Les Sonneurs à ventre jaune

Ça plastronne sévère dans le burlingue du bout du monde
ça s'envoie des décorations, des florales et des pas mûres

avec le cœur des femmes qui déborde sur le plancher
et sur le comptoir entre deux pichets de rouge
elles montrent leurs cuisses qu'ont pas trop vieilli
qu'on peut encore regarder sans se détourner

ça fait des figures de carnaval et des politesses à qui en veut
et ça se dit : tant qu'on est là c'est qu'on n'est pas mort

le cœur quand il a explosé, il reste la peau et les mauvaises lunes
des yeux de princesses un peu amères, un peu tordues
et puis les mains qui en disent long, aussi long que toutes les histoires
qu'on se raconte quand il fait froid dehors

ça fait des ronds de jambe avec la fumée des cigarettes
ça se souvient quand on était jeune, quand on dansait sur de vieux jazz

elles matent leur cœur qui leur a fui, comme des enfants solaires
elles s'imaginent une jeunesse, elles marchent lentement dans les coursives
à la recherche du prince claqué, peut-être là-bas où l'on ne va plus
ou bien ici où on est tout le temps, comme si on attendait encore quelque chose

ça grave son nom sur le comptoir avec un opinel
entre deux verres qu'on n'arrive plus à vider
c'est qu'ils se remplissent dès qu'on a le dos tourné

elles ont des rêves à ciel ouvert, comme des vérités intarissables
comme une lumière qu'on ne peut éteindre qu'avec le cul
elles ont appris à dire tant pis, à dire ce sera pour la prochaine fois
à la prochaine lune, même si elle est mauvaise

ça se fourvoie à force d'en dire trop, l'alcool d'un soir
qui devient l'alcool de tous les soirs, et ça fait semblant de ne pas être ivre

les reptiles de la romance continuent de leur courir sur le corps
mais elles ne croient pas aux fantômes, elles se rappellent ce que leur disait le monde
quand elles étaient petites filles : tu sais avant d'être le monde, j'étais une prostituée
tout rêve s'oxyde lorsqu'il touche à la lumière

alors ça emmagasine des souvenirs et des rires dans des sacs à dos
en pensant : si c'est cela à quoi on a le droit...

elles finissent la nuit dans une fontaine de jouvence
étirée sous le corps d'un homme dont elles ne savent rien
si ce n'est leur sexe menteur et leur poker de désespoir
elles finissent la nuit en hurlant comme des bêtes
à qui on a promis trop de choses

Des lourdeurs, mais j'aime le thème et ne serait-ce que pour ça
les reptiles de la romance continuent de leur courir sur le corps
je me devais de laisser une trace ici.

Nilo, habitué.

Quelques lourdeurs pour mon oreille aussi, mais les trouvailles rétablissent l'équilibre. Le souffle et la chozadire sont toujours là : jamais d'écriture 'gratuite' chez toi.

Z.

elles finissent la nuit dans une fontaine de jouvence
étirée sous le corps d'un homme dont elles ne savent rien
si ce n'est leur sexe menteur et leur poker de désespoir
elles finissent la nuit en hurlant comme des bêtes
à qui on a promis trop de choses

Bien dit !

Impressionnant !