Tous les silences du monde

Elle me donne à boire
tous les silences du monde
moi, je la regarde petit
avec mes misères de travers
et ma gueule élastique
je compte les nuages
qui embrassent le cœur
et lui dis, mur mourant
je t'aimais, tu sais

Elle connait le nom des orages
et des tempêtes nocturnes
elle parle le langage
des linceuls parfumés
moi, je récite des vers
sans en saisir la chair
je parle pour effrayer le silence
ses lèvres closes
et ses seins de colère
me rappellent ces histoires
qui n'ont de sens
que dans les rêves d'enfance

Elle mime la course du vent
et les branches claquant dans le froid
ces horizons qui n'ont l'air de rien
moi, dans ses yeux, je vois tout
décelant là, les sanglots masqués
là, les mirages auxquels
nul ne peut plus croire
moi, je la crois, capable de tout
capable d'aimer sans oser en parler
cette façon de taire
de peur d'en dire trop

Elle efface les plaintes
et les cris du cauchemar
elle rapièce les cœurs détruits
avec des pièces de tissus
aussi fines que l'air
moi, je saigne partout
je me remise dans des coffres à jouets
espérant que ces bras
m'enveloppent la nuit
je me berce des hypnoses
d'oublier ce que mourir veut dire

Elle m'écrit des mots reptiles
des mots sans queue ni tête
moi, je sais que ce ne sont
que des serpents à sornettes
des comptines d'un soir
qui brisent le silex
de nos lenteurs d'infirme
moi, je saisis l'infini
pour en tresser des sérénades
de ces nuits où l'absence
se mesure en révoltes
buvant à me fendre
des contes menteurs

Elle était là pour ceux
qui voyaient en elle
autre chose que la mort
autre chose que la peur
ces destinations manucurées
dans le sein de l'espoir

"Elle m'écrit des mots reptiles
des mots sans queue ni tête
moi, je sais que ce ne sont
que des serpents à sornettes"


J'ai aimé la musicalité de ces vers

...et le reste aussi !

H.

Ce n'est pas dans ce genre là que j'accroche chez toi...Mais il faut dire que le sentiment est très fort et qu'il y a comme une recherche de réconfort perdu.

Ta plume possède plusieurs facettes qui sont surprenantes et toujours bien manipulées.

Ce texte serait , à mon avis, facile à mettre en musique vu le rythme présent jusqu'au bout.

Des images bien choisies cependant.

Sylvie

Comme quoi ! moi c'est comme ça que je te préfère !

J'y ai trouvé une puissante tendresse sur chacun des mots posés.

Alors moi, c'est la première fois que je te lis : j'y ressens comme un parfum d'enfance. J'y ressens aussi un amour-connivence avec "elle".

Ah que oui !
Moi aussi c'est un registre dans lequel j'aime particulièrement te lire. Et qui te va bien, même si parfois tu tentes de t'en défendre.

Sincèrement, c'est un beau texte.

Nilo, elle aussi.