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Comme un semblant d'ordinaire (2)
4 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Comme un semblant d'ordinaire (2)
Etre fou d’amour, je peux dire à présent que je sais ce que c’est.
Un constat inexorablement croisé aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout. Puisque tout n’est qu’affaire de sens, sensations et sentiments se mêlent parfois au désir pour noyer l’existence sous des torrents d’extase où la jouissance de l’esprit surpasse celle du corps, l’entrelace, la dépasse et la fracasse aux murs de la bienséance.
Se taper la tête contre les murs, je sais ce que ça veut dire.
Eveiller la douleur et l’entretenir, tenter le leurre des responsabilités en maîtrisant toujours le corps, en maîtrisant les coups, domptant la souffrance pour se l’approprier… Le corps qui souffre aborde le pragmatisme avec peu d’états d’âme, je me suis dynamité à maintes reprises, creusant l’espace entre une société déréglée et mon esprit malade, la maladie d’amour, je la connais.
Avec le temps disait Ferré, avec le temps bien sûr que tout s’en va, avec le temps tout va très bien puisqu’avec le temps survient la mort. On ne meurt pas d’amour, le corps seulement succombe enfin, l’amour se perd aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout. Puisque tout n’est qu’affaire d’esprit, on ne guérit jamais de ce mal-là, on devient seulement fou de vivre.
Je vivais une vie rangée, conforme aux évidences… je me laissais traîner aux rouages bien huilés des existences sans saveur. Sans me poser de questions, je le reconnais volontiers, pour simplifier le monde il est plus évident de se laisser guider, plus facile de se donner du temps, avec le temps on peut s’y faire.
Je m’y étais fait.
Conformément aux attentes du monde, j’étais toujours là où l’on m’attendait, je vivais sans désir, comme il le faut pour être heureux.
C’est ainsi que j’ai entretenu une scolarité parfaite, sans m’attarder plus que nécessaire, sans vraiment m’y faire d’attaches, tel qu’on me le demandait j’ai gravi les échelons sans histoire. Bien sûr, au fond du cœur, j’avais ma propre motivation pour cela : sortir le plus vite possible d’un univers ingrat où se lever jour après jour symbolisait l’enfer quotidien.
Toute la vie on se lève sans grande motivation, l’inventeur du réveil doit être le seul à avoir pu se passer de son invention pour le restant de ses jours. La vie n’est qu’une répétition perpétuelle des mêmes gestes, des mêmes mots, des mêmes plaisirs, du même souffle de désir ; ponctuée de douleurs elle n’en a que plus de saveur.
Je le savais par cœur, je ne m’attendais pas réellement à y échapper, mais j’ai ressenti très vite cette nécessité d’avancer pour me sortir de là. Je savais que l’enfer futur serait plus doux. Vous l’avez vécu comme moi, à bien y regarder je me suis contenté de vieillir, cherchant juste à gagner du temps, avec le temps le futur se présente, avec le temps même l’enfer s’enfuit.
Je n’ai gardé du collège qu’une capacité étonnante à ignorer les appels de la vessie, quand les seules commodités sont des préfabriqués sans toit où, sitôt enfermé, vous attirez les errants de banlieue la gueule pleine de mollards, vous finissez par vous résigner à ne plus aller pisser.
J’ai, depuis, emprunté le chemin inverse, et si dans l’intimité on m’appelle bien souvent « petite vessie », c’est vraisemblablement moins un hasard qu’une conséquence d’un probable dérèglement traumatique de ma petite personne. Petites vessies, petites personnes, nous ne sommes que des petits joueurs à nos infimes existences.
C’est à cette époque que ma misanthropie a poussé ses premiers cris, que je n’ai plus jamais su faire taire. On s’en accommode très bien, ceci dit, il suffit bien souvent de savoir fermer sa gueule.
Quant au lycée, ce ne fut qu’un désert reposant où mon gout prononcé pour la littérature s’abreuva aux mirages de l’indicible. Pour tromper mon monde, j’avais choisi une filière scientifique, la solitude du chercheur illogique fut ma compagne de voyage. Un voyage assez court, certes, d’une banlieue à une autre par des trains affables jusqu’à l’ironie, mais un voyage quand même, de ceux qui forgent la jeunesse.
J’y ai découvert le réseau parallèle superbement organisé de la résine en paquets de merde ; je vous l’accorde, en anglais ça sonne mieux, comme toujours, c’est d’ailleurs la langue de Shakespeare qui permet de nommer la chose… j’y ai découvert surtout cette nouvelle nécessité d’habiller la misanthropie de haillons. Elle grandissait, il fallait la vêtir. Mais traverser la banlieue avec le plus ridicule des objets de valeur aurait été pire que se saigner d’instinct à un lagon bourré de requins.
On apprend parfois très tôt à ne plus paraître, surtout, n’ayons l’air de rien. Les noirs désirs ne sont jamais que les échos nécessaires aux frivolités du monde.
Les mots m’accompagnaient toujours, mais je ne savais qu’en faire. Exutoire indolent des blessures de tout ordre, la littérature est une activité dont le mal se nourrit en secret. Le mot n’est jamais qu’un barreau supplémentaire, mais à l’instar de cette douleur physique nécessaire à l’enrayement de toute folie spirituelle, il est un barreau que l’on peut faire semblant de maîtriser.
Avec délectation, on n’y parvient jamais.
Mais on peut faire semblant d’y croire.
Un constat inexorablement croisé aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout. Puisque tout n’est qu’affaire de sens, sensations et sentiments se mêlent parfois au désir pour noyer l’existence sous des torrents d’extase où la jouissance de l’esprit surpasse celle du corps, l’entrelace, la dépasse et la fracasse aux murs de la bienséance.
Se taper la tête contre les murs, je sais ce que ça veut dire.
Eveiller la douleur et l’entretenir, tenter le leurre des responsabilités en maîtrisant toujours le corps, en maîtrisant les coups, domptant la souffrance pour se l’approprier… Le corps qui souffre aborde le pragmatisme avec peu d’états d’âme, je me suis dynamité à maintes reprises, creusant l’espace entre une société déréglée et mon esprit malade, la maladie d’amour, je la connais.
Avec le temps disait Ferré, avec le temps bien sûr que tout s’en va, avec le temps tout va très bien puisqu’avec le temps survient la mort. On ne meurt pas d’amour, le corps seulement succombe enfin, l’amour se perd aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout. Puisque tout n’est qu’affaire d’esprit, on ne guérit jamais de ce mal-là, on devient seulement fou de vivre.
Je vivais une vie rangée, conforme aux évidences… je me laissais traîner aux rouages bien huilés des existences sans saveur. Sans me poser de questions, je le reconnais volontiers, pour simplifier le monde il est plus évident de se laisser guider, plus facile de se donner du temps, avec le temps on peut s’y faire.
Je m’y étais fait.
Conformément aux attentes du monde, j’étais toujours là où l’on m’attendait, je vivais sans désir, comme il le faut pour être heureux.
C’est ainsi que j’ai entretenu une scolarité parfaite, sans m’attarder plus que nécessaire, sans vraiment m’y faire d’attaches, tel qu’on me le demandait j’ai gravi les échelons sans histoire. Bien sûr, au fond du cœur, j’avais ma propre motivation pour cela : sortir le plus vite possible d’un univers ingrat où se lever jour après jour symbolisait l’enfer quotidien.
Toute la vie on se lève sans grande motivation, l’inventeur du réveil doit être le seul à avoir pu se passer de son invention pour le restant de ses jours. La vie n’est qu’une répétition perpétuelle des mêmes gestes, des mêmes mots, des mêmes plaisirs, du même souffle de désir ; ponctuée de douleurs elle n’en a que plus de saveur.
Je le savais par cœur, je ne m’attendais pas réellement à y échapper, mais j’ai ressenti très vite cette nécessité d’avancer pour me sortir de là. Je savais que l’enfer futur serait plus doux. Vous l’avez vécu comme moi, à bien y regarder je me suis contenté de vieillir, cherchant juste à gagner du temps, avec le temps le futur se présente, avec le temps même l’enfer s’enfuit.
Je n’ai gardé du collège qu’une capacité étonnante à ignorer les appels de la vessie, quand les seules commodités sont des préfabriqués sans toit où, sitôt enfermé, vous attirez les errants de banlieue la gueule pleine de mollards, vous finissez par vous résigner à ne plus aller pisser.
J’ai, depuis, emprunté le chemin inverse, et si dans l’intimité on m’appelle bien souvent « petite vessie », c’est vraisemblablement moins un hasard qu’une conséquence d’un probable dérèglement traumatique de ma petite personne. Petites vessies, petites personnes, nous ne sommes que des petits joueurs à nos infimes existences.
C’est à cette époque que ma misanthropie a poussé ses premiers cris, que je n’ai plus jamais su faire taire. On s’en accommode très bien, ceci dit, il suffit bien souvent de savoir fermer sa gueule.
Quant au lycée, ce ne fut qu’un désert reposant où mon gout prononcé pour la littérature s’abreuva aux mirages de l’indicible. Pour tromper mon monde, j’avais choisi une filière scientifique, la solitude du chercheur illogique fut ma compagne de voyage. Un voyage assez court, certes, d’une banlieue à une autre par des trains affables jusqu’à l’ironie, mais un voyage quand même, de ceux qui forgent la jeunesse.
J’y ai découvert le réseau parallèle superbement organisé de la résine en paquets de merde ; je vous l’accorde, en anglais ça sonne mieux, comme toujours, c’est d’ailleurs la langue de Shakespeare qui permet de nommer la chose… j’y ai découvert surtout cette nouvelle nécessité d’habiller la misanthropie de haillons. Elle grandissait, il fallait la vêtir. Mais traverser la banlieue avec le plus ridicule des objets de valeur aurait été pire que se saigner d’instinct à un lagon bourré de requins.
On apprend parfois très tôt à ne plus paraître, surtout, n’ayons l’air de rien. Les noirs désirs ne sont jamais que les échos nécessaires aux frivolités du monde.
Les mots m’accompagnaient toujours, mais je ne savais qu’en faire. Exutoire indolent des blessures de tout ordre, la littérature est une activité dont le mal se nourrit en secret. Le mot n’est jamais qu’un barreau supplémentaire, mais à l’instar de cette douleur physique nécessaire à l’enrayement de toute folie spirituelle, il est un barreau que l’on peut faire semblant de maîtriser.
Avec délectation, on n’y parvient jamais.
Mais on peut faire semblant d’y croire.
Epiphyte- MacaDeb
- Messages : 43
Date d'inscription : 28/09/2009
Re: Comme un semblant d'ordinaire (2)
J'ai écrit, comme toi , jusqu'à un peu plus tard que 22.
Mais je ne m'y réfère jamais aujourd'hui quand le besoin se fait sentir de mettre le rétro sur avant. J'y vais de mes souvenirs réveillés par le mouvement du stylo et avec le regard d'aujourd'hui, sans doute déformé, mais capable de faire des liens, des rapprochements, des extrapolations...
Chacun sa manière. Je me retrouve bien dans ce que tu dis de notre génération.
Mais je ne m'y réfère jamais aujourd'hui quand le besoin se fait sentir de mettre le rétro sur avant. J'y vais de mes souvenirs réveillés par le mouvement du stylo et avec le regard d'aujourd'hui, sans doute déformé, mais capable de faire des liens, des rapprochements, des extrapolations...
Chacun sa manière. Je me retrouve bien dans ce que tu dis de notre génération.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme un semblant d'ordinaire (2)
je continue mon chemin dans tes souvenirs, avec plaisir ...
je vais lire la suite !
Yzaé
je vais lire la suite !
Yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme un semblant d'ordinaire (2)
Je serais incapable de me raconter ainsi...
Ton paragraphe sur l'amour me laisse un peu perplexe...doute, deraison, déchéance, se noyer,.."l’amour se perd aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout"
Dis donc, quand même, une vision plutot noire, non?
^^
Ton paragraphe sur l'amour me laisse un peu perplexe...doute, deraison, déchéance, se noyer,.."l’amour se perd aux effluves du doute, aux parfums de la déraison, et à l’odeur de la déchéance, surtout"
Dis donc, quand même, une vision plutot noire, non?
^^
_________________
LaLou
Re: Comme un semblant d'ordinaire (2)
Moi aussi je suis incapable de me raconter ainsi... c'est bien là toute la différence entre ce qu'on vit, ce dont on se souvient, et la manière qu'on peut avoir d'oser ou non le raconter.
Ma vision de l'amour n'est pas noire, c'est la manière que j'ai d'en parler ici qui l'est, ainsi, surtout, que le choix que je fais dans mes souvenirs. Je ne raconte rien de précis sur le sujet, en vérité, pas tout de suite en tout cas, j'ai juste choisi l'un des versants de la montagne pour grâvir les sommets de mes passions les plus enfouies.
C'est ce qu'on fait toujours.
Merci pour vos lectures, la suite arrive...
Ma vision de l'amour n'est pas noire, c'est la manière que j'ai d'en parler ici qui l'est, ainsi, surtout, que le choix que je fais dans mes souvenirs. Je ne raconte rien de précis sur le sujet, en vérité, pas tout de suite en tout cas, j'ai juste choisi l'un des versants de la montagne pour grâvir les sommets de mes passions les plus enfouies.
C'est ce qu'on fait toujours.
Merci pour vos lectures, la suite arrive...
Epiphyte- MacaDeb
- Messages : 43
Date d'inscription : 28/09/2009
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