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La femme et la mer

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La femme et la mer Empty La femme et la mer

Message  Dam Mar 5 Oct - 19:10

La femme et la mer.

La patience est le nerf de la vie. L'été était passé, et les marinades avaient effacé dans la fureur les derniers faux pas des touristes - faut pas jouer avec ça ! seul le chasseur avait encore droit au spectacle grandiose et à l'espoir d'une accalmie pour accompagner les poissons dans une danse funèbre dont lui seul avait le secret. Même lui, il devrait attendre une accalmie, couché sur le sable, fiévreux de sa propre impuissance et de sa suffisance liquide soumission. Il se laissera aller à fixer la belle derrière l'ovale de grille, assise à contempler le large et maudire ses chaines, son mari qui la regardait d'un sale œil depuis la terrasse balayée par les vents salés. L'opportunité d'une fuite bien sentie, obsédante comme celle du chasseur d'aller chasser, était le rêve, la seule force indicible du rêve, invincible - la preuve qu'elle vivait encore, que l'espoir demeurait. Mais pas du côté souhaité par l'homme qui pleurnichait à l'étage, bien sûr, mais du côté sauvage des origines de la vie. Telle était la misère et le malheur au sens véritable, en cette journée voilée et fraiche d'octobre. Les vagues se calmeraient dans la nuit, et la vie reprendrait ses droits, l'homme rachèterait ses droits, et tout rentrera dans l'ordre... L'expérience grillagée que la femme avait vécue, sous le regard envoutant du chasseur solitaire, lui donnerait des droits nouveaux le jour venu : celui, par exemple, de ne pas se priver. Maudite ferraille cadenassée ! Maudites lois des hommes, maudites cartes sans âme, maudite mémoire assassine, suffisance - les vagues obéissent au vent et l'esprit... Comme elle aurait voulu se soulever pour aller mourir aux pieds du chasseur. Elle aurait été sa vague libératrice. Et comme elle aurait joui, au fond d'elle, de faire d'une pierre deux coups.

Broyer les chaines de sa destinée terrestre, humaine, pour épouser, l'espace d'un instant, la force tranquille du chasseur, la dignité suprême ; quand elle songe à son petit mari, devinant ses yeux mouillés fixés sur elle, ses artères nouées et son esprit vide. Elle n'aura fait que du mal en se privant du plaisir, le plaisir de se laisser aller, de goutter le sel, croquer le fruit salé, défendu et maudit. C'est que le chasseur n'est pas homme ni femme ni Dieu ni rien de tout ce qu'on connait ici bas : il est la preuve vivante de l'insouciance et de la liberté chérie.

Rageuse et soucieuse comme le temps, soufflant plus que d'impatience, sa haine, sa vindicte sur le monde...
Assise derrière la grille, derrière des lunettes rondes d'aveugle, elle fuit un calvaire pour en épouser un autre, qu'elle espère être à la hauteur de ses folles envies, et elle ne se trompe guère. Sa conscience, plus que ses yeux, s'est posée sur moi, le chasseur en sommeil, s'est calée sur mon âme, une fréquence de secours pour un sauvetage inespéré ; elle est restée là pendant une heure, prisonnière, jusqu'à mon départ derrière les rochers ; j'ai quitté ma plage d'ombre et froide et triste, pour trouver un peu de chaleur au soleil. Elle n'a pas pu aller bien loin, elle, faire autre chose qu'une marche arrière. Avait-elle laissé échapper l'âme sœur en la personne du chasseur ? C'était bien la meilleur fin pour cette séquence de rêve ; elle reviendrait chaque jour, à la mie journée, voir à travers la grille son chasseur, son prince, son sauveur. Elle y penserait tout le temps, partout, en sachant malgré tout, mais avec fierté, que la mer l'avait épousé. Et, en silence, elle espérait que, tout comme elle, il s'en sortirait toujours. Toujours plus libre et toujours plus digne.

*

De retour sur son rocher du côté sauvage des digues, avec le retour du beau temps, il pensait en chasseur, ce qui lui donnait une force insoupçonnée ; sa silhouette était déjà imposante, sans être pour autant une montagne de muscles, mais il savait que même un monsieur muscle aurait succombé d'une façon ou d'une autre à cet élément hostile qu'est la mer ; aspiré par elle, car fallait être inspiré par elle, son ôte quoi. Pas de concours ici, ni de trophée en vue à ajouter à la collection du salon, non. La bataille était d'un ordre différent, inconnu du petit publique, connue seulement des Dieux. La moindre erreur pouvait couter plus cher qu'une balle perdue en plein cœur - plus que la vie - et il le savait trop bien. Ça l'excitait dans la peur, ça le sauverait dans la vie des hommes. Voilà ce qu'il fallait connaitre pour mériter la vie. Et il savait que l'homme était damné, en perdition finition (à quelques exceptions prés qui passaient inaperçues). Cela le rendait furieux avant l'effort et triste après, au sortir de l'eau, parce qu'il n'y avait pas le réconfort escompté, mérité, légitime. Son action n'apportait rien de «matériel», de concret au monde sordide, et c'était bien le moindre mal qu'il fut ignoré, négligé ; il se laisserait aller après sa victoire pour goutter aux plaisirs d'une vie, d'une seule vie. Il passerait en revue les sept pêchers Capitaux en gardant toujours une place pour la vertu suprême...
Assez déconné ! Tu ne peux plus te battre contre ça, parce que ton père se battait déjà : tu as épousé l'ennemi sans le savoir, tu es mal barré. Pas grave si tu crèves, car tu es déjà mort. Un moindre mal et la moindre des choses. Tu n'avais qu'à te rendre compte, ne pas jouer au con, ne pas défier Dame nature, ne pas bluffer Dieu, ne pas vivre pour rien. C'est dans les actes qu'on reconnait ses erreurs. Assez déconné !

À qui tu parles ? Pauvre con, tu ne crois pas que j'essaie de te réveiller ? Reste couché, tu ne fais d'ombre qu'à toi même, c'est parfait.

Le mal est fait à cause de toi. Tu portes la poisse, conduis l'humanité aux portes de l'enfer. Tu es l'avion qui se scratche sur la piste mouillée, amerri dans l'océan. Tu es la poubelle piégée qui saute au passage de la poussette, la bombe dans le landau, le pétard mouillé à l'Assemblée... La ruine du monde à toi tout seul.

Les regrets que tu peux exprimer maintenant n'ont aucun poids face à la honte que tu fais briller. Tu n'es qu'une ombre planante silencieuse. Je te conseille de ne jamais te retrouver sur mon chemin ; si je t'invite chez moi, c'est pour te tuer.

Femme, qui me regarde partir à l'aventure, avec fierté et envie, tu ne sais pas quel ennuie te guette ; tu peux sentir que quelque chose t'échappe, tu ne le supportes déjà pas, parce que tu n'as pas renoncé déjà à la vie. Tu sais que ça n'est pas bien mais, surprise, tu y trouves l'espoir, un nouvel espoir pour le monde. Tu sais que le monde à ta suite est foutu mais, Ô grandeur, le chasseur solitaire te redonne espoir ; devant toi, la mer en furie, aurait rejeté ton âme comme un vulgaire paquet d'algues mais, Ô miracle, c'est un homme qui s'est levé des rouleaux, dressé sur un lit d'éponges...

*

Aucune preuve de création, seulement une impression de renouveau, un véritable espoir de renaissance pour l'humanité. Voilà qui fait du bien de pouvoir rêver... Et pourtant on est en paix, bientôt unis par les mots et les lois dans le même caca glacé : pas étonnant qu'on se laisse aller à rêver, à regarder ailleurs, et quand le rêve se fait jour et réalité, on l'épouse comme le premier venu sur son cheval de course, on veut le porter en triomphe, le retenir à tout prix avant qu'il s'échappe et ne succombe à sa Souveraine ; on a peur pour lui et si cela n'est pas de l'amour, alors même cette notion d'amour reste à inventer ! Triste constat et lueur d'espoir... passagère. Mais je te demande à toi : pourquoi moi ? Pourquoi ce ne serait pas toi. Parce que je suis une femme et que je donne la vie ; j'en fais déjà bien assez pour vouloir laisser à d'autres le droit de sauver le monde. Je crée le monde, toi tu le sauveras. Et tout rentrera dans l'ordre. La mémoire des hommes est le rempart comme une montagne à l'évolution. On craint de tout perdre dès lors qu'on a déjà si peu, on redoute de devoir renoncer si ça n'est pas en masse, un mouvement de masse - et cette mentalité conduit au pire, à l'achèvement en masse des masses paralysées incroyantes.
Elle conduit l'homme à une impasse.
Et pourtant il faudra bien repartir sur de nouvelles bases. Un jour...

Un jour il faudra briller avec autre chose que de l'argent.



Dam.
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La femme et la mer Empty Re: La femme et la mer

Message  Sylvie Jeu 7 Oct - 5:03

L'expérience grillagée que la femme avait vécue, sous le regard envoutant du chasseur solitaire, lui donnerait des droits nouveaux le jour venu : celui, par exemple, de ne pas se priver. Maudite ferraille cadenassée ! Maudites lois des hommes, maudites cartes sans âme, maudite mémoire assassine, suffisance - les vagues obéissent au vent et l'esprit...

J'ai plusieurs fois lu, relu cette histoire et je ne pouvais pas, à chaque lecture, m'empêcher de penser à ce qui est parfois inaccessible et qui s'appelle "le rêve"

Plusieurs images m'ont entrainée dans une sorte d'illusion perdue mais qui fait du bien...

Les chaines que nous avons aux pieds ne sont que les nôtres juste par principe et de les briser devient un jeu d'enfant si on s'accorde un droit qui semble être un défi difficile à maitriser...et pourtant!

J'ai envie de penser que même le droit de vivre devient un obstacle au point que la destruction parait être la seule issue possible pour échapper à ces prisons invisibles.

Je relirais encore afin de bien me situer au coeur de cet écrit.

Merci dam

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La femme et la mer Empty Re: La femme et la mer

Message  Lalou Jeu 7 Oct - 7:20

Beau texte Dam.
Vu de loin on ne voit rien?
Non, on voit même beaucoup mieux, beaucoup plus clairement les choses .

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