Le fond de mère est gris/Cour intérieure/Station Couronnes/L'heure d'hiver

LE FOND DE MERE EST GRIS

assis près d’elle à guetter l’hiatus
dans son bloc de sang et de ciment mêlés

gris tout autour
dans toutes les couleurs de gris
murs table chaises et l’air
entre les murs et les tables et les chaises
l’air gris qui fait le souffle court
l’éclat vulgaire de son rire
gris sale
et sa façon de ne rien dire avec
la voix grise d’une autre

assis près d’elle à guetter sa chute
son bloc de chair et de ciment mêlés




COUR INTERIEURE

hier soir j’ai bien vu trois oiseaux
écrasés sur la surface plane du ciel
des taches rouges et blanches
au surplomb des façades

baissé les yeux un peu vers moi
chemise noire plaquée
contre le sol

tache aussi
sur la jolie cour intérieure
de notre habitation à loyer modéré



DIEU PREND SON PIED STATION COURONNES

il y a le feu
dans le tunnel du métropolitain
une odeur de chairs vives
en fond de bouche exhale

dirait-on pas
la voix crépitante d’un camé
le pli nécrosé
turgescent de son bras
veine noircie d’extases

cris d’amour et de mort

dirait-on pas
que jouit dans la bouche violée
du métropolitain
Dieu
et son foutre fumant



L'HEURE d'HIVER

L’heure ancienne déjà
trébuche.

Au bas de l’escalier dont la rampe
est de mousse
et les marches de temps,
l’orangé de l’air
s’ombre de tout son long,
sombre et roule nos voix
dans la neige.

Chaque pas vers la cour
amasse au sillon des semelles
des mots

qui n’empêcheront rien,
ni l’hiver ni le vide.

Accompagnent
la chute

J' aime bien tes poèmes, Rod.

"Hier soir j' ai bien vu trois oiseaux

écrasés sur la suface plane du ciel"

Vision assez houellebecquienne de l' éther, non ?

asphalt a écrit:

"Hier soir j' ai bien vu trois oiseaux

écrasés sur la suface plane du ciel"

Vision assez houellebecquienne de l' éther, non ?

J'y avais pas pensé mais pourquoi pas...
Un qui l'est vraiment wellbeckien c'est celui-là (je sais plus si je l'avais posté ici...):

les persiennes saturées de lavande
déchirent les parois des heures
méridiennes

impossible de dormir
dans cette chambre en
roulis
une infâme nausée
me soulève l’estomac

trop d’été dehors
de fraîcheur dedans
trop de bonheur possible
et
je bande

je veux rentrer chez moi

Encore une excellente série. Une légère préférence pour cette cour intérieure où ta vision est d'une netteté implacable. Et puis :

dirait-on pas
que jouit dans la bouche violée
du métropolitain
Dieu
et son foutre fumant

à te lire