Lettre à tous les Rognon du monde à tête d’œuf

Monsieur Rognon,

Tu sais comme j’aurais voulu apprécier tes qualités de principal du collège de la mort, mais comme dit maman qui est couchée depuis que les voisins du dessus ont fait péter « la moule » trois fois cette nuit, et qu’elle est restée comme une vieille frite froide sur le bord de l’assiette à entendre « oui, oui, ah,ah,oui,oh, oh, oui » perso j’étais morte de rire tellement ça valsait au plafond de leur sol sur nos têtes, maman disais-je, dit toujours quand elle parle de ses patrons « bande de… ». Et ça me ramène au paquebot que tu pilotes à vue dans le brouillard des contraintes, des hasards et des intérêts de ton personnel. Tu n’es pas…en bande, mais tout seul.
Et tu n’es pas le patron de maman mais le mien. Il paraît que tu as le droit de vie et de mort sur les élèves, les femmes de ménage, les profs, les secrétaires et les cuisiniers de l’infâme cantoche. Il paraît aussi que tu es relié directement au cabinet du rectum et du ministre des farces scolaires. Yoyo, ma copine de quartier karchère, elle n’arrête pas de dire que tu peux nous renvoyer si on lève les yeux sur toi.
Je ne la crois pas, d’autant que tu n’es pas assez canon.
Un peu vieux, un peu moche.
Et pis du bidon sur la braguette.
Des doigts tout pourris de travers, des dents jaunes et des fringues à décourager un putois.
En plus ta voix elle est à effacer du disque dur.
Vraiment.
Anaïs Broncolis, la fille du premier rang, affirme que tu peux convoquer nos parents par texto en T9, et que s’ils ne viennent pas tu leur fais rendre les allocs.
Pétée de rire.
A qui veux-tu qu’on les rende tes sous ? Y sont bouffés le 6 du mois.
La dernière fois que tu m’as convoquée dans ton bureau noir, à cause des boules puantes en anglais, tu m’as faite asseoir et tu m’as déclaré devant le CPE figé :
- Mlle Zette cela ne peut plus durer, il faudra changer de comportement ou sinon…
J’ai remarqué que tu ne quittais pas ton écran des yeux, j’ai même cru que tu m’avais vue sur Macadam entrain de te tirer la langue, mais non, tu parlais dans les pixels.
Fesse de lune (surnom du CPE) hochait la tête :
- Monsieur Rognon a raison Zette, il faudra changer de comportement ou sinon…
Tu vois, je ne vous aime pas, je voudrais vous détester pour votre bêtise quotidienne, mais je n’y arrive pas, parce que le rire du dedans m’empêche de couler avec vous.
Quand tu décrètes à la rentrée que les filles ne porteront pas de claquettes, que les garçons auront les cheveux courts, que nous devrons être exemplaires aux examens sinon ta prime saute, et tout ce laïus qui dure, dure, dure sous le soleil de septembre.
Quand je vois ton équipe derrière toi qui papote, ricane, nous épie, commente, hausse les épaules, j’ai envie de rester assise dans l’herbe à sucer une coccinelle.
Je voudrais rire plus fort encore de tes défauts de navigation qui vont nous envoyer dans les 50 rugissants, de tes ordres et contre ordres, de notre solitude aux chiottes entre midi et deux, quand la culotte baissée sur nos chevilles nous nous pissons dans les sandales d’ennui et de petite trouille au cul.
Les copains écopent cette barcasse sans hussards.
Les copains y zaiment travailler pour la nation. Y veulent une place sur la serviette de plage.
Pour ça j’en connais qu’y sont prêts à mordre leur tombe.
Rouler dans la parole donnée et reprise au poker menteur.
Moi, je me hisse sur la pointe des pieds pour voir dans la glace la sale gueule de maman, qui tous les jours se pince les joues d’avoir été si lâche, de ne jamais avoir porté ses rêves dans du papier cadeau pour se les offrir une bonne fois pour toutes.
Maman est amère sans le charme de l’amande.
Joker pour ne pas cracher comme elle.
Je voudrais me rouler dans le rire quand je sais que tu n’es pas seul à être une bande de…que c’est la fonction qui créée l’organe de ta douce incompétence. Ce n’est pas de ta faute tu as le poste de ton envergure, tout le temps je vois dans les reportages que les pigeons rasent motte.
Je sais aussi que tu te rinces la bouche avec la « pédagogie, l’ambition 2015, les portes ouvertes à notre jeunesse, l’espoir futur, la personnalisation des parcours individualisés, les diplômes et les passages en supérieur, les notes, les notes, les… »
Crotte Rognon, et recrotte de bique.
Quand je serai grande je vivrai avec Maupassant et Flaubert.
Même s’ils ne veulent pas de moi.
M’en fiche.
La mort autorise tous les vols d’esprit.
Soyez tranquilles, Rognon du monde à tête d'oeuf, je ne viendrai jamais piller vos sépultures.

J'aime énormément ce petit bout de sale gosse, excitée et tendre.
Et rien que pour ça

'j’ai envie de rester assise dans l’herbe à sucer une coccinelle'

on pourrait dire que c'est de la poésie.

Z.

T'as bien raison de t'en fiche, petite Zette. Ceux qui veulent une place sur la serviette de plage, ils n'ont qu'à rester entre eux, avec du sable entre les miches.

Oh putain, Zette est en colère et elle le dit bien.
C'est plein de perles de bon sens, de bons mots, de belles tournures, de mauvais sentiments tellement beaux qu'on a envie d'en être.
Je cite, au hasard
Maman est amère sans le charme de l’amande.
et cette merveille de poésie déjà relevée par Z.
j’ai envie de rester assise dans l’herbe à sucer une coccinelle.
Enfin bref, lire Zette c'est du bonheur en barre. et j'en mettrais bien quelques unes à l'abri d'un coffre dans la banque du bonheur pour les mauvais jours des lendemains qui vont déchanter.

Nilo, j'en parle à Dédé.

Oh putain Zette, Papy vient juste de m'dire (y m'a laissé un SMS le con) que t'avais écrit à ton dirlo alors tu penses bien que j'ai laissé mes potes au bistro pour m'précipiter ici.
Whaou ! A nous deux j'suis sûr qu'on pourrait r'mettre de l'ordre dans l'Educ' Nat en deux temps trois mouvements (d'habitude j'suis plus rapide que ça mais là faut bien r'connaître qu'y a du boulot), surtout que Papy et ta M'man y pourraient nous briefer un peu sur c'qui va pas dans la mauvaise graisse du mammouth (même si j'suis pas certain qu'y s'ront forcément d'accord sur tout mais on s'en tape, on f'ra bien comme on voudra avec c'qu'y nous diront) et après on propos'ra un bon régime avec ses impondérables...

Zette, j't'adore.

Dédé.

D'accord pour le régime Rognon dans les braises...