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Pieds-qui-clochent.
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Pieds-qui-clochent.
C’est l’histoire d’une petite fille qui n’avait pas de nom. Ses parents, des gens très bien, ne purent se décider le jour de sa naissance et lui laissèrent la possibilité, pour plus tard, de prendre celui qu’elle voudrait. Bien sûr, ça n’était pas très pratique. On l’appelait parfois Pieds-qui-clochent, parce qu’elle faisait, en marchant, de drôles de titubes.
Pieds-qui-clochent aimait beaucoup dormir. Tôt, elle en avait fait sa préoccupation principale. Elle piquait un ronfle n’importe où, au supermarché et sur les balançoires. Le sommeil est un muscle comme un autre : Pieds-qui-clochent développa bientôt des facultés rigolotes. Elle pouvait, à loisir, s’endormir, s’éveiller, dans la seconde ; elle mélangeait aux choses ses rêves. Ainsi, sa mère s’étonnait de retrouver bleue une robe qui hier, était rose. Le rose, pensait Pieds-qui-clochent, c’est pour les garçons.
Un jour d’automne, comme elle s’ennuyait, elle trouva une vieille échelle en fouillant le garage. En un clin d’œil, elle était sur le toit. Il soufflait ce jour-là une brise légère qui avait beaucoup voyagé. Elle avait, en parcourant le monde, traversé des nuages, des volcans, des forêts, des cascades. Elle fit une couverture à Pieds-qui-clochent. Tiède, l’enfant s’endormit.
Elle rêva d’un garçon, bien plus grand qu’elle. Bonnebrise, dit-il ; Bontoit, répondit Pieds-qui-clochent. Elle apprit qu’il ne s’appelait pas non plus ; comme il était maigre, et habillé drôlement bizarre, elle l’appela le Rachitique-à-bretelles. Il lui raconta une histoire. Les noms qu’ont les grands, dit-il, ce sont des faux. Ils sont bêtes. Il n’y a qu’un seul endroit où trouver ton nom : à Zabriskie Point, tout au milieu d’un désert ; plus loin qu’un chat pourrait se perdre.
Effrayée, Pieds-qui-clochent réveilla. Quelle drôle de ronfle, dit-elle, et elle courut manger des pâtes au beurre.
Curieuse, elle remonta sur le toit, le lendemain. Dormie, le Rachitique-à-bretelles réapparu. Tu dois, lui dit-il, construire une petite niche dans le jardin. Il faudra chaque jour prendre un fil de ta robe bleue, et le déposer à l’intérieur. Elle est pleine de rêve : ça fera bien l’affaire. Excitée, Pieds-qui-clochent descendit du toit, s’arma d’un marteau, quatre planches et huit clous, et construisit une niche en deux heures. Elle déposa religieusement un fil de sa robe, pendant deux mois, tous les matins à l’aube. Au soixante-et-unième jour, elle entendit japper : dans la niche, un chien bleu qu’on-voyait-à-travers la regardait. Sans doute, il s’appelait Translucide, et c’était bien la première chose qu’elle nommait.
Elle rêva une dernière fois du Rachitique-à-bretelles. Il dit qu’il fallait au chien volant un guide, et sortant de sa poche un pot de confiture, le tendit à Pieds-qui-clochent. Dedans il y a Rosie, le vers luisant. Sur le départ, ouvre le pot, et puis tu verras bien. Au revoir, dit l’enfant, et le Rachitique disparut, dans une gerbe de blés mûrs.
Vraiment, pensait Pieds-qui-clochent, je vais quitter mon lit, mes pâtes au beurre et mon garage, mais je dois trouver mon nom.
Le lendemain soir, elle enfila sa culotte préférée, un casque d’avion avec des grosses lunettes, s’arma d’un fusil-à-fleurs et d’une épée taillée dans ses bottes en caoutchouc. Le chien volant l’attendait, très digne, alors que normalement les chiens sont bêtes. Pieds-qui-clochent ouvrit le bocal : une petite planète verte s’en échappa et fusa, sans prévenir, en direction du ciel. A califourchon, l’enfant s’éleva sur Translucide. Mi-flamme mi-coton, Rosie traçait dans le ciel noir une glissade.
Au bout de trois jours, Pieds-qui-clochent s’ennuyait. Translucide ne manifestait aucun signe de fatigue, et la luisante tenait bon le cap : le soleil et la lune dansaient, au même rythme que d’habitude. M’enfin, pensait la petite fille, même les trucs beaux sont monotones. Elle s’endormait et rêvait de pâtés de ciel, durs-mouillés, à mettre dans ses poches – une fois, elle rêva d’un gros vers, un Subterrain-de-cosmos, qui se nourrissait d’étoiles mortes. Et puis, Rosie amorça doucement la descente : du noir, Pieds-qui-clochent se retrouva dans une étendue orange, longiligne et cassée comme des doigts de pianiste.
Au milieu du rien, elle vit un petit saloon. Rosie attendit que l’enfant mette pied à terre, et s’engouffra à l’intérieur se désaltérer. Pieds-qui-clochent la vit, avec surprise, piquer une tête dans un verre de rhum. Faut pas croire, rigolait-elle, les vers luisants ça picole comme tout le monde. Le bar était minuscule, quatre planches de bois sale ; pareil que la niche de Translucide. Et puis, le Rachitique-à-bretelles émergea de derrière le comptoir, hors de rêve cette fois, plus vieux, la peau jaune et l’œil noir : dit voir gamine, bégayait-il, j’ai jamais su ton nom. Est-ce que tu saurais pas le mien.
Z 05 08 11
Pieds-qui-clochent aimait beaucoup dormir. Tôt, elle en avait fait sa préoccupation principale. Elle piquait un ronfle n’importe où, au supermarché et sur les balançoires. Le sommeil est un muscle comme un autre : Pieds-qui-clochent développa bientôt des facultés rigolotes. Elle pouvait, à loisir, s’endormir, s’éveiller, dans la seconde ; elle mélangeait aux choses ses rêves. Ainsi, sa mère s’étonnait de retrouver bleue une robe qui hier, était rose. Le rose, pensait Pieds-qui-clochent, c’est pour les garçons.
Un jour d’automne, comme elle s’ennuyait, elle trouva une vieille échelle en fouillant le garage. En un clin d’œil, elle était sur le toit. Il soufflait ce jour-là une brise légère qui avait beaucoup voyagé. Elle avait, en parcourant le monde, traversé des nuages, des volcans, des forêts, des cascades. Elle fit une couverture à Pieds-qui-clochent. Tiède, l’enfant s’endormit.
Elle rêva d’un garçon, bien plus grand qu’elle. Bonnebrise, dit-il ; Bontoit, répondit Pieds-qui-clochent. Elle apprit qu’il ne s’appelait pas non plus ; comme il était maigre, et habillé drôlement bizarre, elle l’appela le Rachitique-à-bretelles. Il lui raconta une histoire. Les noms qu’ont les grands, dit-il, ce sont des faux. Ils sont bêtes. Il n’y a qu’un seul endroit où trouver ton nom : à Zabriskie Point, tout au milieu d’un désert ; plus loin qu’un chat pourrait se perdre.
Effrayée, Pieds-qui-clochent réveilla. Quelle drôle de ronfle, dit-elle, et elle courut manger des pâtes au beurre.
Curieuse, elle remonta sur le toit, le lendemain. Dormie, le Rachitique-à-bretelles réapparu. Tu dois, lui dit-il, construire une petite niche dans le jardin. Il faudra chaque jour prendre un fil de ta robe bleue, et le déposer à l’intérieur. Elle est pleine de rêve : ça fera bien l’affaire. Excitée, Pieds-qui-clochent descendit du toit, s’arma d’un marteau, quatre planches et huit clous, et construisit une niche en deux heures. Elle déposa religieusement un fil de sa robe, pendant deux mois, tous les matins à l’aube. Au soixante-et-unième jour, elle entendit japper : dans la niche, un chien bleu qu’on-voyait-à-travers la regardait. Sans doute, il s’appelait Translucide, et c’était bien la première chose qu’elle nommait.
Elle rêva une dernière fois du Rachitique-à-bretelles. Il dit qu’il fallait au chien volant un guide, et sortant de sa poche un pot de confiture, le tendit à Pieds-qui-clochent. Dedans il y a Rosie, le vers luisant. Sur le départ, ouvre le pot, et puis tu verras bien. Au revoir, dit l’enfant, et le Rachitique disparut, dans une gerbe de blés mûrs.
Vraiment, pensait Pieds-qui-clochent, je vais quitter mon lit, mes pâtes au beurre et mon garage, mais je dois trouver mon nom.
Le lendemain soir, elle enfila sa culotte préférée, un casque d’avion avec des grosses lunettes, s’arma d’un fusil-à-fleurs et d’une épée taillée dans ses bottes en caoutchouc. Le chien volant l’attendait, très digne, alors que normalement les chiens sont bêtes. Pieds-qui-clochent ouvrit le bocal : une petite planète verte s’en échappa et fusa, sans prévenir, en direction du ciel. A califourchon, l’enfant s’éleva sur Translucide. Mi-flamme mi-coton, Rosie traçait dans le ciel noir une glissade.
Au bout de trois jours, Pieds-qui-clochent s’ennuyait. Translucide ne manifestait aucun signe de fatigue, et la luisante tenait bon le cap : le soleil et la lune dansaient, au même rythme que d’habitude. M’enfin, pensait la petite fille, même les trucs beaux sont monotones. Elle s’endormait et rêvait de pâtés de ciel, durs-mouillés, à mettre dans ses poches – une fois, elle rêva d’un gros vers, un Subterrain-de-cosmos, qui se nourrissait d’étoiles mortes. Et puis, Rosie amorça doucement la descente : du noir, Pieds-qui-clochent se retrouva dans une étendue orange, longiligne et cassée comme des doigts de pianiste.
Au milieu du rien, elle vit un petit saloon. Rosie attendit que l’enfant mette pied à terre, et s’engouffra à l’intérieur se désaltérer. Pieds-qui-clochent la vit, avec surprise, piquer une tête dans un verre de rhum. Faut pas croire, rigolait-elle, les vers luisants ça picole comme tout le monde. Le bar était minuscule, quatre planches de bois sale ; pareil que la niche de Translucide. Et puis, le Rachitique-à-bretelles émergea de derrière le comptoir, hors de rêve cette fois, plus vieux, la peau jaune et l’œil noir : dit voir gamine, bégayait-il, j’ai jamais su ton nom. Est-ce que tu saurais pas le mien.
Z 05 08 11
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Pieds-qui-clochent.
l'image de la fin est particulière: on s'imaginait " Rachitique-à-bretelles" et d'un coup, hop, il revêt une nouvelle peau et se transforme en vieux roublard de saloon.
_________________
LaLou
Re: Pieds-qui-clochent.
Encore un joli conte que je vais tenter d'illustrer.
Et en plus il se termine dans un clandé au milieu des étoiles, j'aime ça.
Nilo, patron, une autre.
Et en plus il se termine dans un clandé au milieu des étoiles, j'aime ça.
Nilo, patron, une autre.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Pieds-qui-clochent.
J'étais déjà passé pour en dire du bien.
C'était avant que le bug du 20 août 2011 vienne poser une bombe à anticipation sur le Macadam.
Je reviens, pour le redire, plus simplement.
Nilo, bis repetita.
C'était avant que le bug du 20 août 2011 vienne poser une bombe à anticipation sur le Macadam.
Je reviens, pour le redire, plus simplement.
Nilo, bis repetita.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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