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Griffouillis
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Sylvie
Zlatko
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Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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Griffouillis
Tout à l’heure une drôle d’image m’est venue en tête, et je ne sais pas bien encore la formuler. La fatigue ne tue pas les pensées, elle met en sourdine. Elle a ceci de formidable qu’ensuite leur acuité se décuple, comme la poésie s’élève jusqu’à atteindre le point critique. Plus rares, plus aiguës, elles vous frappent comme une vague.
La muse me préoccupe. Je tente souvent de lui donner une forme, un dessin même abstrait. Je cherche la couleur de sa voix. Cette drôle d’idée, c’est Chronos : je suis une bête enceinte. Chaque nouveau-né qui braille il faut qu’il meure aussitôt, qu’un autre naisse et meure après lui. Qui mange mes enfants ? Quelle monstre de carnaval profite de mes sommeils et garnit son gros ventre affamé de mes chimères ? Chronos me prend tout ! Je n’ai pas demandé l’éternité. Dans son estomac aux merveilles, les petites notes de mots s’adoubent symphonie, hors de moi, hors de ce contrôle relatif dont je disposais pour les mettre au monde. Garde-les de tes griffes, bonimenteur de sublime.
Hier, je discutais avec une allumette. Elle me racontait l’histoire de ces rues en hiver où les mains de la neige étouffent l’existence. Où la flamme jaillit et vous mord pour le temps qu’elle vous réchauffe. Tandis que le bois brûle, l’esprit s’éveille et le mot se suppose. Il en vient à mourir le corps noir, en vous laissant aux doigts une trace. La flamme, en ce qu’elle se dévore, ne laisse à Chronos que la fumée. Voilà ce que cette image propose : le mot, s’il doit mourir trop vite, ne mourra que de lui-même - ou de la main de son créateur. Mange-le, avant qu’il ne les mange : matricide, au moins certain qu’il nous restent toujours.
C’est la volonté farouche de porter le monstre. Et s’il est à n’en pas douter dégénéré, serait-il plus beau ? Il faut comprendre l’envie d’accoucher d’un semblable. Comment Chronos et son gosier de brute le pourraient-ils ? La bête appelle. Elle nécessite, en s’engendrant elle-même, de se comprendre et détruire sans aide. Chronos est une foule d’amygdales dont la bave sucrée porte ma perte. Laissez mes enfants vagir ! Laissez moi le crime, laissez moi la minuscule puissance de créer sans aide. Je n’ai besoin ni d’eux, ni du temps à adorer ou bafouer. Ses grosses mains sales étouffent les flammes.
Sauveras-tu mes enfants, rouge ? A vivre trop en soi l’on oublie les codes de conduite. Aujourd’hui que mon ventre est gros, l’enfant ne veut plus naître. Tu portes la lueur dans le corridor. Il s’est glissé dans le tuyau comme une anguille, pour goûter aux noirs étroits de la recherche qui nous manipule. Ce sont, Chronos, tes mains de dément qui forcent mes côtes. Comme elles reniflent ce qui s’y cache ! Tu n’as jamais compris la poésie, tandis qu’elle s’acharnait à te comprendre. A toi mauvaise carcasse, on te dédie les mots, les étoiles ! A ton règne sans limite ! Les créateurs brûleraient que de te laisser l’engeance. Mon engeance ! Ma flamme ronde ou carrée, je décide ! Je pisse au front de tes voies lactées ! Mes bras sont pour le petit corps dans la neige, qui meurt de n’avoir pas été à toi. Sans être à moi elle te défie, et la provocation est suffisante.
Ce soir les chiens sont dans les rues. Et pour leur meute qui braille, si tes yeux bouffis savent voir, si tes oreilles savent écouter, tous les mots digérés s’exhortent à te crever l'œsophage. Vois comme elle te défie, ma petite muse qui n’est pas toi, ma petite muse mange le vieillard qui nous mange, et pieds nus je danse avec elle dans tes sucs.
Z 19 07 2010
La muse me préoccupe. Je tente souvent de lui donner une forme, un dessin même abstrait. Je cherche la couleur de sa voix. Cette drôle d’idée, c’est Chronos : je suis une bête enceinte. Chaque nouveau-né qui braille il faut qu’il meure aussitôt, qu’un autre naisse et meure après lui. Qui mange mes enfants ? Quelle monstre de carnaval profite de mes sommeils et garnit son gros ventre affamé de mes chimères ? Chronos me prend tout ! Je n’ai pas demandé l’éternité. Dans son estomac aux merveilles, les petites notes de mots s’adoubent symphonie, hors de moi, hors de ce contrôle relatif dont je disposais pour les mettre au monde. Garde-les de tes griffes, bonimenteur de sublime.
Hier, je discutais avec une allumette. Elle me racontait l’histoire de ces rues en hiver où les mains de la neige étouffent l’existence. Où la flamme jaillit et vous mord pour le temps qu’elle vous réchauffe. Tandis que le bois brûle, l’esprit s’éveille et le mot se suppose. Il en vient à mourir le corps noir, en vous laissant aux doigts une trace. La flamme, en ce qu’elle se dévore, ne laisse à Chronos que la fumée. Voilà ce que cette image propose : le mot, s’il doit mourir trop vite, ne mourra que de lui-même - ou de la main de son créateur. Mange-le, avant qu’il ne les mange : matricide, au moins certain qu’il nous restent toujours.
C’est la volonté farouche de porter le monstre. Et s’il est à n’en pas douter dégénéré, serait-il plus beau ? Il faut comprendre l’envie d’accoucher d’un semblable. Comment Chronos et son gosier de brute le pourraient-ils ? La bête appelle. Elle nécessite, en s’engendrant elle-même, de se comprendre et détruire sans aide. Chronos est une foule d’amygdales dont la bave sucrée porte ma perte. Laissez mes enfants vagir ! Laissez moi le crime, laissez moi la minuscule puissance de créer sans aide. Je n’ai besoin ni d’eux, ni du temps à adorer ou bafouer. Ses grosses mains sales étouffent les flammes.
Sauveras-tu mes enfants, rouge ? A vivre trop en soi l’on oublie les codes de conduite. Aujourd’hui que mon ventre est gros, l’enfant ne veut plus naître. Tu portes la lueur dans le corridor. Il s’est glissé dans le tuyau comme une anguille, pour goûter aux noirs étroits de la recherche qui nous manipule. Ce sont, Chronos, tes mains de dément qui forcent mes côtes. Comme elles reniflent ce qui s’y cache ! Tu n’as jamais compris la poésie, tandis qu’elle s’acharnait à te comprendre. A toi mauvaise carcasse, on te dédie les mots, les étoiles ! A ton règne sans limite ! Les créateurs brûleraient que de te laisser l’engeance. Mon engeance ! Ma flamme ronde ou carrée, je décide ! Je pisse au front de tes voies lactées ! Mes bras sont pour le petit corps dans la neige, qui meurt de n’avoir pas été à toi. Sans être à moi elle te défie, et la provocation est suffisante.
Ce soir les chiens sont dans les rues. Et pour leur meute qui braille, si tes yeux bouffis savent voir, si tes oreilles savent écouter, tous les mots digérés s’exhortent à te crever l'œsophage. Vois comme elle te défie, ma petite muse qui n’est pas toi, ma petite muse mange le vieillard qui nous mange, et pieds nus je danse avec elle dans tes sucs.
Z 19 07 2010
Dernière édition par Zlatko le Lun 19 Juil - 17:00, édité 1 fois
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Griffouillis
Une multitude d'images choisies avec soin pour bien faire ressentir aux lecteurs combien il est parfois difficile de réveiller sa plume.
L'avantage, avec ce vide poche, c'est qu'il y a comme une libération des mots, ceux qui se chevauchent dans nos têtes et qui ne veulent pas se lier entre eux.
Ecrire, c'est comme une drogue et quand on est en manque, on a mal au fond de soi. Une impression de perte, d'un de ces silences qui ressemblent à ce silence d'enfance et qui fait pourtant bien du bruit.
Ce que nous écrivons hier ne ressemble et souvent ne rassemble pas nos désirs, mais c'est ce que nous croyons car en fait à l'instant où notre plume a parlé, c'est que nous avons parlé et peu importe le temps, ces écrits nous appartiennent vraiment. Il faut juste se dire qu'on tourne les pages du temps pour aller de l'avant.
Merci de nous avoir offert ton fond de poche chargé de la poésie.
Sylvie
L'avantage, avec ce vide poche, c'est qu'il y a comme une libération des mots, ceux qui se chevauchent dans nos têtes et qui ne veulent pas se lier entre eux.
Ecrire, c'est comme une drogue et quand on est en manque, on a mal au fond de soi. Une impression de perte, d'un de ces silences qui ressemblent à ce silence d'enfance et qui fait pourtant bien du bruit.
Ce que nous écrivons hier ne ressemble et souvent ne rassemble pas nos désirs, mais c'est ce que nous croyons car en fait à l'instant où notre plume a parlé, c'est que nous avons parlé et peu importe le temps, ces écrits nous appartiennent vraiment. Il faut juste se dire qu'on tourne les pages du temps pour aller de l'avant.
Merci de nous avoir offert ton fond de poche chargé de la poésie.
Sylvie
Re: Griffouillis
Que de questions sous-jacentes !
Le vide-poche permet de beaux écarts, des excès, des faiblesses, et c'est bien là la moindre de ses qualités.
D'autant plus qu'il recèle de belles choses.
Nilo, grabouillis.
Le vide-poche permet de beaux écarts, des excès, des faiblesses, et c'est bien là la moindre de ses qualités.
D'autant plus qu'il recèle de belles choses.
Nilo, grabouillis.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Griffouillis
Muse et monstre , beauté et laideur, la bête et l'humain, le bonheur de la création et la souffrance quand elle tarde à sortir...finalement tu nous racontes la Vie, l'accouchement de toutes choses terrestres qui ne se fait pas sans mal, notre bizarre condition à la fois divine et bestiale...
et oui, on ressent un lacher prise certain qui n'est pas pour me déplaire aussi.
et oui, on ressent un lacher prise certain qui n'est pas pour me déplaire aussi.
_________________
LaLou
Re: Griffouillis
Ca me vient d'une autre "muse", justement. Une sale gosse qui m'incite (et n'y est pour rien au fond, elle ne fait que déclencher) à, comme dirait Ferré par Nilo, "prendre mes vers et leur foutre une trempe".
C'est une petite libération qui se cherche.
Merci à vous trois du passage !
Z.
C'est une petite libération qui se cherche.
Merci à vous trois du passage !
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Griffouillis
Non justement, elle est fondamentale ! Si tu as lu le texte sur la pierre qu'on lance, c'est un peu ça. L'inertie de la création est créée par la muse (c'est un peu gras comme image mais c'est pour l'exemple ). J'aurai bien du mal à être autre chose que redondant ou englué dans mes grosses larmes si j'avais pas aussi des coups de pieds au cul.
Z.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Griffouillis
Je comprends très bien ce que tu dis et tu l'exprimes très bien ; faire avancer les choses en nommant, accusant, traitant, parce que l'art de vivre, c'est d'abord une révolution, la sienne.
Permanente.
Dam, sans aucun répit.
Permanente.
Dam, sans aucun répit.
Re: Griffouillis
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Neuvième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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