Notre Soleil a pris la fuite

Notre soleil a pris la fuite. Il est tombé dans l'Atlantique. Quelques étoiles s'en sont allées vers d'autres infinis; d'autres sont restées, suspendues aux fils de la grande toile que nous avions tissé. Mon ciel s'est vidé. Je prie la nuit , pour que jamais tu ne quittes notre arctique. Le Sud emporterait tout. Reste. Comme le gardien des quelques étoiles qui veillent encore sur ma carcasse et tes pardons. Reste. Pour qu'un sourire déclenche les miens . Nous avons coulé dans les eaux que ce grand ciel reflétait. Laisse moi l'azur, et l'émeraude. Laisse un peu de peinture bleue pour la froideur de nos adieux, et la beauté de nos mémoires. Mes mains en tremblent, depuis deux nuits. Je suis une feuille , de celles qui gisent sur le sol, que l'on piétine parce qu'elles sont mortes. Un vieux papier, terne et sec , et qui craque, et qui s'émiette sous les pas lourds des silences et des mots. Mes jambes sont raides, comme les murs gris du grand couloir où nos regards ont si longtemps dansé . Je palis. J'aimerais sourire, comme avant, à quelques petits riens qui font la vie. Les flots me perdent. De battre, mon cœur s'est arrêté. Je suis morte au creux de ses deux mains. J'ai laissé dans son cou , au dessus de son épaule et sous son oreille; j'ai laissé tomber ma tête, elle a roulé derrière le train comme une perle blanche, oubliée. J'ai soufflé, pour que mon souffle dernier le bouscule et l'emporte ; j'ai soufflé pour qu'il ait froid. Comme un grand vent qui l'appellerait. Pour qu'il revienne. Pour que le train se givre et que je roule jusqu'à lui. Je crie. L'alarme réveillerait les sourds. Il n'entendra pas. Il ne reviendra pas. J'arracherai son bras pour essuyer mes pleurs. Je chanterai l'hymne au soleil. J'écorcherai des arbres en écrivant son nom , j'écorcherai des bois en écrivant l' histoire, notre histoire. Il perdure, dans les pores morts de ma peau. Je traînerais ses malheurs sur mon dos ; je veux le voir sourire, je veux le voir sourire..