Et ton bonheur éclairera ce monde

Et ton bonheur éclairera ce monde

A l'évidence il fallait que tu grandisses. Un peu trop vite parfois, pour moi, pour toi. Trop poussée par la Vie.
Alors les années ont passé. D'abord Nous, puis Moi et Toi, Toi sans Moi, et puis Nous encore.
C'est difficile de se retrouver lorsqu'on ne s'est pas perdus. Pourquoi fallait-il que la vie, les joue ainsi ces retrouvailles ?
Retiens bien les leçons qu'elle te donne; il n'y a pas de session de rattrapage, que des coups martelés pour enfoncer le clou un peu plus loin à chaque fois. Et parfois le marteau dérape, un éclair de bonheur.
Sans qu'il soit jamais possible ni de revenir en arrière, pour recommencer, ni de se retenir pour simplement profiter en se disant que c'est bon un peu d'Amour.
Ne pas se retenir. Oser, malgré tout, aller un peu plus loin. Aller toujours plus loin en regardant droit devant ; "garder un œil au moins au-dessus de l'horizon". Oser se faire mal pour faire le bien, ne serait-ce que ce peu de bien qui nous fait mériter ce tant d'amour, qui nous fait oublier la vanité.
Une fois, de temps en temps, pouvoir se dire que tout n'est pas vain, à défaut d'être certain que rien n'est vain. Non, elles n'étaient pas vaines tes larmes de petite fille, tes colères d'adolescente, pas plus que ne l'étaient tes révoltes et ta douleur. Et tu es devenue femme.
Observe que le temps n'est pas seul à t'avoir fait grandir, les épreuves aussi. Celles qui nous font penser qu'après elles plus rien ne peut nous arriver. Il nous en arrive encore pourtant, mais plus rien ne peut nous détruire. Alors on construit.
Sois en bien certaine, tu construis. Et sur tes fondations, avec la foi, qui sait si tu n'es pas en train de bâtir une église.
Il t'en faudra encore de la force et du courage. Ceux que tu as su montrer pendant tant d'années pour être à la fois, sœur, fille, mère, lycéenne, cuisinière et aussi danseuse de Rock n' Roll. Que c'est lourd à porter tout çà. Ca ne t'a pas mise à l'abri de la tristesse.
Ne soit pas triste pourtant. Les seules choses que tu aies vraiment ratées dans ta vie, jusqu'à présent, sont superficielles. Et pour celles là le Bon Dieu te laisse de nouvelles chances, autant que tu en veux. Je sais, je ne devrais pas invoquer Dieu pour une telle futilité, mais pour une fois il ne m'en voudra pas puisque c'est pour te faire sourire.
Il t'en a fallu de la constance pour élever ta sœur et garder ton père à la maison, l'empêcher de faire le con (là aussi il t'est arrivé d'échouer), le tenir éloigné de la conversation des chimères, faire mûrir son infarctus avec tes colères et tes fulgurances. Mais enfin nous sommes encore là, sans chimères aux yeux brillants - elles sont toutes parties - et sans épreuves insurmontables - nous avons appris à les surmonter.
Tant pis pour les chimères et moi, et pour l'astrophysique et toi. Tu préfères la vie à Pythagore et il s'en remettra. Et pour ma part je sais m'émerveiller des étoiles filantes. De toute façon les stars meurent aussi, alors autant que ce soit en musique pour que le spectacle continue.
Il faudra, quand tu en auras le temps, quand tu auras fait ta vie, quand tu en auras assez de tes amants, et si j'ai su attendre, que tu m'apprennes enfin la musique. Alors on demandera à Wolfang d'écrire un concerto tanguant pour piano à bretelle et saxophone et on ira donner un concert, dans dix ou dix mille ans sur une place de Marrakech ou les trottoirs de Buenos Aires.
Aussi grand que soit ce monde il t'appartient, regarde au-dessus de ton lit. Au moins ce que tu en découvriras toi-même, le reste n'étant que le bien commun donné en héritage. Alors découvre, tu as le temps, la vie devant toi. Sois l'inventeur de ta vie, vas aussi haut que tu le pourras vers le sommet de ta cinquième montagne.
Tu mérites le bonheur, aujourd'hui pour hier. Le silence pour le prix des mots. Tous tes mots pour le prix de mes silences. Les "je t'aime" pour ces milliers de larmes et les baisers comme pardon de la douleur. Quelle importance ?
Il arrivera encore pourtant que tu te décourages, que tu trouves tout trop loin, trop tard, trop dur. C'est parce que c'est loin qu'on est content d'arriver, c'est parce qu'il est tard que le repos est mérité, c'est parce que c'est dur que la récompense est juste. Déjà tu t'es prouvé que tu es capable d'aller loin et d'arriver tard sur un chemin difficile.
Quand on est parvenu si loin, si tard, avec tant de difficultés on peut tendre les mains et les joindre pour remercier, puis les ouvrir pour offrir tout ce qu'elles contiennent, c'est de l'amour.
Un jour tu le sauras, avant la fin de ta dernière vie. Ce jour là tu seras en haut de la montagne, tu découvriras la septième des quatre, le plomb se changera en or. Tu seras définitivement heureuse.

Et ton bonheur éclairera ce monde.


Nilo.