Des peaux pour dire

Des peaux pour dire
l'aube suceuse des courtisanes
l'aura avalée par les pierres médiumniques
j'écris le sorcier et boit l'âme des mages

Des peaux pour fuir
les décombres langoureux de la peur
les idées mort-nées, d'avant la guerre
je dis l'amour et les eaux de source

Des peaux pour peindre
les crépuscules oisifs dans le sang des murs
les voix à peine entendues dans le sperme de l'homme
je feins l'absence et acclame le silence

Des peaux pour cirer
les chaussures neuves de la putain évacuée
les sabots fous du défricheur de terres mornes
j'allume l'éclaire, l'orage et les fondations

Des peaux pour murmurer
à l'oreille des enfants volés par l'insomnie
à l'oeil de la femme nue de n'avoir pas vécu
je cris l'absente et les alcools de mauvaise qualité

Des peaux pour lisser
les cheveux-sable de la princesse des plages
les caillasses dont on fait les poèmes
j'écris l'amour et ses putains d'amnésie

Des peaux pour encrer
les feuilles volatiles, reptiles ailés et fous
les littératures dont on raye ce qui déplait
je fuis le vide pour trouver un vide plus grand

Des peaux pour malmener
le corps de l'enfant abruti de ses angoisses
le sexe rose d'une enfant n'ayant connu d'autre père
j'étreins l'oreille et la paupière de toutes les femmes

Des peaux pour restreindre
l'attraction des âmes et des croyances sanglantes
l'espace qui marque la ligne terre-air
je me persuade d'être l'identique de mes différences

Des peaux enfin
pour écrire chaque jour
le chaos d'idées folles
la cohorte des morts
qui respirent le même air
que moi

Tiens, ça

les caillasses dont on fait les poèmes
j'écris l'amour et ses putains

Oui, ça !
C'est un poème.

Nilo, pierre à feuX.

Des peaux pour dire, fuir, peindre, cirer, murmurer, lisser, encrer, restreindre
Et…

Des peaux enfin
pour écrire chaque jour
le chaos d'idées folles
la cohorte des morts
qui respirent le même air
que moi

Il est si beau ton poème que ca me donne envie de le garder sous la main.
Pour le lire souvent.
Cordialement Solweig

Et alors, deux commentaires seulement !
On a des poètes ici, qu'on se le dise.
Heureusement que le Mur à Dédé fait bien les choses...

Nilo, mise en évidence.

Je ne l'avais pas vu.

Je regrette en effet de ne l'avoir fait avant .

Tu vois desfois, tes textes me déroutent . Mais certains me font un de ces effets !
Celui la est de la deuxieme catégorie.

Des peaux enfin
pour écrire chaque jour
le chaos d'idées folles
la cohorte des morts
qui respirent le même air
que moi

J'ai aimé ton poème LCbeat.
Une sorte de tatouage universel, plus humain et sensible, que des tables de lois gravées ds la pierre...

"Avant de s'agrandir au dehors, il faut s'affermir au dedans."
Post-Scriptum de ma vie (1901)
Victor Hugo