Griffouillis (extrait)

Les tumultes, s’ils sont constants, migrent. Bientôt les questions ne se reconnaissent plus entre elles. L’enfant et l’adulte ne croient plus. Ils n’ont vocation à vivre ni ensemble, ni séparés. Il en reste l’outrage d’un tas de chair pensant sans aptitude à se définir. Combien d’images dedans carcasse? Quand le chassé-croisé de questions et de réponses ne suffit plus, quant la nécessité de certitudes se fait grande, les vieux rêves refont surface. J’ai vu refleurir les champs de noyés, les grandes marées brutales qui naissaient, il y a longtemps, de mon rien savoir. Pour goûter les mots comme il faut, pour brandir, pas besoin de meute ni de chef. La beauté, la liberté sont d’un seul trait, d’une seule éclaboussure. Je hais les faiseurs de matière grise. Les vendeurs de synapse. Aux autres piliers qui gigotent, l’ignoble diktat d’une gelée mauve : autodafé ? J’ai appris à sourire. Le brûlot n’est pas la seule arme des trompe-la-morts. J’ai vu de grands clowns dans des hangars : et chaque fois des enfants. Ils parlaient pareil, des mots incohérents pareils, avec un peu plus de maquillage, et les yeux brillaient peut-être, s’ils avaient pu? Les mains tremblantes regrettent des rêves. A tout ces piliers de rides, ces grandes jambes dans des armures noires, à ces gestes rodés : mascarade ! J’ai appris à sourire. Les discours ont la vérité qu’on leur donne. Par-delà de grandes places mortes où n’errent, bien plus tard, que des ombres : des idiots, des jongleurs, des poètes, des musiciens, et d’autres êtres de joie, et d’autres êtres qui savent la peur, s’unissent. Un jour prochain, il faudrait bien qu’on se rencontre. Maudits soient-ils! Les punisseurs! Les bottes ferrées, les étrangleurs de miracles, les brutes et leur fange à palper chaque jour, et chaque jour s’en dégager plus fort le dégoût! La poésie naît de ces hauts-le-coeur. Je ne suis pas une bête, une chair à marquer : une pute à vivre, à mener au fouet et au bâton ! Certains soir sont plus que la chute, et l’enfant crie plus fort. Dans le grand local à friandises, et pleins les doigts de rouge, de bleu, de vert, pleins les colorants inventés qu’ils ignorent, plonger les mains : le poète fait des bêtises. Des trucs qui tâchent les cravates en soie. J’ai vu de grands clowns dans des hangars : ils jaillissaient dix à la minute, le pantalon froissé, vendaient, pensaient, priaient, et piquaient une tête dans le grand four. Le grand déménagement du cosmos. Les autres, les déjà cuits, pendaient au bout d’une corde. Alors quoi? La mécanique des flammes? Le suicide des illuminés? Je suis pour les clichés, dans la fuite : un bras, une boîte à vivre, un spectacle, un mensonge, une comédie, une brûlure. Le reste s’évapore.

Z 29 10 10

C'est un vrai plaisir que de retrouver tes "GRIFFOUILLIS" ; avec l'apparition du temps dans cette extension... Je relirai tout ça.

Dam.

Encore une fois il y a beaucoup à prendre dans ces griffouillis.
Dans ces questions avec ou sans réponses selon qu'on se les pose ou qu'on les pose.
Dans ces énoncés des dits, des tus, des rires et des larmes.
Et toujours ces clowns qui nous marionnétisent et tirent le fil des pelotes de vies en cours, de vies en route, de vies en déroute.
Et par-dessus tout ça, les mots qui s'entrechoquent, pendant au bout de la corde...

Nilo, griffouliseur.

Passionnant ! Et un de tes meilleurs ; mais peut-être est-ce faux de dire cela, comme j'ai appris à te voir dans cette langue à part du poète...

Dam.

Une des formes de la " rage" hardie.

Je n'avais pas vu ce nouveau "griffouillis" ...

Maintenant si

Dans ce contexte, il se dégage une odeur d'illusion...celle qui fait que l'on voit une face, une histoire, un personnage mais le tout réuni dans un fracas de miroir inversé.

Un maquillage qui trompe
Un homme qui avance sans ses jambes
Un poète qui rit mais qui pleure sur une feuille
Une vie faite du même décore que Noël

Les images sont encore une fois bien choisies et l'écriture est souple de telle sorte que l'on s'en habille parfaitement bien .

J'ai juste eu 2 doutes dont un je suis sure dans ce passage:

"Il en reste l’outrage d’un tas de chair pensant sans aptitude à se définir. Combien d’images dedans carcasse j'aurais mis "carcassent pensant que ça se rapporte aux images?)?

Quant le chassé-croisé"... ( à mon avis, au début tu avais marqué "quant au chassé-croisé" et tu as changé le "au" par "du" et oublié de remettre "D" à "quand" )

Petits détails bien sur qui n'ôtent rien à ton texte rassure toi.

Sylvie

Merci de votre passage ! Surtout que ces griffouillis ne me lâchent pas, je suis heureux qu'ils ne vous lassent pas.

A Sylvie : pour "dedans carcasse" j'ai simplement éludé l'article "la" ; et pour "Quant" c'est une bête faute d'orthographe que je te remercie d'avoir relevé!

Z.

Un écho du Printemps de la Prose à ce chant d'automne...

Nilo, what else ?

Relu avec grand plaisir.

Dam.

Putain, oui !

Je te découvre là. Et j'aime te découvrir là.
Dans ce grand cirque nomade masqué de miroirs déglingués.
Où l'enfance en prend un coup puisqu'elle a décidé de ne pas jouer le jeu : elle a foutu le camp !

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Treizième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.