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Comme un semblant d'ordinaire (3)
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Comme un semblant d'ordinaire (3)
Il y eut tout de même cet épisode fâcheux de l’entrée en première, qui n’aurait pas dû être.
Les instances dirigeantes de notre étroit enclos d’éducation avaient décidé de réunir dans cette classe des gens comme moi, qui étaient arrivés jusqu’ici sans aucun effort, par facilité, par aisance de restitution, histoire de leur apprendre enfin à travailler en haussant le niveau, probablement pas de l’apprentissage, mais plus sûrement des méthodes de notation.
On avait décidé pour nous, réellement cette fois.
Et si la plupart furent flattés d’être considérés au regard d’autrui comme une sorte d’élite à ce que cette race humaine peut produite de déchets, j’avoue m’être senti trahi, et démasqué surtout, quand je pensais cacher mon jeu, incapable pourtant de me fondre au moule. Moi qui avais tant besoin d’anonymat pour avancer serein. Moi qui m’accommodais très bien d’une captieuse paresse où je coulais un quotidien désabusé…
Il est clair, naturellement, que je n’avais aucune envie de changer mes habitudes, aucune envie de me mettre à travailler pour n’obtenir rien de plus qu’une satisfaction prédéfinie aux instances dirigeantes qui voulaient faire de nous ce qu’ils n’auraient pas pu eux-mêmes. Hors de question de se plier à un moule singulièrement trop étroit pour moi.
Mes notes furent très moyennes toute l’année, comme le restant de la portée, et cela découragea grand nombre de postulants au bac scientifique, qui portait la lettre C à l’époque, ainsi nous nous dirigeâmes vers la biologie, seule autre alternative à cette mascarade lycéenne.
Ils furent déçus, probablement, et moi je crois ne m’être jamais autant amusé que cette année de Terminale, retrouvant avec une facilité déconcertante mes petites habitudes paresseuses pour obtenir le diplôme tant convoité.
J’avais choisi la filière scientifique pour fondre ma passion littéraire à une meute de désœuvrés qui ne bandaient que par les chiffres, pour moi peu importait la lettre du diplôme, sans grand désir d’avenir, seuls les mots et les activités créatives m’aidaient à me lever le matin, avec ou sans réveil. Mais poursuivre des études supérieures, ça devenait une nouveauté accessible enfin à la famille, la fierté parentale a probablement souvent joué sur mes choix, d’autant que mes parents m’ont toujours laissé très libre malgré tout quant à mon parcours.
Tout petit, je voulais juste être écrivain.
Rien d’autre.
C’est le métier qui doit revenir le plus souvent sur les petites fiches de la rentrée, même si j’ai parfois joué l’alternance avec les conventions, pour rire gamin, tu ne vas pas rester tout seul dans ce monde !...
Mais, écrire, ce n’est pas un métier.
C’est la phrase qui a dû revenir le plus souvent à mes oreilles tandis que nous parlions d’avenir autour de la table familiale, un œil sur l’assiette, l’autre sur l’écran de télévision, écrivain c’est un truc qui peut se faire en plus, les études, par contre, ça permet d’avoir un vrai boulot, un qui permet de continuer à vivre, et jour après jour, oublier qu’on vit surtout pour continuer à travailler, et passe-moi donc le sel, cercle vicieux.
La filière scientifique me permettrait d’entrer dans une école de cinéma après la validation de deux années post-baccalauréat nécessaires, par fainéantise ce fut la fac qui m’accueillit.
A l’époque, nous n’étions pas beaucoup aidés, ce fut un regroupement de gens de tous milieux, de tous horizons, de tous âges aussi, un grand fourre-tout destiné à retarder le plus possible notre entrée dans le monde du chômage.
La fébrilité s’est rapidement dissipée, les études de cinéma à la fac peuvent tenir sur six mois de cours, grand maximum, le reste n’est que redites.
Combien de fois j’ai dû supporter l’arrivée du train en gare de La Ciotat, encore et toujours ce même mouvement immuable, quelle beauté, quelle merveille, quelle invention fabuleuse… un cinéaste raté qui donne des cours pour bouffer ne brille que très rarement par sa créativité artistique, un seul être fit de ses cours un véritable spectacle digne du septième art, où enseigner devait être un plaisir, où apprendre devenait une réalité.
J’ai raté les concours d’entrée aux écoles de cinéma.
Pour la première fois de ma vie, il fallait réussir quelque chose qui me tenait à cœur, pas une fois de plus quelque chose qu’on avait décidé pour moi, mais quelque chose qui me permettrait de travailler tout en écrivant, les mots sont la base des films, les mots sont la base de tout, je suis tombé de ma maigre base et j’ai poursuivi la fac, tentant le plus possible de repousser l’irrémédiable, car on parlait déjà de supprimer le service militaire, mais ce n’était encore qu’une idée imprécise, un flou si peu artistique qu’il en devenait inquiétant.
Les gens de ma génération y ont échappé, pour la plupart, en poursuivant des études plus longues, la loi immuable de la finance permettant aux plus aisés de se mettre à l’abri. Moi j’en avais ras le bol de faire semblant d’apprendre, je bossais à plein temps, prenant des jours de congés pour passer mes examens, obtenant mes diplômes sans aucun effort ; un boulot inintéressant de magasinier à la Fnac, dont la prolongation est finalement devenue la seule condition à mon absence sous les drapeaux.
Quand j’ai compris que je ne pouvais pas faire autrement, je suis allé passer des tests pour être pris à l’établissement cinématographique et photographique des armées, qui pouvait présager de m’offrir un semblant de distractions réelles pendant dix mois d’uniforme forcé, qui s’inscrivait dans la logique de mon cursus, et qui, surtout, se trouve à Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, ce qui me semblait à l’époque une alternative acceptable à un premier séjour en Allemagne dédié à la fermeture des casernes.
Si je n’avais pas réussi ces tests, je me serais sûrement inscris un an de plus en fac, et j’aurai échappé à mon gavage d’identité nationale avant l’heure.
Mais je ne rate que ce qui importe vraiment pour moi dans cette existence, les autres y ont échappé, j’ai fait partie des derniers à partir…
Et ils nous l’ont bien fait payer.
Les instances dirigeantes de notre étroit enclos d’éducation avaient décidé de réunir dans cette classe des gens comme moi, qui étaient arrivés jusqu’ici sans aucun effort, par facilité, par aisance de restitution, histoire de leur apprendre enfin à travailler en haussant le niveau, probablement pas de l’apprentissage, mais plus sûrement des méthodes de notation.
On avait décidé pour nous, réellement cette fois.
Et si la plupart furent flattés d’être considérés au regard d’autrui comme une sorte d’élite à ce que cette race humaine peut produite de déchets, j’avoue m’être senti trahi, et démasqué surtout, quand je pensais cacher mon jeu, incapable pourtant de me fondre au moule. Moi qui avais tant besoin d’anonymat pour avancer serein. Moi qui m’accommodais très bien d’une captieuse paresse où je coulais un quotidien désabusé…
Il est clair, naturellement, que je n’avais aucune envie de changer mes habitudes, aucune envie de me mettre à travailler pour n’obtenir rien de plus qu’une satisfaction prédéfinie aux instances dirigeantes qui voulaient faire de nous ce qu’ils n’auraient pas pu eux-mêmes. Hors de question de se plier à un moule singulièrement trop étroit pour moi.
Mes notes furent très moyennes toute l’année, comme le restant de la portée, et cela découragea grand nombre de postulants au bac scientifique, qui portait la lettre C à l’époque, ainsi nous nous dirigeâmes vers la biologie, seule autre alternative à cette mascarade lycéenne.
Ils furent déçus, probablement, et moi je crois ne m’être jamais autant amusé que cette année de Terminale, retrouvant avec une facilité déconcertante mes petites habitudes paresseuses pour obtenir le diplôme tant convoité.
J’avais choisi la filière scientifique pour fondre ma passion littéraire à une meute de désœuvrés qui ne bandaient que par les chiffres, pour moi peu importait la lettre du diplôme, sans grand désir d’avenir, seuls les mots et les activités créatives m’aidaient à me lever le matin, avec ou sans réveil. Mais poursuivre des études supérieures, ça devenait une nouveauté accessible enfin à la famille, la fierté parentale a probablement souvent joué sur mes choix, d’autant que mes parents m’ont toujours laissé très libre malgré tout quant à mon parcours.
Tout petit, je voulais juste être écrivain.
Rien d’autre.
C’est le métier qui doit revenir le plus souvent sur les petites fiches de la rentrée, même si j’ai parfois joué l’alternance avec les conventions, pour rire gamin, tu ne vas pas rester tout seul dans ce monde !...
Mais, écrire, ce n’est pas un métier.
C’est la phrase qui a dû revenir le plus souvent à mes oreilles tandis que nous parlions d’avenir autour de la table familiale, un œil sur l’assiette, l’autre sur l’écran de télévision, écrivain c’est un truc qui peut se faire en plus, les études, par contre, ça permet d’avoir un vrai boulot, un qui permet de continuer à vivre, et jour après jour, oublier qu’on vit surtout pour continuer à travailler, et passe-moi donc le sel, cercle vicieux.
La filière scientifique me permettrait d’entrer dans une école de cinéma après la validation de deux années post-baccalauréat nécessaires, par fainéantise ce fut la fac qui m’accueillit.
A l’époque, nous n’étions pas beaucoup aidés, ce fut un regroupement de gens de tous milieux, de tous horizons, de tous âges aussi, un grand fourre-tout destiné à retarder le plus possible notre entrée dans le monde du chômage.
La fébrilité s’est rapidement dissipée, les études de cinéma à la fac peuvent tenir sur six mois de cours, grand maximum, le reste n’est que redites.
Combien de fois j’ai dû supporter l’arrivée du train en gare de La Ciotat, encore et toujours ce même mouvement immuable, quelle beauté, quelle merveille, quelle invention fabuleuse… un cinéaste raté qui donne des cours pour bouffer ne brille que très rarement par sa créativité artistique, un seul être fit de ses cours un véritable spectacle digne du septième art, où enseigner devait être un plaisir, où apprendre devenait une réalité.
J’ai raté les concours d’entrée aux écoles de cinéma.
Pour la première fois de ma vie, il fallait réussir quelque chose qui me tenait à cœur, pas une fois de plus quelque chose qu’on avait décidé pour moi, mais quelque chose qui me permettrait de travailler tout en écrivant, les mots sont la base des films, les mots sont la base de tout, je suis tombé de ma maigre base et j’ai poursuivi la fac, tentant le plus possible de repousser l’irrémédiable, car on parlait déjà de supprimer le service militaire, mais ce n’était encore qu’une idée imprécise, un flou si peu artistique qu’il en devenait inquiétant.
Les gens de ma génération y ont échappé, pour la plupart, en poursuivant des études plus longues, la loi immuable de la finance permettant aux plus aisés de se mettre à l’abri. Moi j’en avais ras le bol de faire semblant d’apprendre, je bossais à plein temps, prenant des jours de congés pour passer mes examens, obtenant mes diplômes sans aucun effort ; un boulot inintéressant de magasinier à la Fnac, dont la prolongation est finalement devenue la seule condition à mon absence sous les drapeaux.
Quand j’ai compris que je ne pouvais pas faire autrement, je suis allé passer des tests pour être pris à l’établissement cinématographique et photographique des armées, qui pouvait présager de m’offrir un semblant de distractions réelles pendant dix mois d’uniforme forcé, qui s’inscrivait dans la logique de mon cursus, et qui, surtout, se trouve à Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, ce qui me semblait à l’époque une alternative acceptable à un premier séjour en Allemagne dédié à la fermeture des casernes.
Si je n’avais pas réussi ces tests, je me serais sûrement inscris un an de plus en fac, et j’aurai échappé à mon gavage d’identité nationale avant l’heure.
Mais je ne rate que ce qui importe vraiment pour moi dans cette existence, les autres y ont échappé, j’ai fait partie des derniers à partir…
Et ils nous l’ont bien fait payer.
Epiphyte- MacaDeb
- Messages : 43
Date d'inscription : 28/09/2009
Re: Comme un semblant d'ordinaire (3)
j'attends la suite ...
Yzaé
Yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
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