Promener le chien dans les jardins aquatiques

l’étrange distillait des ombres opaques
feutrine des fusillés / escouade de gueules en cigarettes
j’étais un crocodile accoudé au comptoir
sifflant dans le goulot des dissolutions
au rythme des bigbands de jazz
sous les néons publicitaires, la vérité fait un pont
entre la lumière et la sagittaire

je sombrais des heures molles
dans le ventre des romans policiers
Charlie Parker n’a pas attendu la mort du Christ
à cet instant de la nuit, il n’y a plus de place pour les vivants
seuls les rubans des vieilles machines à écrire
et le ronflement des artères périphériques

ces femmes que l’on rencontre sous les moustiquaires
corps volés par les rayons de la lune
j’hésite entre la poésie et la vie

comme une absence atteint les lèvres
je soutiens le regard des murs
les aurores ne tiennent plus leurs promesses
les trains filent dans la nuit, il y a de l’espace entre les gares
des kilomètres passagers / brulures des ballasts
l’oxydation des sens dessus-dessous les vertèbres
comment sortir les mots sans réduire l’espace ?
il faut tenir en laisse les soupirs des amants foudroyés
harnacher les instants propices sur les branlantes architectures
banale acuité du venin et du vertige

combien de temps pour enrouler les hanches d’une femme ?

j’étais un être humain, les mains dissidentes
les yeux voleurs d’âmes. Il y a la mémoire et les vestiges
les empreintes sur le sable ou viennent s’endormir
les femmes d’hier et celles de demain
s’échouer sous les menaces en écoutant couiner
les flutes à bec des goélands, gobelins fécondés
par la présence des phrases perplexes
la matière maintient le suspense, points asymétriques
suspendus après la virgule autonome

la serveuse me fait penser à un orage corseté
gaine noire / nuit pale fendue à la cuisse
hanches d’ivoire sur les écrans de fusain
« nos âmes sont transparentes », dis-je
quand je la regarde. Le jazz remue le rhum
avec une paille d’enfer
elle fume une cigarette, la fumée immole les contours
la nuit se meut dans les formes

la chair ou la poésie

les lumières transpercent les miroirs
on cherche à se sauver des foudres divines
la serveuse est un orage qui danse devant le feu
je fume une cigarette. On écarte les solitudes
d’un revers de la main, le piano au-dessus des clôtures électriques
le visage dans les barbelés avant la pluie
je venais pétrifier les extases, déplacer les axes
comme on révolte l’enfouissement des souvenirs
la rotondité aigue de nos âmes, dis-je
au travers des verres trop pleins d’histoires

il y a le bruit des clignotants, la nuit
sur les aires d’autoroute, les néons distinguent
les chiens des loups
j’étais un crocodile dans un océan phosphorescent
on voit à l’intérieur des forets, ou s’entredévorent les amants de l’hystérie
fumigènes des odyssées nostalgiques dans les reins
ces lieux immobiles comme des ancres lumineuses
le long des plaines désespérées

si je chantais nue pour vous, dit-elle en baillant

Il y a dans ton poème cette ambiance feutrée
comme dans ces bars éclairés en orange.

il y a des questions mais dans chaque question
au cours de ma lecture, je peux dire que j'aieu
certaines réponses qui n' appartiennent qu'à mon
imagination.

La poésie renferme bien souvent ce que le poète
a du mal à s'avouer.


" le piano au-dessus des clôtures électriques
le visage dans les barbelés "

Un peu mal quand même !!!

En ce mettant nu face à ses mots ..........  

Un crocodile océanique ! L'ami du pluvian maritime ?

wow! c'est bon ça, une belle fulgurance, élégant et décadent à souhait. surtout que l'orage gronde derrière moi. Cool.