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Comme des miettes...fragment 8
+2
Nilo
gerard hocquet
6 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Poèmes
Page 1 sur 1
Comme des miettes...fragment 8
Fragment 8
A partir du château
le chemin montait dans le parc emmuré
d'un appareil de craie et de briques
laissant de côté la chapelle
puis tournait aux trois hêtres rouges et,
par l'allée courbe des marronniers
accédait à une voie rectiligne
bordée d'une double rangée de peupliers.
Au fond, la grille forgée toujours fermée,
à gauche le terrain de sports
et à droite le pré de l'âne Albert,
réincarnation de l'âne de Buridan
dont on nous ressassait le triste sort à chaque hésitation:
mort de n'avoir pas su choisir entre le boire et le manger.
Un dimanche sur quatre
les voitures s'alignaient le long des arbres
et la traction avant Citroën familiale et noire
servait de parloir pour des mots comptés,
concurrencés par le goûter copieux comme un manque affectif
et la remise du pot de beurre mensuel
en échange du bocal rance,
complément de la mélasse institutionnelle économique et écoeurante.
Jamais n'est venue la question:
"pourquoi suis-je ici ?"
Seulement l'échange de regards tendus et furtifs:
elle souffrait, et je ne sais plus dire maman.
Grand mère était là parfois...
De ses longs cheveux d'argent ramenés en chignon
émanait l'aura d'une douceur aimante.
Je la contemplais, petit, assis bouche bée,
elle debout devant l'armoire à glace
à démêler la riviére blanche,
puis à la tresser,
de ce geste de côté, grâcieux et féminin,
un tableau de Renoir.
Elle était humble et silencieuse
et pourtant le liant de la famille unie.
Sa mort nous a dispersés comme le vent un tas de feuilles:
tant qu'elle le tenait, il se tenait
mais les distances se sont faites irréductibles
et année par année après le dernier cercle autour du grand départ,
la gerbe s'est défaite sans relève d'un brin nouant.
Comme je l'ai aimée
et comme encore ici, à ramasser ces bouts de vie
je trouve en traces indélébiles son sourire éternellement beau.
Il reste un panier de rotin et sa tache d'éosine,
un bout de drap en laine épaisse et grise brodé de fil rouge,
quelques aiguilles fixées dessus,
la courte pointe en carrés tricotés des fins de bobines,
des souvenirs à chaque bouton recousu
et une photo rangée aux yeux déjà tournés vers Amédée,
son garde champêtre de mari, en allé depuis vingt ans.
Ces objets, un mot, l'odeur des buis,
le goût de la William rouge
et d'une infusion de cassis.
Le paquet de tabac gris, les relents de la pipe
et les allumoirs découpés dans les boîtes bleues de sucre Béghin,
la cour dallée de briques, le parfum des pélargoniums...
à quoi s'attache la mémoire?
A des bribes et autour aux expressions, aux voix, au bien être diffus.
A l'insouciance seulement occupée à l'éveil des sens.
Il était là le paradis, sans la conscience pour le savourer.
Où le retrouver avec ses habitants chéris?
A partir du château
le chemin montait dans le parc emmuré
d'un appareil de craie et de briques
laissant de côté la chapelle
puis tournait aux trois hêtres rouges et,
par l'allée courbe des marronniers
accédait à une voie rectiligne
bordée d'une double rangée de peupliers.
Au fond, la grille forgée toujours fermée,
à gauche le terrain de sports
et à droite le pré de l'âne Albert,
réincarnation de l'âne de Buridan
dont on nous ressassait le triste sort à chaque hésitation:
mort de n'avoir pas su choisir entre le boire et le manger.
Un dimanche sur quatre
les voitures s'alignaient le long des arbres
et la traction avant Citroën familiale et noire
servait de parloir pour des mots comptés,
concurrencés par le goûter copieux comme un manque affectif
et la remise du pot de beurre mensuel
en échange du bocal rance,
complément de la mélasse institutionnelle économique et écoeurante.
Jamais n'est venue la question:
"pourquoi suis-je ici ?"
Seulement l'échange de regards tendus et furtifs:
elle souffrait, et je ne sais plus dire maman.
Grand mère était là parfois...
De ses longs cheveux d'argent ramenés en chignon
émanait l'aura d'une douceur aimante.
Je la contemplais, petit, assis bouche bée,
elle debout devant l'armoire à glace
à démêler la riviére blanche,
puis à la tresser,
de ce geste de côté, grâcieux et féminin,
un tableau de Renoir.
Elle était humble et silencieuse
et pourtant le liant de la famille unie.
Sa mort nous a dispersés comme le vent un tas de feuilles:
tant qu'elle le tenait, il se tenait
mais les distances se sont faites irréductibles
et année par année après le dernier cercle autour du grand départ,
la gerbe s'est défaite sans relève d'un brin nouant.
Comme je l'ai aimée
et comme encore ici, à ramasser ces bouts de vie
je trouve en traces indélébiles son sourire éternellement beau.
Il reste un panier de rotin et sa tache d'éosine,
un bout de drap en laine épaisse et grise brodé de fil rouge,
quelques aiguilles fixées dessus,
la courte pointe en carrés tricotés des fins de bobines,
des souvenirs à chaque bouton recousu
et une photo rangée aux yeux déjà tournés vers Amédée,
son garde champêtre de mari, en allé depuis vingt ans.
Ces objets, un mot, l'odeur des buis,
le goût de la William rouge
et d'une infusion de cassis.
Le paquet de tabac gris, les relents de la pipe
et les allumoirs découpés dans les boîtes bleues de sucre Béghin,
la cour dallée de briques, le parfum des pélargoniums...
à quoi s'attache la mémoire?
A des bribes et autour aux expressions, aux voix, au bien être diffus.
A l'insouciance seulement occupée à l'éveil des sens.
Il était là le paradis, sans la conscience pour le savourer.
Où le retrouver avec ses habitants chéris?
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes...fragment 8
Quand tu écris comme ça je suis toujours sur les genoux.
L'âge et mes vieilles douleurs se réveillent en même temps qu'elles s'anesthésient.
Tant de souvenirs - qui ne sont pas les tiens - reviennent.
Tant de souvenirs dont mes filles, tendrement, se moquent.
Alors je pense à ceux qu'elles auront.
Et je souris.
Superbe !
Nilo, il est encore bientôt, il est déjà si tard.
L'âge et mes vieilles douleurs se réveillent en même temps qu'elles s'anesthésient.
Tant de souvenirs - qui ne sont pas les tiens - reviennent.
Tant de souvenirs dont mes filles, tendrement, se moquent.
Alors je pense à ceux qu'elles auront.
Et je souris.
Superbe !
Nilo, il est encore bientôt, il est déjà si tard.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Comme des miettes...fragment 8
Gérard, j'ai lu tous vos fragments et dans chacun d'eux, j'y ai trouvé à me nourrir d'émotion (s)...
Merci
H.
Merci
H.
hortense- MacadAccro
- Messages : 832
Date d'inscription : 19/09/2009
Re: Comme des miettes...fragment 8
J'aime vraiment beaucoup, et, pour une fois, un texte que j'aurais pu écrire...Des images et une atmosphère en quelques mots.. c'est ce que je recherche, parfois en vain.
Swann, narcisse
Swann, narcisse
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Comme des miettes...fragment 8
merci de vos lectures.
Swann: si tu en as l'envie, tu le peux, c'est question de temps.
Swann: si tu en as l'envie, tu le peux, c'est question de temps.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes...fragment 8
C'est beau. Et triste. J'ai pris un fragment au hasard. J'y ai vu de bien tendres souvenirs, ainsi que des arrache-cœurs. Mais toujours un accent de vérité. Comme un supplément absolument nécessaire qui donne à la narration quelque chose de vrai.
Mes line, nature
Mes line, nature
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: Comme des miettes...fragment 8
qu'elles sont prenantes, émouvantes, bouleversantes, tes miettes, Gérard ...
que tes souvenirs sont vivants pour les autres, j'imagine ... et pour moi, en particulier, celui-là :
"De ses longs cheveux d'argent ramenés en chignon
émanait l'aura d'une douceur aimante."
Yzaé, en miettes
que tes souvenirs sont vivants pour les autres, j'imagine ... et pour moi, en particulier, celui-là :
"De ses longs cheveux d'argent ramenés en chignon
émanait l'aura d'une douceur aimante."
Yzaé, en miettes
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme des miettes...fragment 8
En me cognant dans le mur à Dédé je suis tombé au pied de ceci.
Et je me dis qu'il est bien tard.
Mais pas encore trop pour pour laisser faire le silence.
Nilo, derrière la tête.
Et je me dis qu'il est bien tard.
Mais pas encore trop pour pour laisser faire le silence.
Nilo, derrière la tête.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Comme des miettes...fragment 8
Encore un coup dans le Mur à Dédé.
Et encore un Up bien mérité.
Nilo, tailleur de pierres.
Et encore un Up bien mérité.
Nilo, tailleur de pierres.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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