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Mourir un peu plus loin.
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konst
Nilo
Zlatko
7 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
Page 1 sur 1
Mourir un peu plus loin.
Vivre, dans l’écriture ou la religion : une seule détresse. Le cercueil de l’écriture en est un simulacre, une fosse aux merveilles où, parce qu’elle m’est inconnue, la mort me rend la vie supportable. Les voyageurs ont compris cela : l’ailleurs est le médicament des âmes lasses. L’horizon, en palliatif, apaise toutes les douleurs. J’y voyais, dans ce vent qui n’a pas de frontière, deux grandes mains qui pressent les plaies ouvertes.
Partir! Le dégoût naît dans la conscience que la création, quelle que soit sa forme, n’est qu’imaginaire ; j’ai, dans ces lignes parallèles, dans ces signes qui dansent, comme une nausée. Le créateur est une brute, et le dessin, l’écriture ou la musique, le tison qui cautérise. Regardez-les, ces artistes de rien du tout, marcher sur le boulevard des plaintes! Hordes terrorisées : mains serrées autour de leurs viscères! Aucune phrase, aucune imprécation, ne peut dire cette angoisse. “j’ai mal”. La douleur est une petite vieille, noyée sous des vêtements d’images. Qu’il se bouge, le cadavre! Tiens voilà du rouge, et du bleu, voilà des costumes de chimères! Apprends-moi comment tu meurs!
Je n’ai pas eu le choix du monologue. Sauf à ceux qui, peut-être, me lisent la tête à l’envers, entre deux brumes. La nuit, quand le corps se tétanise, les ombres-comptines respirent. Que veux-tu de moi? J’ai vidé ma penderie de rêves : je suis nu. J’erre le jour comme aux galères, esclave du tambour des cadrans. Hier, j’en ai vu s’enfuir : ils faisaient glisser leurs menottes, levaient leur dos plein de crevasses et sautaient à la mer. “mourir un peu plus loin”. La résistance des vaincus est le seul panache. Quelque soit ma honte, ou la lâcheté qui me mène, je n’ai pas le droit au dégoût : il m’attache encore à ces piliers de sangs où, avant moi, d’autres suiveurs ont brûlé leurs dernières forces. Je cherche le pardon de n’être que ces mots : ma seule voix, le seul combat que je mène. Le seul intérêt qui me reste. La seule chanson dont je peux, sans mentir, hors de ce bunker insalubre et quotidien, hors de cet orgueil-chair d’usine, écrire les paroles.
Je n’ai plus voulu parler. L’écriture, seule, m’est fidèle. Un attachement de chien, obscur, qui aime et qui se tait.
Z 7 01 11
Partir! Le dégoût naît dans la conscience que la création, quelle que soit sa forme, n’est qu’imaginaire ; j’ai, dans ces lignes parallèles, dans ces signes qui dansent, comme une nausée. Le créateur est une brute, et le dessin, l’écriture ou la musique, le tison qui cautérise. Regardez-les, ces artistes de rien du tout, marcher sur le boulevard des plaintes! Hordes terrorisées : mains serrées autour de leurs viscères! Aucune phrase, aucune imprécation, ne peut dire cette angoisse. “j’ai mal”. La douleur est une petite vieille, noyée sous des vêtements d’images. Qu’il se bouge, le cadavre! Tiens voilà du rouge, et du bleu, voilà des costumes de chimères! Apprends-moi comment tu meurs!
Je n’ai pas eu le choix du monologue. Sauf à ceux qui, peut-être, me lisent la tête à l’envers, entre deux brumes. La nuit, quand le corps se tétanise, les ombres-comptines respirent. Que veux-tu de moi? J’ai vidé ma penderie de rêves : je suis nu. J’erre le jour comme aux galères, esclave du tambour des cadrans. Hier, j’en ai vu s’enfuir : ils faisaient glisser leurs menottes, levaient leur dos plein de crevasses et sautaient à la mer. “mourir un peu plus loin”. La résistance des vaincus est le seul panache. Quelque soit ma honte, ou la lâcheté qui me mène, je n’ai pas le droit au dégoût : il m’attache encore à ces piliers de sangs où, avant moi, d’autres suiveurs ont brûlé leurs dernières forces. Je cherche le pardon de n’être que ces mots : ma seule voix, le seul combat que je mène. Le seul intérêt qui me reste. La seule chanson dont je peux, sans mentir, hors de ce bunker insalubre et quotidien, hors de cet orgueil-chair d’usine, écrire les paroles.
Je n’ai plus voulu parler. L’écriture, seule, m’est fidèle. Un attachement de chien, obscur, qui aime et qui se tait.
Z 7 01 11
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Mourir un peu plus loin.
Encore un bel envoi.
Qui ici peut s'entendre dans le sens "littéraire". Comme un hommage à l'ensemble des écrits que tu postes dans cette section.
Nilo, toujours plus loin.
Qui ici peut s'entendre dans le sens "littéraire". Comme un hommage à l'ensemble des écrits que tu postes dans cette section.
Nilo, toujours plus loin.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
:)
Très bel envoi, il reflète une souffrance inconsciente de ton âme comme si, tu étais emprisonné dans une sphère dont tu ne peux te détacher et que seule ton écriture pourrait te donner un semblant, une illusion, d'être quelqu'un.
C'est assez étrange d'assimiler tes sentiments, ton état d'âme à travers ton écrit, mais ça reste pour moi, une jouissance littéraire.
Konst
C'est assez étrange d'assimiler tes sentiments, ton état d'âme à travers ton écrit, mais ça reste pour moi, une jouissance littéraire.
Konst
konst- Messages : 1
Date d'inscription : 09/01/2011
Re: Mourir un peu plus loin.
Avant tout pour moi, un texte très poétique, profondement poétique, visceralement poétique.
Merci Z
Merci Z
_________________
LaLou
Re: Mourir un peu plus loin.
Lu et apprécié ; tu sais comment c'est... Alors je reviendrai pour dire mon sentiment. Je peux dors et déjà affirmer que j'en ai rêvé.
Dam.
Dam.
Re: Mourir un peu plus loin.
Quand j'ai lu ton texte, j'avais des images:
Une plume qui écrit...qui se ballade sur une feuille et qui se laisse manipuler par l'auteur comme pour éviter de partir plus loin...comme pour éviter d'oublier quand on sait que nos chemins quels qu'ils soient nous conduiront tous au même endroit.
Tu as toujours et encore une fois un choix d'images qui permet aux lecteurs de vivre une aventure qui n'est probablement pas la tienne mais je ne pense pas que tu y attaches de l'importance.( enfin, je le souhaite car pour ma part, j'ai toujours une façon un peu particulière de "voyager")
En gros, quand on croit à quelque chose, quand on a comme un but dans la vie, je pense que c'est une façon bien à soi de se défendre de ce qui fait ou pourrait faire mal.
L'écriture en fait parti comme une confession.
Je viens de passer un très beau moment de lecture
Merci à toi
Sylvie
Une plume qui écrit...qui se ballade sur une feuille et qui se laisse manipuler par l'auteur comme pour éviter de partir plus loin...comme pour éviter d'oublier quand on sait que nos chemins quels qu'ils soient nous conduiront tous au même endroit.
Tu as toujours et encore une fois un choix d'images qui permet aux lecteurs de vivre une aventure qui n'est probablement pas la tienne mais je ne pense pas que tu y attaches de l'importance.( enfin, je le souhaite car pour ma part, j'ai toujours une façon un peu particulière de "voyager")
En gros, quand on croit à quelque chose, quand on a comme un but dans la vie, je pense que c'est une façon bien à soi de se défendre de ce qui fait ou pourrait faire mal.
L'écriture en fait parti comme une confession.
Je viens de passer un très beau moment de lecture
Merci à toi
Sylvie
Mourir et renaître...
Ce que Rimbaud n'a pas su faire en poésie...mais ça c'est une autre histoire.
J'ai relu ton texte maintes fois et j'ai perçu entre les lignes la tentation du dernier chant...LE CHANT DU CYGNE. Instinctivement j'ai émis l'hypothèse (peut-être absurde) qu'il y avait un lien entre ton ressenti sur la création et celui de l'auteur d'une Saison en enfer mais de façon inversée. Dans Matin, l'une de ses plus belles proses, Arthur fait le BILAN de son aventure poétique. Il est clairement au bord des mots (!) et ses prières païennes pour recouvrer la vue restent vaines. Il pressent l'épuisement de son Génie et cette tragédie le plonge dans le doute absolu.
Sa liaison passionnelle avec le sieur Verlaine, le rejet de l'intelligentsia parisienne, les coups de feu tirés dans la chambre insalubre à Bruxelles l'ont définitivement miné. Lui qui s'est toujours tenu en avant et devenu nostalgique presque pathétique, la pire des sentence pour un poète...
A partir de cet instant fatal, l'esprit-enfant de Rimbaud s'est en quelque sorte fracturé. Les rêves et les illusions d'antan se sont pour ainsi dire évaporés même s'il subsiste encore quelque espoir pour l'humanité et pour lui notamment dans cette fameuse exclamation quasi divine : Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer - les premiers ! - Noël sur la terre !
L'ultime soupir poétique se rapprochait dangereusement. Il savait donc que la FIN était proche et ce malgré un dernier sursaut d'une beauté inouïe, les Illuminations....
Ce que tu nous proposes ici n'est pas un bilan mais plutôt un aveu." Même si par certains aspects mon quotidien me semble banal, même si l'amour et l'amitié parfois me déçoivent, même si le monde court à sa perte et que les Hommes ne semblent pas s'en inquiéter, et bien tant pis, je sais qu'il me reste une arme pour me détacher de ce Grand n'importe quoi : l'amour des mots, la poésie, le rêve, le voyage des sens et de l'esprit."
En conclusion, je tiens à te dire ceci : Méfie-toi des cygnes, méfie-toi de leurs chants,
et si jamais l'un d'entre vient à ta rencontre en criant, éloigne-toi de lui le plus vite possible en hurlant !
Matin
N'eus-je pas une fois une jeunesse aimable, héroïque, fabuleuse, à écrire sur des feuilles d'or, - trop de chance ! Par quel crime, par quelle erreur, ai-je mérité ma faiblesse actuelle ? Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin, que des malades désespèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute et mon sommeil. Moi, je ne puis pas plus m'expliquer que le mendiant avec ses continuels Pater et Ave Maria. Je ne sais plus parler !
Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes.
Du même désert, à la même nuit, toujours mes yeux las se réveillent à l'étoile d'argent, toujours, sans que s'émeuvent les Rois de la vie, les trois mages, le coeur l'âme, l'esprit. Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer - les premiers ! - Noël sur la terre !
Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie.
Arthur Rimbaud, Une Saison en Enfer, 1873.
J'ai relu ton texte maintes fois et j'ai perçu entre les lignes la tentation du dernier chant...LE CHANT DU CYGNE. Instinctivement j'ai émis l'hypothèse (peut-être absurde) qu'il y avait un lien entre ton ressenti sur la création et celui de l'auteur d'une Saison en enfer mais de façon inversée. Dans Matin, l'une de ses plus belles proses, Arthur fait le BILAN de son aventure poétique. Il est clairement au bord des mots (!) et ses prières païennes pour recouvrer la vue restent vaines. Il pressent l'épuisement de son Génie et cette tragédie le plonge dans le doute absolu.
Sa liaison passionnelle avec le sieur Verlaine, le rejet de l'intelligentsia parisienne, les coups de feu tirés dans la chambre insalubre à Bruxelles l'ont définitivement miné. Lui qui s'est toujours tenu en avant et devenu nostalgique presque pathétique, la pire des sentence pour un poète...
A partir de cet instant fatal, l'esprit-enfant de Rimbaud s'est en quelque sorte fracturé. Les rêves et les illusions d'antan se sont pour ainsi dire évaporés même s'il subsiste encore quelque espoir pour l'humanité et pour lui notamment dans cette fameuse exclamation quasi divine : Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer - les premiers ! - Noël sur la terre !
L'ultime soupir poétique se rapprochait dangereusement. Il savait donc que la FIN était proche et ce malgré un dernier sursaut d'une beauté inouïe, les Illuminations....
Ce que tu nous proposes ici n'est pas un bilan mais plutôt un aveu." Même si par certains aspects mon quotidien me semble banal, même si l'amour et l'amitié parfois me déçoivent, même si le monde court à sa perte et que les Hommes ne semblent pas s'en inquiéter, et bien tant pis, je sais qu'il me reste une arme pour me détacher de ce Grand n'importe quoi : l'amour des mots, la poésie, le rêve, le voyage des sens et de l'esprit."
En conclusion, je tiens à te dire ceci : Méfie-toi des cygnes, méfie-toi de leurs chants,
et si jamais l'un d'entre vient à ta rencontre en criant, éloigne-toi de lui le plus vite possible en hurlant !
Matin
N'eus-je pas une fois une jeunesse aimable, héroïque, fabuleuse, à écrire sur des feuilles d'or, - trop de chance ! Par quel crime, par quelle erreur, ai-je mérité ma faiblesse actuelle ? Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin, que des malades désespèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute et mon sommeil. Moi, je ne puis pas plus m'expliquer que le mendiant avec ses continuels Pater et Ave Maria. Je ne sais plus parler !
Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes.
Du même désert, à la même nuit, toujours mes yeux las se réveillent à l'étoile d'argent, toujours, sans que s'émeuvent les Rois de la vie, les trois mages, le coeur l'âme, l'esprit. Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer - les premiers ! - Noël sur la terre !
Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie.
Arthur Rimbaud, Une Saison en Enfer, 1873.
léo- MacadAccro
- Messages : 1224
Date d'inscription : 25/03/2010
Age : 40
Localisation : Nord
Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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