Le tableau

Le tableau


« Il est beau !...»

- Tu la vois la tête de mort, lui dit-il en arrivant par derrière. Puis il posa ses deux mains sur ses épaules douces en coton blanc ; elle se cambra et sembla un instant ne plus porter aucune attention à la peinture devant elle - Attention ! T’as quet’chose sur le feu qui brûle...
Il n’y avait plus de mur, plus d’image, plus de maison, plus de sol, de plafond..., plus rien à son coeur ou à son âme que moi ou elle, je ne sais pas, on ne sait jamais... Et je ne sais plus, mais la tête de mort végétale dans les branches du cèdre, elle restera comme une bête noire, un mystère, que même les caresses et les baisers ne pourront jamais percer.
Un obstacle pour avoir cédé au plaisir trop tôt ?
“ Aucune chance ; y’a aucune chance. Je ne suis pas amoureuse de toi...
Ca tourne pas rond et elle tourne en rond. C’est elle, maintenant, la toupie. C’est sûr. J’y r’tourne...

C’est destroy comme texte, avec tous les bouts qui pendent au scotch de l’oubli, du doute et de la dégringolade ; vaut mieux rire t’entends ? J’te l’dis, mon ami, vaut mieux rire.
Aucune... Aucune peinture pour le moment n’est possible. Triste à dire, c’est triste à croire, oui, et la faute à qui, tout ça : Zovattoc ?
L’a failli mourir dix fois, on connaît mal sa vie.
“ Tu te tiens mal déjà à ta table de travail, sur ta chaise, comment veux-tu, comment ...?
- Donne-moi ta force, donne-ça - veux-tu ?
“ Non ! ça va pas, reprenons.

On disait, la force manque, force de croire et force de rien.
On disait : faute de travail seulement !
... Et si c’était ma faute...

Attends un peu que j’arrête d’écrire ; quand la peinture là-bas, dans le Sud, commencera à tourner, je serai à l’avant-garde, aux avant-postes, et qui voudra m’inquiéter n’aura qu’à s’appeler Zovattoc !
“ Bon, va pour peindre. Mais tu ne me disais pas à l’instant que tu cherchais autre chose ? En tout cas, si tu veux mon avis : pas étonnant que tu n’arrives pas à peindre si tu écris - je ne sais même pas si tu peux bien écrire un livre dans ces conditions ? Parce qu’il y a des rois qui président à chaque Art et leur colère est violente si, t’ayant fait confiance, ils s’aperçoivent que tu fuis pour un art ennemi, un art rebelle, un art autre... Tu risques de le payer cher de ta personne et de ton âme - tu risques un “coup d’Étart ”!
- C’est vrai, c’est comme si de tout le temps que j’ai passé à écrire, la peinture avait été prise de folie jalouse et qu’elle m’avait plaqué : passage sang.

Maintenant, je vais devoir la retrouver sans chômer.

En donnant des grands coups de pattes au tableau qui se faisait, il pensait :
“ Aucune chance, y’a aucune chance, c’est sûr ; j’y r’tourne.
- Mais j’arrive pas à jouer...
“ Aide-la ”
- Ton jeu, il est trop compliqué.
“ Essaye encore, tu baisses les bras ? ”
- T’es venue ici pourquoi, dis-moi : pour faire le mal ?


Dam.