Terre vivante

Bonjour à tous, dont certains et certaines connu(e)s de longue date

Terre vivante


Il prend dans sa main trapue
Une grosse poignée de terre
Qu’il égrène doucement
Entre ses doigts épais.
Elle est belle sa terre
Elle vit.
Grumeleuse et humique,
Elle gonfle ou se rétracte
Comme aux marées la mer
Au rythme lent des lunes
Et de l’eau absorbée.
Par ce geste simple
Il lit sa fertilité
Rêve la récolte à venir.
Il lit sa terre brune
Et autour,
Chaque plante qui vit là
Lui révèle un secret :
L’azote sous l’ortie
Et sous la véronique l’équilibre des éléments
Comme sous le lamier pourpre et sous le mouron blanc.
La mesure du savant ne dira pas mieux.
Mais comprenez : il l’aime sa terre,
Avec elle il respire.
Dès l’aurore quand il lui donne son premier regard,
Il la hume, la palpe, la caresse de ses outils et de ses yeux,
Il la sait prête au semis,
A donner ses fruits,
Il souffre avec sa sécheresse
Lorsqu’elle se ride comme lui,
Il patiente lorsque d’eau regorgée
Elle demande à s’essuyer
Au beau temps revenu.
Les sillons dont il la grave sont les vers d’un poème,
Et ses courbes les lignes d'une hanche ou d'un sein.
Sa femme en est jalouse et il en rit,
Les yeux remplis de larmes,
« eau que sa peine a salée ».(1)

(1)Philippe Jaccottet, « à la lumière d’hiver » NRF, Gallimard

Bien agréable lecture, d'un poéme qui me parle,

Bienvenue à toi Gérard,

Swann,

C'est bien toi ça...
Même si je te préfère dans tes "Miettes".

Nilo, quignon de pain.

Je te découvre avec plaisir....cette terre vivante me "parle" plutôt bien aussi !
A te relire donc...

je viens de poster pour " ligne de partage " et j'aime aussi celui-là ...
Yzaé, Cévenole et paysanne ...

Clic-Dédé....

Un grand faible pour ça:

"Les sillons dont il la grave sont les vers d’un poème,
Et ses courbes les lignes d'une hanche ou d'un sein."

Sylvie

Quel subtil mélange où se redessine sous ta plume la simple création.
Quelques poussières de mots en guise d'étoiles, quelques larmes sur l'argile que la main du poète pétris de vérités simples et la magie du vivant opère comme aux premiers temps...

Un authentique moment d'émerveillement

Chris

Un coup dans le mur. Pas un coup pour rien.
Je renvoie donc ce texte en haut de l'affiche.

Nilo, Olympien.

Simplement pour rebondir sur la citation de Jacottet :
Frelons et feu. Ecrire : " les frelons du feu " serait de la poésie facile,
Cahier de verdure

Bravo, il contemple sa terre, il l'aime et ce sont toutes les saisons qui s'apprêtent à naitre dans son regard.

Paf dans le mur... mais l'atterrissage et doux et agréable, parmi le foisonnant mouron et la douce véronique, dans cette odeur de ventre de la terre humide.

Cette terre qu'il pétrit et caresse comme un corps aimé. Un texte vrai et clair comme la pluie, où la simplicité nue met parfaitement en valeur la poésie du regard posé sur les choses.

J'ai aimé, merci.

C'est simple mais tellement agréable.
Tout en douceur, tout en finesse, on avance pas à pas et j'aime.

Salut l'Ami ! J'adhère tout à fait et tu sais pourquoi. Je ne connais qu'un seul endroit où l'on trouve de ces terres brunes et profondes...Et quelle chance j'ai d'en profiter encore. Mille compliments - LOUP.

Cette terre des moissons, c'est aussi celle du potier qui lui donne la forme des saisons et du monde.

Dam, nourriture de vie.

merci de vos passages et re-passages qui ont refait les plis de ce texte maintenant ancien.

On ne prête qu'aux riches, mais aussi on donne volontiers, même à ceux qui nous ont quitté avec un peu d'amertume.
Mais comme on n'est pas chien on joue le jeu et quand en plus le texte est de belle facture il n'y a pas à faire la fine bouche.

Nilo, c'est dit.

Très beau texte mélodieux, simple et humble, comme l'homme qui se penche vers la Terre pour, de sa main en sentir toutes les courbes...

C'est magnifique !