Dave Brubeck est mort

Dave Brubeck est mort
et, dehors, la neige prend froid

Je sais bien que personne ne m'attends
que je pourrais continuer ainsi
sans baisser les bras, sans que personne
ne vienne me dire : regarde la neige tomber
écoute le silence que laisse un piano vide

C'était hier, ou alors l'hiver précédent
quand les saisons se chevauchent
s'emmêlent comme un tas de ressentiments
tirant le corps vers l'arrière, déposant
sur le bas-côté les restes d'un corps cassé

C'était la veille de la veille
l'à-venir des futurs qui dégringolent des orchestres
pour se poser en vieillard
sur le bord d'une route, le dos calé
contre une pompe à essence
à regarder les enfants qui n'existent pas

Je mimais des gestes de survie
je bougeais dans tous les sens
pour ne pas me laisser engloutir par la folie
ne pas donner à la solitude la possibilité
de faire de moi ce qu'elle veut

Dans mon sommeil, j'écrivais d'hypothétiques poèmes
sûr de posséder les clés du Dernier Chemin
sûr que là-bas, on attendrait ma venue
comme une sorte de salut
et puis, je me suis réveillé, vaguement translucide
coincé entre la vérité et la perdition
les morts roulaient dans ma tête
comme des cailloux lisses et ronds

Dave Brubeck est mort
et je crois bien que tout le monde s'en fout

Je te connais depuis des annees maintenant ( enfin ton ecriture ) et je me dis toujours la chose suivante : "pourquoi n'ecrit-il plutot pas de la prose?"

J'y ai pensé. J'ai essayé.
Mais je suis toujours retourné à la poésie

Celui-ci m'a parlé de bout en bout. J'ai l'habitude d'apprécier tes textes habituels sans pouvoir en ouvrir tous les tiroirs, mais celui-ci j'ai pu (et j'aurais bien aimé l'écrire).

'pour se poser en vieillard
sur le bord d'une route, le dos calé
contre une pompe à essence
à regarder les enfants qui n'existent pas'

Z.

Il y a tellement de choses dans ce poème que j'aurais aimé écrire.

Ben voilà, je vais, puisque c'est ainsi, le lire.

J'ai lu, j'ai apprécié et comme souvent je relirai tes mots
pour pouvoir un peu les copier.

"Zan veux-tu, zan voilà "

Gone with the wind.

D'abord facile ce texte finit aux confins de ce qu'on voit avec les yeux des anges.
Tu sais que j'aime te lire dans tes approches du jazz dont tu t'approches assez pour leur brûler les ailes (aux anges).

Nilo, take five.

Prose ou pas, ce poème chante la désillusion et la perte avec grâce. On note ici l'évocation d'un fait...le poème se lit comme une dépêche...Article de journal, piano noir et blanc, hommage ultra-esthétique.