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Moustache
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Moustache
- Pourquoi tu portes la moustache ?
- Parce que j’aime bien.
Conversation close.
Bien sûr, j’aurai aimé approfondir ma question, mais cela n’aurait probablement pas approfondi la réponse. La moustache de mon père était de ces secrets familiaux que jamais rien ne pourrait déterrer, et surtout pas la veulerie d’un fils à peine capable de dissimuler son dégoût devant un plat d’épinards peu cuits.
Il paraît que les chiens ne font pas des chats.
Il paraît que l’on est conditionné.
Il paraît qu’il faut paraître.
Et cesser d’exister.
Mon père montait le son de la télévision, ma mère regagnait la cuisine pour surveiller les épinards, et moi je me disais qu’un jour je finirais bien par savoir, si le temps le permettait, si les couilles voulaient bien pousser au creux de mon inspiration, si la grève bloquait la télévision pour de bon.
En même temps, je ne savais pas ce que je voulais savoir.
Juste poser des questions, une question peut-être, toujours la même, et une réponse pourquoi pas, mais toujours la même.
- Parce que j’aime bien.
Je n’ai jamais osé insister, comme je n’ai jamais osé refuser les épinards.
Et je ne savais pas ce que je ratais.
Il m’aura fallu vingt ans pour comprendre.
Comprendre qu’on ne peut pas bien aimer porter la moustache.
Mais qu’on peut éluder sans cesse pour éviter de se livrer.
Je l’ai compris en me laissant pousser la barbe, comme pour cacher mon visage grossissant, un matin dans la glace j’ai revu mon père en face de moi, l’assiette d’épinards à portée de fourchette, la télécommande à portée de main, la moustache à portée de visage.
Papa.
Je ne l’ai jamais appelé papa que dans les grandes occasions bien sûr, la fête des pères, l’anniversaire, ou les moments de doutes, ceux où j’étais redevenu gamin, incapable de lutter face au monde, avec ce besoin irrépressible de me cacher sous l’épaule de mon père, mon papa et son désir irrépressible de se cacher derrière une moustache.
Il fallait me cacher derrière une barbe pour comprendre.
Moi qui n’aurai pas d’enfants.
Plus de papa.
Terminé.
Je plonge ma barbe aux épinards, je me régale et je savoure, l’absence en bout de table, incapable de me passer ce foutu sel de mer, ma mère, mon père, absents depuis trop longtemps, et le regret, pour assaisonner tout ça.
- Pourquoi tu portes la moustache, papa ?
Bien sûr ça n’aurait pas voulu dire grand-chose, mais parfois, un mot simple, ça suffit pour dire je t’aime.
Et les secrets m’auraient été livrés.
- Parce que j’aime bien.
Conversation close.
Bien sûr, j’aurai aimé approfondir ma question, mais cela n’aurait probablement pas approfondi la réponse. La moustache de mon père était de ces secrets familiaux que jamais rien ne pourrait déterrer, et surtout pas la veulerie d’un fils à peine capable de dissimuler son dégoût devant un plat d’épinards peu cuits.
Il paraît que les chiens ne font pas des chats.
Il paraît que l’on est conditionné.
Il paraît qu’il faut paraître.
Et cesser d’exister.
Mon père montait le son de la télévision, ma mère regagnait la cuisine pour surveiller les épinards, et moi je me disais qu’un jour je finirais bien par savoir, si le temps le permettait, si les couilles voulaient bien pousser au creux de mon inspiration, si la grève bloquait la télévision pour de bon.
En même temps, je ne savais pas ce que je voulais savoir.
Juste poser des questions, une question peut-être, toujours la même, et une réponse pourquoi pas, mais toujours la même.
- Parce que j’aime bien.
Je n’ai jamais osé insister, comme je n’ai jamais osé refuser les épinards.
Et je ne savais pas ce que je ratais.
Il m’aura fallu vingt ans pour comprendre.
Comprendre qu’on ne peut pas bien aimer porter la moustache.
Mais qu’on peut éluder sans cesse pour éviter de se livrer.
Je l’ai compris en me laissant pousser la barbe, comme pour cacher mon visage grossissant, un matin dans la glace j’ai revu mon père en face de moi, l’assiette d’épinards à portée de fourchette, la télécommande à portée de main, la moustache à portée de visage.
Papa.
Je ne l’ai jamais appelé papa que dans les grandes occasions bien sûr, la fête des pères, l’anniversaire, ou les moments de doutes, ceux où j’étais redevenu gamin, incapable de lutter face au monde, avec ce besoin irrépressible de me cacher sous l’épaule de mon père, mon papa et son désir irrépressible de se cacher derrière une moustache.
Il fallait me cacher derrière une barbe pour comprendre.
Moi qui n’aurai pas d’enfants.
Plus de papa.
Terminé.
Je plonge ma barbe aux épinards, je me régale et je savoure, l’absence en bout de table, incapable de me passer ce foutu sel de mer, ma mère, mon père, absents depuis trop longtemps, et le regret, pour assaisonner tout ça.
- Pourquoi tu portes la moustache, papa ?
Bien sûr ça n’aurait pas voulu dire grand-chose, mais parfois, un mot simple, ça suffit pour dire je t’aime.
Et les secrets m’auraient été livrés.
Dernière édition par Epiphyte le Mer 30 Sep - 20:25, édité 1 fois
Epiphyte- MacaDeb
- Messages : 43
Date d'inscription : 28/09/2009
Re: Moustache
...un mot simple effectivement....
et bien , je l'aime ta nouvelle Epi .
et bien , je l'aime ta nouvelle Epi .
_________________
LaLou
Re: Moustache
Personnel et tendre amère, mélancolique, comme la moustache du père et comme les épinards,
"C'est quelque fois trop, c'est quelque fois rien... la mélancolie.." Léo Ferré
Swann,
"C'est quelque fois trop, c'est quelque fois rien... la mélancolie.." Léo Ferré
Swann,
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Moustache
Aigre-doux.
Pas un mot de trop.
Seulement un qui a manqué.
Nilo, rasé de près.
Pas un mot de trop.
Seulement un qui a manqué.
Nilo, rasé de près.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Moustache
J'aime décidément cette plume. Toujours cette nostalgie douce-amère qui rythme ta prose et ne nous laisse, le texte fini, que l'indéfinissable envie de pleurer, et de rire.
Z, mi-figue, mi-raisin.
Z, mi-figue, mi-raisin.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 32
Localisation : Centre
Re: Moustache
J'ai aimé le premier paragraphe (hors dialogue). Mais j'ai nettement préféré le début à la suite...
Pour le reste, tout est dit, non ? J'aime, c'est doux (quoique...), mélancolique au possible. J'aime, oui.
... qui me semble trop explicite. (J'ai l'impression qu'on me tient par la main, en fait. Et j'aime pas trop ça).Il paraît que les chiens ne font pas des chats.
Il paraît que l’on est conditionné.
Il paraît qu’il faut paraître.
Et cesser d’exister.
Pour le reste, tout est dit, non ? J'aime, c'est doux (quoique...), mélancolique au possible. J'aime, oui.
Re: Moustache
"Il m’aura fallu vingt ans pour comprendre.
Comprendre qu’on ne peut pas bien aimer porter la moustache."
Et pour comprendre que l'on peut aimer porter la moustache, lui faudra-t-il vingt ans de plus, à ton narrateur ?
Douce-amère, aigre-doux ? mélancolique ? Bien pire à mon sens. Ta plume, ici, épi, revêt la parure de l'innocente cruauté, de la douleur de l'absence, et avec quel talent !
Mes line
Comprendre qu’on ne peut pas bien aimer porter la moustache."
Et pour comprendre que l'on peut aimer porter la moustache, lui faudra-t-il vingt ans de plus, à ton narrateur ?
Douce-amère, aigre-doux ? mélancolique ? Bien pire à mon sens. Ta plume, ici, épi, revêt la parure de l'innocente cruauté, de la douleur de l'absence, et avec quel talent !
Mes line
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 65
Localisation : Dans une étagère
Re: Moustache
Père et fils peuvent-ils se comprendre, le doivent-ils ? Dans la mesure où l'un doit tuer l'autre et l'autre doit tout faire pour laisser croire à l'un qu'il y est parvenu (sans se laisser tuer vraiment!), cela me semble un vœu pieu.
La meilleure incompréhension me semble de bon aloi pour protéger la pudeur de chacun.
Ton texte est agréable à lire et même plus. Un coté "petit nicolas" en plus amer.
okidor plutôt concerné en ce moment!
La meilleure incompréhension me semble de bon aloi pour protéger la pudeur de chacun.
Ton texte est agréable à lire et même plus. Un coté "petit nicolas" en plus amer.
okidor plutôt concerné en ce moment!
okidor- MacaDeb
- Messages : 33
Date d'inscription : 07/09/2009
Age : 65
Localisation : je sais toujours pas
Re: Moustache
Tiens, encore un Clic-Dédé qui n'est pas tombé à côté de la plaque.
Ce serait bien d'avoir de nouvelles "nouvelles" de toi.
Mais bon, tu fais comme tu veux (ce qui n'est pas la même chose que ce que tu dis).
Nilo, rasoir à deux lames.
Ce serait bien d'avoir de nouvelles "nouvelles" de toi.
Mais bon, tu fais comme tu veux (ce qui n'est pas la même chose que ce que tu dis).
Nilo, rasoir à deux lames.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Moustache
non, ce n'est pas un clic Dédé, je suis allée le chercher, ce texte et j'ai bien fait !!!
même s'il réveille des douleurs, je ne regrette pas ...
yzaé
même s'il réveille des douleurs, je ne regrette pas ...
yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 64
Localisation : touraine
Re: Moustache
Il paraît qu’il faut paraître.
Et cesser d’exister.
Condensé, et porteur d'émotions et de non-dits que j'aime reconnaître.
Un ancien visage, autrefois mangé par la barbe...
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Moustache
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Septième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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