La petite arbre aux billes.

Il était une fois une arbre qui ne faisait rien comme tout le monde. Son papa était un mathématicien renommé. Sa maman était un écrivain célèbre.

Dès qu’elle fut en âge de penser, sur l’autour d’elle et sur elle, elle se posa une question : “pourquoi suis-je née fille et pas garçon?” Immédiatement après, une autre : “pourquoi suis-je née arbre?” Tout près d’après : “Un arbre, qu’est-ce que c’est?”

Quelques années passèrent. Elle constatait, avec émerveillement, qu’une question en appelait toujours une autre. Des grandes questions du départ - les questions-calots - elle en avait trouvé d’autres, plus petites - les questions billes. Les premières n’avaient pas de réponse, c’était très agaçant. Les autres, les plus faciles, elle en rangeait les réponses dans ses racines, soigneusement. Elle était très appliquée dans son travail.

Avec le temps, elle disposa d’une grande cachette à billes. Elle n’y jouait pas avec les autres. Elle ne les échangeait pas. Elle les gardait, secrètes, dans ses racines.

Pourtant, le jour vint où elle entendit des questions bizarres, des questions de l’autour d’elle. Les vieux arbres qui l’entouraient semblaient très soucieux de sa croissance. Il faut, disait le père, une somme de travail considérable, pour pousser très haut. Il faut, disait la mère, trouver le bon terreau et le bon angle de pousse, ainsi tu perceras la canopée comme aucun arbre avant toi.

Pousser, disait-ils ensemble, c’est comme jouer aux billes : viser, lancer le plus fort possible, écrabouiller les billes des autres et empocher la mise.

La petite fille, qui jouait toujours seule, ne voyait pas l’intérêt. Elle prit une grosse clef, un cadenas, s’enferma dans sa cime et ne parla plus. A l’école, les très vieux arbres disaient : elle gâche son potentiel de pousse. Elle a le tronc tordu. Elle sera écrasée par les chênes, les hêtres, et les pins plus vigoureux. Elle pensait : “Qu’ont-ils tous à se battre?”. Au chaud, dans sa prison, elle poussait dans son coin.

Un jour terrible, un bûcheron entra dans son périmètre et se mit à couper toutes les branches au ras du sol, les branches inutiles, celles qui fleurissent pour fleurir, au printemps. La fillette avait dix-huit ans: l’année de l’élagage. Tant mieux, disait le père, il faut éradiquer les bourgeons parasites pour optimiser le potentiel de pousse. Tant mieux, disait la mère, il faut pousser comme dit ton père.

Alors, dans la grande forêt pleine d’arbres énormes, couverts des cicatrices de leurs combats, on trouva une arbre nue, le corps plein d’entailles et de plaies. La petite arbre, comme c’était l’hiver, tremblait de tous ses membres. Elle pensait : “Les arbres tordus sont bons à couper”, et ce n’était plus une question.



Z 14 02 11
pour C.K

Elle est triste ton histoire Z !


mais très jolie.
On y verra un peu ce que l'on veut voir, moi j'y vois la dureté et la bêtise parfois du monde adulte, en bonne ancienne petite arbre que je fus.

Ben la 'bêtise et la dureté du monde adulte', comme tu dis, sont quand même très tristes ! Ca ne pouvait pas finir bien.

En tout cas merci d'être passée Lalou! Faut se battre pour un commentaire en ce moment.

Z.

oui , en effet, periode de vaches maigres.

^^

Moi aussi je l'aime bien ta petite fable triste.
Même si je crois qu'il existe de vieux grands arbres qui montrent vraiment le chemin du ciel.

Nilo, sac de billes.

Evidemment !
Les arbres ont une sagesse naturelle de part l'epaisseur de leur ecorce.
Certains ont juste un peu de mal à faire passer les choses au travers ...voila tout.

Ton histoire m'a rappelé le temps où, enfant, je subissais le savoir des oncles en matière de taille ; ils avaient eu une exploitation d'oliviers, des champs à perte de vue de cet arbre dont ils vendaient les fruits au marcher du Cram. Cela était fait dans une optique de rendement et de rentabilité donc. Dans le jardin où ils dictaient leurs lois, cela n'avait pas raison d'être... Voilà pour le concret.
C'est une très belle histoire qui oppose le savoir des adultes et leurs interventions permanentes au sein de la vie pour en changer le cours et la destinée.

Dam.