a même traduit en anglais. J'me suis spécialisé en tennis elbow, over the rainbow, genre blessure lobée bien au-dessus du filet.

J'vais pas vous servir, liftée, l'histoire du benêt qui vient chercher de l'huile de coude au magasin... J'vous laisser frire dans l'huile de coude, lever l'coude à l'occasion... pendant c'temps, j'vais m'entrainer au mouchage du coude, ça fait des années que j'essaie, j'finirai bien par y arriver...

Milieu de la nuit, quatrième étage d'un immeuble à Tours, Boulevard Heurteloup. Les potes sont partis après 3 jours,quasi non-stop de jeux de rôle. L'appart ressemble plutôt à un terrain de wargame et d'avoir vécu, comme ça, hors du monde, me donne le vertige. Impossible de dormir. Alors je range, parce que demain, je sens que je ne décollerai pas de mon lit. J'entasse, j'empile, j'aère, je vide les cendriers... J'essaie d'augmenter mon espace vital tout en rêvassant à la partie que nous venons d'achever. J'envisage de m'octroyer quelques points d'expérience au terme de mon labeur. Un jet de dé pour mesurer mon taux d'huile de coude...
Mais voilà... le corps cède, la respiration devient pénible puis douloureuse. Chaque inspiration semble me scier le coeur. Je me laisse tomber à même la moquette, sens les miettes de pain me rentrer dans le dos. Me vient alors l'idée que je vais crever comme ça, connement au milieu d'un appart bordélique. Il est cinq heure du mat. Je me refuse de téléphoner à quelqu'un, pas même à ma copine. Qu'est-ce qu'elle y changerait ? J'essaie de me détendre, mais la panique surgit : mon bras gauche commence à s'ankyloser sérieusement. La vie semble s'échapper jusqu'à hauteur du coude. J'pense à l'expression on lui donne ça et elle prend ça... à cette autre aussi : j'étais à deux doigts de...
Je me suis mis à pleurer doucement. Juste parce que je ne voulais pas crever, que j'étais épuisé et que j'étais assez con pour ne déranger personne.
Je me suis réveillé plus tard, toujours mal en point... La vie avait repris du côté du coude. J'ai téléphoné au petit matin à Claudine qui m'a dit que j'étais effectivement très con de ne pas l'avoir dérangée... et le toubib a diagnostiqué un épuisement. Il a souri quand j'ai parlé de ma peur d'infarctus... Lui aussi a dû me trouver con...
J'crois bien que Claudine m'a pris par le coude un peu plus tard et que nous sommes allés au cinéma, puis chez elle, place plum. J'ai oublié beaucoup de choses... sauf quelques détails dont un : pour vous donner une idée de l'ampleur des seins de Claudine, il faudrait que je croise mes coudes, mais bon, la charge érotique est moindre, évidemment.