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La mer et les amis perdus
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Dam
sasvata
Messaline
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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La mer et les amis perdus
J’ai perdu mes amis comme on perd la face, comme on perd une partie de poker. Comme on perd ses mots, la mémoire, le nord, j’ai perdu mes amis dans un couloir fatal, au carrefour périphérique de l’ennui. Dans une gorgée de bière. Ils m’ont sourit un jour pour un adieu à travers les embruns de leur corps chaviré.
Depuis…
Je ne compte plus les jours où, sans nouvelle de vous, j’ai bu l’eau et le vin de tous les verres, la liqueur des bouteilles et la rosée des vitres, au café avec vue sur la mer où je notais nos rendez-vous sur un papier froissé.
Depuis…
Les immondices s’amoncellent devant la porte de mes yeux. La gare, le café, le tribunal et le théâtre crachent des torrents d’étranges étrangers, des mâles, des pucelles et des chiens.
Mais nulle trace de vous.
Croyant vous reconnaître chaque fois que passe un passant je marche dans ses pas qui, quelquefois, m’entraînent vers de sombres impasses où croassent des corbeaux.
Il paraît que, passé le vague terrain de nos idées reçues, on peut voir la mer fracassant ses wagons de vagues sur les vagues wagons qui vous emportèrent loin d’ici.
Depuis…
Chaque jour je trépasse à vous attendre en vain.
Chaque fois que j’entends la mer, je vous espère. Je suis ma propre et trace, de terrasse en terrasse, de comptoir en parloir de prison, d’où vous vous êtes échappés la veille, toujours la veille, mon espace. Chaque jour passe et vous efface.
Chaque jour a des formes de poisson sans tête, d’atmosphère usée, des odeurs de marée. L’insecte bourdonnant de la rue se tait, la lumière se défait, les grues sont autant d’oiseaux de métal figés dans la pénombre. Je suis du nombre.
Chaque jour détale, je ne m’installe jamais.
L’ombre s’étale.
La sueur des rigoles. Votre absence.
Le martèlement de mes talons sur le trottoir. Le silence.
La main épaisse des saisons dans ma mémoire, broyant à petit bruit le souvenir de vous.
Chaque jour décolle le papier des flaques sèches et fait à mon âme des masques de géant. La racine de la cité soulève de la terre mes rancunes enfouies. Je vous oublie.
Chaque jour est un animal percé par le vent.
Un animal traqué. Un buveur de brume, un bourreau tendre et cruel aux mains serrant des seins de fille dans la chaleur broyée d’un été.
Chaque jour…
Comme une araignée sème son fil doré, je vous aime autant que vous m’avez oubliée.
Chaque jour
S’éteint dans un sanglot aigre comme une porte en bois. La lumière joue les dernières douleurs de son vieux clavecin
Et je vous cherche encore.
La bouche ouverte de l’estuaire respire l’air de tous les siècles.
Elle claque de ses gestes perforés.
Elle m’invite.
Elle m’oblige.
Ses soubresauts.
Ses faux silences.
Ses sommeils juxtaposés, et son ventre vide de pluie.
Chaque jour s’allonge
La ville songe.
L’hirondelle ronge les morceaux de son ciel.
Le sol éponge.
Je plonge dans un verre d’eau de mer l’amertume d’un sanglot soudain. Je me souviens de vous.
Chaque jour a des formes de paysage éventré.
Il scintille
Je vacille.
Ses pages déchirées
Sa peau.
Son grand lit de draps blancs.
Mon rêve de ciment.
Le risque entier de mourir.
Il paraît que, passé le vague terrain de nos idées reçues, on peut voir ses amis en allés vous faire signe de la main.
Alors j’ai marché
Longtemps
Traversant des vides et des riens, des marécages et des forêts de roseaux, j’ai vu sur mon passage bien des tombeaux, j’ai couru, enjambant des noyés
Des englués
Des embourbés
Ne sachant pas que vous étiez de ceux-là.
Seule, sale, épuisée, je me suis laissée choir. La mer était là, celle que j’entends partout, à chaque carrefour, depuis toujours, au détour d’un matin, dans le liquide d’un regard.
La mer est là. Je peux mourir ou vivre, c’est selon.
Soudain j’aperçois quelque chose, alors que je n’attends plus rien…
... Est-ce un bateau ? Il me semble distinguer une tache blanche, laiteuse, à l’horizon d’un noir d’encre. Je la vois onduler légèrement, comme le ferait une voile exquise agitée par la brise. Alors j’imagine la coque, invisible dans cette obscurité. Seule la lune voudrait éclairer cet esquif, d’une fragilité insoutenable et rétif.
D’où vient-il ?
Va-t-il rentrer au port ?
On dirait qu’il ne sait quelle direction prendre, qu’il a peur de s’approcher plus, de se soumettre au regard des hommes. Il semble inquiet, il hésite, disparaît parfois derrière une ondulation des flots. Il est attiré par le large
Les ténèbres
La noyade.
Il ne veut plus vivre.
Puis, dans un creux de vague la voile réapparaît, je crois bien avoir senti trembler la carcasse. J’ébauche de la main un signe timide.
Alors, très lentement, avec une infinie prudence, il s’approche, il s’approche. Je reste immobile, je respire à peine afin de ne lui faire pas peur, mais j’ouvre tout grand mes yeux.
Avant l’aurore, je l’attends.
Depuis…
Je ne compte plus les jours où, sans nouvelle de vous, j’ai bu l’eau et le vin de tous les verres, la liqueur des bouteilles et la rosée des vitres, au café avec vue sur la mer où je notais nos rendez-vous sur un papier froissé.
Depuis…
Les immondices s’amoncellent devant la porte de mes yeux. La gare, le café, le tribunal et le théâtre crachent des torrents d’étranges étrangers, des mâles, des pucelles et des chiens.
Mais nulle trace de vous.
Croyant vous reconnaître chaque fois que passe un passant je marche dans ses pas qui, quelquefois, m’entraînent vers de sombres impasses où croassent des corbeaux.
Il paraît que, passé le vague terrain de nos idées reçues, on peut voir la mer fracassant ses wagons de vagues sur les vagues wagons qui vous emportèrent loin d’ici.
Depuis…
Chaque jour je trépasse à vous attendre en vain.
Chaque fois que j’entends la mer, je vous espère. Je suis ma propre et trace, de terrasse en terrasse, de comptoir en parloir de prison, d’où vous vous êtes échappés la veille, toujours la veille, mon espace. Chaque jour passe et vous efface.
Chaque jour a des formes de poisson sans tête, d’atmosphère usée, des odeurs de marée. L’insecte bourdonnant de la rue se tait, la lumière se défait, les grues sont autant d’oiseaux de métal figés dans la pénombre. Je suis du nombre.
Chaque jour détale, je ne m’installe jamais.
L’ombre s’étale.
La sueur des rigoles. Votre absence.
Le martèlement de mes talons sur le trottoir. Le silence.
La main épaisse des saisons dans ma mémoire, broyant à petit bruit le souvenir de vous.
Chaque jour décolle le papier des flaques sèches et fait à mon âme des masques de géant. La racine de la cité soulève de la terre mes rancunes enfouies. Je vous oublie.
Chaque jour est un animal percé par le vent.
Un animal traqué. Un buveur de brume, un bourreau tendre et cruel aux mains serrant des seins de fille dans la chaleur broyée d’un été.
Chaque jour…
Comme une araignée sème son fil doré, je vous aime autant que vous m’avez oubliée.
Chaque jour
S’éteint dans un sanglot aigre comme une porte en bois. La lumière joue les dernières douleurs de son vieux clavecin
Et je vous cherche encore.
La bouche ouverte de l’estuaire respire l’air de tous les siècles.
Elle claque de ses gestes perforés.
Elle m’invite.
Elle m’oblige.
Ses soubresauts.
Ses faux silences.
Ses sommeils juxtaposés, et son ventre vide de pluie.
Chaque jour s’allonge
La ville songe.
L’hirondelle ronge les morceaux de son ciel.
Le sol éponge.
Je plonge dans un verre d’eau de mer l’amertume d’un sanglot soudain. Je me souviens de vous.
Chaque jour a des formes de paysage éventré.
Il scintille
Je vacille.
Ses pages déchirées
Sa peau.
Son grand lit de draps blancs.
Mon rêve de ciment.
Le risque entier de mourir.
Il paraît que, passé le vague terrain de nos idées reçues, on peut voir ses amis en allés vous faire signe de la main.
Alors j’ai marché
Longtemps
Traversant des vides et des riens, des marécages et des forêts de roseaux, j’ai vu sur mon passage bien des tombeaux, j’ai couru, enjambant des noyés
Des englués
Des embourbés
Ne sachant pas que vous étiez de ceux-là.
Seule, sale, épuisée, je me suis laissée choir. La mer était là, celle que j’entends partout, à chaque carrefour, depuis toujours, au détour d’un matin, dans le liquide d’un regard.
La mer est là. Je peux mourir ou vivre, c’est selon.
Soudain j’aperçois quelque chose, alors que je n’attends plus rien…
... Est-ce un bateau ? Il me semble distinguer une tache blanche, laiteuse, à l’horizon d’un noir d’encre. Je la vois onduler légèrement, comme le ferait une voile exquise agitée par la brise. Alors j’imagine la coque, invisible dans cette obscurité. Seule la lune voudrait éclairer cet esquif, d’une fragilité insoutenable et rétif.
D’où vient-il ?
Va-t-il rentrer au port ?
On dirait qu’il ne sait quelle direction prendre, qu’il a peur de s’approcher plus, de se soumettre au regard des hommes. Il semble inquiet, il hésite, disparaît parfois derrière une ondulation des flots. Il est attiré par le large
Les ténèbres
La noyade.
Il ne veut plus vivre.
Puis, dans un creux de vague la voile réapparaît, je crois bien avoir senti trembler la carcasse. J’ébauche de la main un signe timide.
Alors, très lentement, avec une infinie prudence, il s’approche, il s’approche. Je reste immobile, je respire à peine afin de ne lui faire pas peur, mais j’ouvre tout grand mes yeux.
Avant l’aurore, je l’attends.
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: La mer et les amis perdus
çui-là aussi, je l'avais déjà écrit dans un autre part et un autre temps, mais je l'aime vraiment bien, alors ?
mess'
mess'
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: La mer et les amis perdus
belle intensité messaline ^^
sasvata- MacadMalade
- Messages : 495
Date d'inscription : 31/08/2009
Re: La mer et les amis perdus
"C'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source". (Jean Jaurès)
Bel écrit Messaline
Dam
Bel écrit Messaline
Dam
Re: La mer et les amis perdus
Merci les tous de vous être plongés dans le problème aqueux de la perdition d'amis
mes'saline
mes'saline
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
RE: La mer et les amis perdus
Whaou!! je l'avais pas lu ailleurs et j'allais rater ce texte! On n'a pas envie d'en sortir malgrès la longeur aérienne.
En fait, on a envie de consoler la narratrice...
Du GRAND Mess. qui fait honneur au site.
Swann admirateur
En fait, on a envie de consoler la narratrice...
Du GRAND Mess. qui fait honneur au site.
Swann admirateur
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: La mer et les amis perdus
C'est fort.
Très fort.
Parfois j'aime tes textes, parfois ils ne me séduisent que peu.
Mais là !
Mais là, je suis scotché.
Creuse cette veine, ton filon est là.
Nilo, au bout de la jetée.
Très fort.
Parfois j'aime tes textes, parfois ils ne me séduisent que peu.
Mais là !
Mais là, je suis scotché.
Creuse cette veine, ton filon est là.
Nilo, au bout de la jetée.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: La mer et les amis perdus
Un coup dans le Mur à Dédé.
Et quel coup !
Nilo, sur la plage des pas perdus.
Et quel coup !
Nilo, sur la plage des pas perdus.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: La mer et les amis perdus
En effet, quel coup !
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: La mer et les amis perdus
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Douzième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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