Le plus beau film du monde. (Movelle)

Le plus beau film du monde. (Movelle)


Dédé: Salut les gonzesses. C'est Dédé.

Le plus beau film du monde

Laurent Jullier, dans son infinie sagesse, a réussi à éclairer notre lanterne de pauvres ignares congénitaux dans son merveilleux livre : "qu’est-ce qu’un bon film ?".
Jusqu’alors, quand je regardais un film et que je sentais que j’avais passé un bon moment ne sachant pas pourquoi, j’errais des heures dans mon immense salon second empire hérité de Papy grâce à son rôle douteux dans la seconde guerre mondiale (je lui dois aussi un abonnement à vie à l’opéra). Je contemplais mollement le tableau au-dessus de la cheminée et là encore je me demandais ce que je pouvais bien trouver à cette walkyrie qui tenait dans sa main la tête de Jaurès décapitée.

Je me suis alors rendu compte que je n’avais aucun goût artistique et qu’il fallait que je m’y mette sérieusement surtout si je voulais continuer ma brillante carrière de movelliste et chronicleur. Je vais donc vous raconter :


L’histoire terrible de l’Ours en peluche ténébreux et super bien gaulé qui se choisit son film préféré.

Tout commence une matinée de printemps ensoleillé. C’était un 4 Juillet je crois… donc en été, ce qui prouve une fois encore que je me suis bourré la gueule hier soir. Je recommence.

C’était une merveilleuse matinée d’été, Paris se vidait peu à peu au fur et à mesure que les congés payés allaient promener leur cholestérol le long de la promenade des Anglais après 15h de bouchon sur la N6. Je me délectais de les imaginer rougis et inutiles allongés sur des plages tristes avec les enfants qui braillent (ça veut pas dire qu’ils sont aveugles) et des seins tout flapis qui bronzent. Je sortais d’un séminaire très enrichissant sur le thème : "Les nichons, de la Grèce présocratique à nos jours". Je conversais alors avec mon papy sur l’influence de la bretelle à armature sur la géopolitique internationale. Je ne sais plus vraiment comment on est arrivé à parler cinéma, mais il paraît que sa meilleure définition c’est : ce dont on parle quand on a fini le sujet des femmes et de la politique, c’est Jean-Luc Godard qui a dit ça (un type épatant qui a réalisé une belle carrière malgré un chromosome en trop). Bref, toujours est-il qu’il m’a demandé quel était mon film préféré. J’ai donc répondu : "et bah et bah (il fallait vite que je trouve quelque chose, n’importe quoi pour ne pas décevoir papy) euh la Soupe aux choux". Je partais précipitamment pour ne pas avoir à argumenter prétextant un rendez-vous avec une gonzesse.

Ma honte était grosse, rouge et très dure ! Je la soulageais avec Cynthia une danseuse nue d’une souplesse hallucinante. Après avoir réalisé quelques figures de gymnastique, notamment la célèbre brouette japonaise, je courais vite à la bibliothèque pour me renseigner sur comment dire qu’on a aimé un film et pourquoi. C’est donc dans ces circonstances douteuses que j’ai lu "Qu’est-ce qu’un bon film ?".

Je vais vous dire, c’est vraiment compliqué de dire pourquoi on aime un film. Il y a tellement de chose qui peuvent impacter son jugement, la mise en scène, l’émotion, l’imagination, le jeu d’acteur.... J’adore ce mot "impacté" je l’ai entendu dans un bar After-Work avec un graphiste en costard-cravate qui m’expliquait a quel point il était content de son robot mixeur. Il me racontait en long en large et en travers ses caractéristiques techniques, son coût peu élevé et le bienfait de la cuisine bio qu’il allait pouvoir concocter grâce à son bel outil. A un moment, il a même dit : "j’aurai dû en acheter 2". C’est à ce moment que j’ai balancé le bouquin en me disant : "bon sang mais c’est bien sûr !" Il fallait que devant papy je défende ce film comme lui a défendu son Robot Mixeur. De toute façon, j’avais lu dans le livre cette phrase de Picasso (un peintre pour enfant) : "l’œuvre d’art n’existe que dans l’œil du spectateur". ça veut dire qu’on s’en fout, en matière d’art on peut dire n’importe quoi.

Je revis Papy pas longtemps après, et je lui dis :

"Tu sais quand je parlais de la soupe au choux c’était pas des conneries. Il faut quand même avoir une sacrée imagination pour écrire un scénario pareil. Grâce à une soupe aux choux, des types se mettent à péter et ça fait venir des extraterrestres. Je pense que ce film représente à merveille l’esprit français. Ce moment suspendu de convivialité quand De funès partage la soupe aux choux avec l’extraterrestre et qu’ils se mettent à péter de concert c’est tout simplement vertigineux.
De la même façon, j’aime l’impassibilité du jeu de Steven Seagal dans "Piège à grande vitesse". J’y vois tout simplement une sévère critique des religions occidentales. C’est la sérénité du bouddhisme face à un monde en perpétuel mouvement. Comme le centre immobile d’un monde qui bascule dans une fuite en avant."

Finalement c’est pas compliqué les goûts artistiques, il suffit de dire n’importe quoi pourvu qu’il y ait des formes. C’est pas ce que tu dis qui est important c’est juste la façon de le dire. Tu pourrais défendre n’importe quoi. Même les poèmes adolescents. Il suffit par exemple de dire : "bouleversant de sincérité".

En tout cas, les goûts artistiques j’arrête, c’est de l’arnaque. On peut dire n’importe quoi donc rien n’a de valeur. Je continue de me foutre de la gueule des gens c’est mieux.
Enfin pour Jean-Jacques Rousseau et Marguerite Duras, là on peut dire que c’est "objectivement" de la merde.


Ciao les gonzesses, c'était Dédé.