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Pensées (fragment)
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Nilo
Ratoune
Zlatko
7 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Pensées (fragment)
Lorsque je fouille en moi, le premier sentiment est la déception. On m’a reproché d’être trop dur avec moi-même, on m’a vanté certains talents faciles à percevoir... Un ami me disait récemment qu’il n’aimait pas ce qui est facile. Aussi je cherche, au-delà des évidences et des aptitudes naturelles... Sur quoi suis-je capable de me forcer ?
Plus la question se pose, et plus les arguments pour me défendre semblent dérisoires. Ce n’est pas ma conscience, ce n’est pas un tribunal ; je ne suis pas ici pour me juger, mais comment faire autrement ? J’excelle dans tout ce qui m’est immédiat, voilà tout. Ce que les autres voient comme un don, je n’y vois qu’un réflexe. Leur éloge appelle mon blâme.
J’admire cette personne qui, naturellement portée par un élan, encouragée par ses impulsions, choisit la voie contraire. J’admire l’effort ; l’effort proprement surhumain de sublimer la matière brute, de hisser ce tas de chair et d’organes au-delà de ce qu’il vous propose. L’écriture et la musique sont des productions charnelles, presque triviales, issues du besoin basique de s’épancher ou d’être aimé ; et chaque jour, c’est un peu moins suffisant.
Ainsi, j’abhorre ce mythe stupide de l’accouchement artistique : c’est faux ! L’artiste fait ce qu’il sait faire. Il crée par jeu, par ennui, par suffisance. Il s’adoube en permanence et se cherche partout. Lassé de la solitude, il cherche un temps la masse, par un processus de séduction puis de dénigrement ; et comme une femme rejetée, elle s’accroche à lui et au temps où il lui faisait la cour. Quant aux rares êtres dont l’essence est effectivement la création, qui vivent par elle et meurent sans elle, dont l’âme se vide et s’éparpille au gré des muses, ils sont rares ; et ils n’ont pas d’habits de lumière.
Où est la réponse ? Dans ce temps passé à dire en vers ce que la prose ne dit pas ; dans ma recherche actuelle, par conformisme et nécessité d’être compris, de dire en prose ce qui manquerait à mes vers ; où vais-je ? Conditionné dans un espace sensible, tout est clos ; mes plaintes, mes éclats de voix, tournent dans la même sphère ; Chateaubriand avait raison, quand il parlait du renouveau de la métaphore en tant que sursis à l’inéluctable redondance. Il avait comprit que l’unicité du propos se maquille par la diversité des tournures : mais celui qui les écrit, comme le magicien pendant ses tours, connaît la supercherie. Entre ces quatre grilles, à dompter les mêmes chimères qui ne grognent plus aussi fort qu’avant ; quel ennui.
Que reste t-il, quand les idéaux ne suffisent plus ? Je ne crois pas qu’ils se perdent ; je pense qu’ils nous façonnent et, malgré notre aptitude née de l’expérience à les dissimuler, ils perdurent ; mais ils nous lassent, tout simplement. Certaines personnes ont la force de crier leurs idéaux toute une vie au nez des autres : est-ce la définition du courage, ou de la redondance ? Est-ce l’abnégation, ou la stupidité ? Est-il nécessaire d’endosser différents idéaux pour se satisfaire ? Il est possible que Rimbaud ait épuisé ses idéaux si tôt qu’il ait choisi n’importe quoi d’autre qui ne nécessite pas d’en avoir.
Que suis-je apte, bon sang, à faire sortir de cette carcasse molle ? La lenteur de ses mouvements me dégoûte ; la profusion de ses pensées m’énerve et me perd ; comment prendre le temps de vivre, dans ce marécage de pensées paresseuses ? Faut-il pour cela ouvrir les portes à la volée, se défaire du substrat sensible qui nous englue et partir au bout du monde vendre des armes ? Faut-il s’éloigner du réel, aidé par ces substances qui sont l’anesthésie des esprits torturés ? J’ai l’impression d’une omniscience ; elle irrigue mes gestes et les ralentit ; elle confère au monde une telle densité que je ploie en-dessous d’elle. Comment voulez-vous faire ne serait-ce qu’un pas ?
Z 28 05 10
Plus la question se pose, et plus les arguments pour me défendre semblent dérisoires. Ce n’est pas ma conscience, ce n’est pas un tribunal ; je ne suis pas ici pour me juger, mais comment faire autrement ? J’excelle dans tout ce qui m’est immédiat, voilà tout. Ce que les autres voient comme un don, je n’y vois qu’un réflexe. Leur éloge appelle mon blâme.
J’admire cette personne qui, naturellement portée par un élan, encouragée par ses impulsions, choisit la voie contraire. J’admire l’effort ; l’effort proprement surhumain de sublimer la matière brute, de hisser ce tas de chair et d’organes au-delà de ce qu’il vous propose. L’écriture et la musique sont des productions charnelles, presque triviales, issues du besoin basique de s’épancher ou d’être aimé ; et chaque jour, c’est un peu moins suffisant.
Ainsi, j’abhorre ce mythe stupide de l’accouchement artistique : c’est faux ! L’artiste fait ce qu’il sait faire. Il crée par jeu, par ennui, par suffisance. Il s’adoube en permanence et se cherche partout. Lassé de la solitude, il cherche un temps la masse, par un processus de séduction puis de dénigrement ; et comme une femme rejetée, elle s’accroche à lui et au temps où il lui faisait la cour. Quant aux rares êtres dont l’essence est effectivement la création, qui vivent par elle et meurent sans elle, dont l’âme se vide et s’éparpille au gré des muses, ils sont rares ; et ils n’ont pas d’habits de lumière.
Où est la réponse ? Dans ce temps passé à dire en vers ce que la prose ne dit pas ; dans ma recherche actuelle, par conformisme et nécessité d’être compris, de dire en prose ce qui manquerait à mes vers ; où vais-je ? Conditionné dans un espace sensible, tout est clos ; mes plaintes, mes éclats de voix, tournent dans la même sphère ; Chateaubriand avait raison, quand il parlait du renouveau de la métaphore en tant que sursis à l’inéluctable redondance. Il avait comprit que l’unicité du propos se maquille par la diversité des tournures : mais celui qui les écrit, comme le magicien pendant ses tours, connaît la supercherie. Entre ces quatre grilles, à dompter les mêmes chimères qui ne grognent plus aussi fort qu’avant ; quel ennui.
Que reste t-il, quand les idéaux ne suffisent plus ? Je ne crois pas qu’ils se perdent ; je pense qu’ils nous façonnent et, malgré notre aptitude née de l’expérience à les dissimuler, ils perdurent ; mais ils nous lassent, tout simplement. Certaines personnes ont la force de crier leurs idéaux toute une vie au nez des autres : est-ce la définition du courage, ou de la redondance ? Est-ce l’abnégation, ou la stupidité ? Est-il nécessaire d’endosser différents idéaux pour se satisfaire ? Il est possible que Rimbaud ait épuisé ses idéaux si tôt qu’il ait choisi n’importe quoi d’autre qui ne nécessite pas d’en avoir.
Que suis-je apte, bon sang, à faire sortir de cette carcasse molle ? La lenteur de ses mouvements me dégoûte ; la profusion de ses pensées m’énerve et me perd ; comment prendre le temps de vivre, dans ce marécage de pensées paresseuses ? Faut-il pour cela ouvrir les portes à la volée, se défaire du substrat sensible qui nous englue et partir au bout du monde vendre des armes ? Faut-il s’éloigner du réel, aidé par ces substances qui sont l’anesthésie des esprits torturés ? J’ai l’impression d’une omniscience ; elle irrigue mes gestes et les ralentit ; elle confère au monde une telle densité que je ploie en-dessous d’elle. Comment voulez-vous faire ne serait-ce qu’un pas ?
Z 28 05 10
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Pensées (fragment)
Curieux comme ce texte répond, en partie, à celui qui m'est venu cette nuit. Hormis que l'interrogation sertie de réponses trop catégoriques ne porte plus sur l'essence de " l'art" tout le reste fait écho en nos chambres.
Dernière édition par Ratoune le Sam 29 Mai - 18:50, édité 1 fois
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: Pensées (fragment)
Z. s'interroge. Et les questions se font nôtres.
Alors je tente une réponse.
Oui, il faut partir au bout du monde vendre des armes, j'en suis persuadé.
L'artiste effectivement ne fait que ce qu'il sait faire. La douleur n'est pas indispensable, elle n'est pas conditionnelle de la condition d'artiste.
L'artiste a cette faculté d'être, d'être inutile à son temps, simplement inutile pour que sa nécessaire envie de ne pas l'être le pousse au dépassement, même inconsciemment.
Peu d'êtres sont capables de ce détachement des contingences de l'immédiateté, même dans l'urgence.
Nilo, pressé.
Alors je tente une réponse.
Oui, il faut partir au bout du monde vendre des armes, j'en suis persuadé.
L'artiste effectivement ne fait que ce qu'il sait faire. La douleur n'est pas indispensable, elle n'est pas conditionnelle de la condition d'artiste.
L'artiste a cette faculté d'être, d'être inutile à son temps, simplement inutile pour que sa nécessaire envie de ne pas l'être le pousse au dépassement, même inconsciemment.
Peu d'êtres sont capables de ce détachement des contingences de l'immédiateté, même dans l'urgence.
Nilo, pressé.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Pensées (fragment)
Nous aurions aussi besoin d'un épais hublot pour observer le monde naufragé de notre cabine étanche sans nous noyer à notre tour.
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: Pensées (fragment)
les questions soulevés m'ont souvent traversés et hantés. j'arrête et c'est assez difficile de chercher une quelconque réponse comme et peut-être que ces questions creusent en silence en nous.
je ne pense pas que la littérature cherche des réponses, plutôt et plus surement des perceptives (tu en as la de belle^^)
je me suis mis en tête un phrase de Cioran qui définit plus ou moins une quête littéraire a mes yeux ou la stoppe, y répond
"on ne peut parler sérieusement que de deux choses: de Dieu ou de soi"
après il faut m'habiller avec ça
the cure "watching me fall"
ca me paralyse d'enthousiame
je ne pense pas que la littérature cherche des réponses, plutôt et plus surement des perceptives (tu en as la de belle^^)
je me suis mis en tête un phrase de Cioran qui définit plus ou moins une quête littéraire a mes yeux ou la stoppe, y répond
"on ne peut parler sérieusement que de deux choses: de Dieu ou de soi"
après il faut m'habiller avec ça
the cure "watching me fall"
ca me paralyse d'enthousiame
marc- MacadAccro
- Messages : 787
Date d'inscription : 03/09/2009
Re: Pensées (fragment)
"L'artiste a cette faculté d'être, d'être inutile à son temps, simplement inutile pour que sa nécessaire envie de ne pas l'être le pousse au dépassement, même inconsciemment"
je partage et comprends pleinement cette pensée de Nilo qui selon moi réponds en effet à certains de tes questionnements..
A quoi ça sert tout ça ? A quoi ça rime ? cela ne "rapporte " pas, n'est pas franchement "reconnu",n'a pas d'utilité au sens commun du terme, .. peut être en effet faut il aller au bout pour comprendre et admettre cette faculté la, la faire sienne pleinement et l'assumer envers et contre tout.
Hormis le fond, j'ai trouvé ton texte très touchant justement de par sa profondeur et de par son honneteté..
je partage et comprends pleinement cette pensée de Nilo qui selon moi réponds en effet à certains de tes questionnements..
A quoi ça sert tout ça ? A quoi ça rime ? cela ne "rapporte " pas, n'est pas franchement "reconnu",n'a pas d'utilité au sens commun du terme, .. peut être en effet faut il aller au bout pour comprendre et admettre cette faculté la, la faire sienne pleinement et l'assumer envers et contre tout.
Hormis le fond, j'ai trouvé ton texte très touchant justement de par sa profondeur et de par son honneteté..
_________________
LaLou
Re: Pensées (fragment)
Gros merci à Lalou et aux autres. J'aurai peut-être un autre élément de réponse, Marc : les textes sont autant de morceaux d'un puzzle qui, s'ils paraissent insignifiants de prime abord, ont un message et une unité "après", par rétrospective. L'accumulation de questions serait en soi une réponse !
Z.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Pensées (fragment)
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Dixième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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