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Une lettre à Érik Satie
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Nilo
Zlatko
okidor
Messaline
8 participants
Macadam :: MacadaTextes :: MacadEpitres
Page 1 sur 1
Une lettre à Érik Satie
Monsieur,
Je vous réponds enfin, après bien des années, et soyez bien certain, ce jour, que je nourris pour vous l’amour le plus profond.
J’imagine soudain, lisant vos injonctions, cadeaux mystérieux laissés sur mon piano, comme une invitation lentement amenée, comme une altérité à vos altérations, celles que vous posez, graciles hirondelles noires et dépliées sur des fils électriques, en divines gnostiques dans ce matin blafard où brille une poussière, suaire d’étincelles sur l’ivoire.
« Très luisant »
Après quelques mesures que je pose en murmure, votre plume a glissé ce bel impératif qui exhume un soleil inclinant ses rayons coupants comme un canif, et j’entends quelques trilles tombant dans le silence à l’infini, ainsi qu’une bille d’agate, en votre absence, rebondit et s’échoit, laissant des pattes d’oie sur un sol blanc de givre.
« Questionnez »
Je pose le hasard de mes doigts malhabiles sur les notes fragiles qui prennent leur envol vers un astre de cuivre, et, sitôt dans le ciel, c’est à peine, désastre, si l’aile se déploie qu’elle touche le sol. Ce que vous m’imposez, monsieur, est hors de ma portée. Une nouvelle fois je vise, tentant l’impossible. Atteints presque la cible, mais l’interrogation peine et s’immobilise sur un point malheureux. Pérenne est la question. Mon soupir s’éternise.
« Du bout de la pensée »
Une ligne de vous aux déliés identiques, aux cursives magiques, m’invite à votre rive, m’assigne à faire se taire tout le superflu. J’effleure alors le nu comme on trace une esquisse. J’efface les prémisses de peur que la musique envahisse l’instant, où, comme à la dérive, votre esquif mélodique a noyé tout allant symphonique relatif à m’éloigner de vous. Je ne peux vous aimer, monsieur, ainsi que me le dites, qu’en touchant mon clavier, et si peu : d’un jeu léger d’esprit bien vite reposé.
« Postulez en vous-même »
M’enjoignez-vous alors. C’est de l’or, que ces mots venus de votre siècle ! Et cet ordre de vous, ce paradoxe doux, m’incite à me jouer de votre partition ; à vous désobéir, puis m’enhardir encor pour mieux vous définir dans la proximité des nues où vous êtes reclus, où j’accroche, défaites, mes croches en désordre à vos pas. Et lors qu’à l’abandon, je m’approche…
« Pas à pas »
…Vous me prenez la main et la guidez enfin, des aigus vers le grave d’une octave imprévue…
« Sur la langue »
Monsieur, je vous connais si peu, mais vous souris déjà entrant dans cette chambre où vous m’avez permise ; afin que je vous dise :
«Je te veux »
pour une valse lente et violente où, voyez, je me cambre, dolente entre vos bras, sous les toits de Paris.
Lorsque le jour s’achève, pour toujours dévouée à votre cour,
Votre élève.
Je vous réponds enfin, après bien des années, et soyez bien certain, ce jour, que je nourris pour vous l’amour le plus profond.
J’imagine soudain, lisant vos injonctions, cadeaux mystérieux laissés sur mon piano, comme une invitation lentement amenée, comme une altérité à vos altérations, celles que vous posez, graciles hirondelles noires et dépliées sur des fils électriques, en divines gnostiques dans ce matin blafard où brille une poussière, suaire d’étincelles sur l’ivoire.
« Très luisant »
Après quelques mesures que je pose en murmure, votre plume a glissé ce bel impératif qui exhume un soleil inclinant ses rayons coupants comme un canif, et j’entends quelques trilles tombant dans le silence à l’infini, ainsi qu’une bille d’agate, en votre absence, rebondit et s’échoit, laissant des pattes d’oie sur un sol blanc de givre.
« Questionnez »
Je pose le hasard de mes doigts malhabiles sur les notes fragiles qui prennent leur envol vers un astre de cuivre, et, sitôt dans le ciel, c’est à peine, désastre, si l’aile se déploie qu’elle touche le sol. Ce que vous m’imposez, monsieur, est hors de ma portée. Une nouvelle fois je vise, tentant l’impossible. Atteints presque la cible, mais l’interrogation peine et s’immobilise sur un point malheureux. Pérenne est la question. Mon soupir s’éternise.
« Du bout de la pensée »
Une ligne de vous aux déliés identiques, aux cursives magiques, m’invite à votre rive, m’assigne à faire se taire tout le superflu. J’effleure alors le nu comme on trace une esquisse. J’efface les prémisses de peur que la musique envahisse l’instant, où, comme à la dérive, votre esquif mélodique a noyé tout allant symphonique relatif à m’éloigner de vous. Je ne peux vous aimer, monsieur, ainsi que me le dites, qu’en touchant mon clavier, et si peu : d’un jeu léger d’esprit bien vite reposé.
« Postulez en vous-même »
M’enjoignez-vous alors. C’est de l’or, que ces mots venus de votre siècle ! Et cet ordre de vous, ce paradoxe doux, m’incite à me jouer de votre partition ; à vous désobéir, puis m’enhardir encor pour mieux vous définir dans la proximité des nues où vous êtes reclus, où j’accroche, défaites, mes croches en désordre à vos pas. Et lors qu’à l’abandon, je m’approche…
« Pas à pas »
…Vous me prenez la main et la guidez enfin, des aigus vers le grave d’une octave imprévue…
« Sur la langue »
Monsieur, je vous connais si peu, mais vous souris déjà entrant dans cette chambre où vous m’avez permise ; afin que je vous dise :
«Je te veux »
pour une valse lente et violente où, voyez, je me cambre, dolente entre vos bras, sous les toits de Paris.
Lorsque le jour s’achève, pour toujours dévouée à votre cour,
Votre élève.
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: Une lettre à Érik Satie
Tu sais tout le bien que je pense de cette missive: tout simplement le texte le plus abouti de tout ce que j'ai lu de toi. Tout y est.
chaque mot est à sa place, il n'en manque pas un et pas un de trop.
Et l'émotion, toute de candeur (dont on ne sait délicieusement pas si elle est fausse) et d'allant et d'osant.
Elle aime alors elle ose sans autre besoin de justification.
Alors permet moi de m'appeler Eric quelques instants; puis, pas à pas, je me retirerai jusqu'au bout de mes pensées.
okidor sati été.
chaque mot est à sa place, il n'en manque pas un et pas un de trop.
Et l'émotion, toute de candeur (dont on ne sait délicieusement pas si elle est fausse) et d'allant et d'osant.
Elle aime alors elle ose sans autre besoin de justification.
Alors permet moi de m'appeler Eric quelques instants; puis, pas à pas, je me retirerai jusqu'au bout de mes pensées.
okidor sati été.
okidor- MacaDeb
- Messages : 33
Date d'inscription : 07/09/2009
Age : 66
Localisation : je sais toujours pas
Re: Une lettre à Érik Satie
Pour ma part, de ce que j'ai lu de toi, la même remarque d'okidor me vient : c'est très abouti. Une esthétique qui, si parfois quelques mots sont un peu lourds dans la profusion, touche à l'irréprochable. Le premier paragraphe de trois lignes est brillant : à sa lecture j'ai eu l'exacte définition du poème en prose, même si ce texte se veut épistolaire par la forme, tant ces trois lignes, de quelque façon qu'on les examine, ont une incroyable musicalité... presque des alexandrins couchés là, à la suite.
Beaucoup d'images, de respirations différentes, de cheminement, de questionnements... Bref, on en revient à ce mot : abouti.
Z, admiratif.
Beaucoup d'images, de respirations différentes, de cheminement, de questionnements... Bref, on en revient à ce mot : abouti.
Z, admiratif.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Une lettre à Érik Satie
Déjà lue, ailleurs.
Déjà aimé.
Déjà dit.
Alors à quoi bon le redire ?
Pour que ça se sache !
Nilo, gymnopédique.
Déjà aimé.
Déjà dit.
Alors à quoi bon le redire ?
Pour que ça se sache !
Nilo, gymnopédique.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Une lettre à Érik Satie
Merci tous.
Zlatko = > Heureuse que tu aies remarqué les presque alexandrins.
okidor = > Je te permets, bien sur, mais faudra d'abord apprendre à valser
Nilo = > ... et rien que pour me faire plaisir
J'en profite pour redire que les termes entre guillemets sont les indications de jeu de la première gnossienne*, et sont en eux mêmes une véritable invitation à la liberté d'interpréter et rêver
*sauf "Je te veux" qui est le titre d'une valse d'Éric Satie (très belle)
mes line
Zlatko = > Heureuse que tu aies remarqué les presque alexandrins.
okidor = > Je te permets, bien sur, mais faudra d'abord apprendre à valser
Nilo = > ... et rien que pour me faire plaisir
J'en profite pour redire que les termes entre guillemets sont les indications de jeu de la première gnossienne*, et sont en eux mêmes une véritable invitation à la liberté d'interpréter et rêver
*sauf "Je te veux" qui est le titre d'une valse d'Éric Satie (très belle)
mes line
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: Une lettre à Érik Satie
J'ai peu de place chez moi pour la musique dite "classique" mais Satie est là, léger, aérien avec ses noms à coucher dehors, à la belle étoile. Quel bel hommage... à hydrater un embryon desséché !
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Une lettre à Érik Satie
Hydrater un embryon desséché, belle formule !
Et puis, superbe texte messaline
Et puis, superbe texte messaline
Re: Une lettre à Érik Satie
C'est vrai qu'elle est bien belle c'te lettre.
Alors je viens la tirer de l'oubli de la part de Sylvie qui s'est inscrite à mon opération Missing
Dédé.
Alors je viens la tirer de l'oubli de la part de Sylvie qui s'est inscrite à mon opération Missing
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Re: Une lettre à Érik Satie
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Neuvième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Re: Une lettre à Érik Satie
J'aime Satie et je ne peux qu'aimer ce texte qui sonne si juste !
franskey- MacadAccro
- Messages : 599
Date d'inscription : 23/03/2011
Macadam :: MacadaTextes :: MacadEpitres
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