Marche au rivage.

Et lorsqu’il s’éveilla au matin, il avait
Le dos noueux – la voix qui brassait la rocaille
Il se tenait assis sur un sable bien frais,
D’où luisaient par endroits des éclats de ferraille

Une mer de Juillet convulsait endormie,
Épuisée par la nuit d’orage – et toute l’aube
Se diluait en bruns, en bleus fanés, en gris
A l’heure où les passants sont des ombres qui rôdent.

Il était brun. Le sel durcissait sa tignasse ;
Autour de lui, trois corps ignoraient son réveil
Et pour n’être pas pris au poids mort de ces masses
Il fila – au rivage, et suivant le soleil.

La plage décrivait une courbe passive,
Qu’à chaque flux la mer semblait dessiner mieux
Sur le sable au reflux, des bouches primitives
S’ouvraient en appelant une autre vague – au creux

Des galets, du limon, l’océan déchargeait
Rageur, tout ses débris marins de carnaval ;
Tout au bout du croissant une presqu’île avait
Des airs de vieille dame au réveil, toute pâle.

Il avait les échos d’une nuit de bohème,
Autour d’un vin bâtard qui vous gonflait le crâne
Et qui, la voix brisée, faisait chanter quand même
Les derniers habitants de cette lande plane ;

La course ; les échos des râles et des rires
Lorsque les corps chutaient comme des roches flasques
Et sur le sol, fumants, regardaient sans rien dire
La foudre cisailler la nuit dans les bourrasques.

Vrai, le sol était doux, et la houle vivante
Il songeait en riant à ces corps qu’il laissait
Derrière lui ; égaux, dans leur torpeur absente
Au premier galet gris et glabre qu’il croisait

Au pied de la presqu’île enfin, se précisèrent
Quelques maisons de bois, un hôtel sous ses arches ;
A l’ombre des sapins, les pieds nus dans la terre,
Il repartit. La mort ignore ceux qui marchent.



Z 26 07 14

Un poème bien en cadence avec ses douze pieds et j'aime beaucoup les coupures
de phrases qui donnent un + à ton texte.

- J'ai quand même envie de dire juste une petite chose :
( sachant que ça n'est que mon avis sincère et non histoire de critiquer, )


- " Il se tenait assis sur un sable bien frais,"

Je trouve que la fin de ce vers, comparé à la recherche
des autres vers, me parait trop banale et du coup
j'ai trouvé que la rime devenait trop  "téléphonée"

J'aime vraiment l'ensemble qui, lèche les vagues
et la chute m'a fait penser à la marée basse.

Un portrait saisissant.

Un court métrage saisissant de beauté...!

Chantal

Un régal...du grand !

"La plage décrivait une courbe passive,
Qu’à chaque flux la mer semblait dessiner mieux
Sur le sable au reflux, des bouches primitives
S’ouvraient en appelant une autre vague – au creux"

J'ai reçu ce texte tel un uppercut, ça remue tant les ingrédients sont digestes, d'un goût laissant celui des mots machés avec délectation. Chapeau gus, j'avais souvenir de ton nom sur un site ancien ? Je reviendrais flaner plus tard en ta compagnie.