Restent les cœurs et les paupières

Restent les cœurs et les paupières


J'ai pris le temps de tant donner
Que tout n'a pas été compté.

Mais Dieu ce que j'ai pu laisser
De force à ces guerres perdues,
Lignes de front, combats menés
De jour en jour, nuits après nuits
Contre le temps venu semer
Gouttes de pluie, grains de folie,
Sur des chemins bien balisés
Que j'aurais pu ne pas quitter
Mais qui luisaient de tant d'ennui
Que bien souvent j'ai préféré
Les coupe-gorges des ruelles
Les coups de ronces des sentiers.

Mes errances alors menaient
Vers l'odeur acre des clandés
Où je sentais près du comptoir
L'opium d'une femme fatale
Et les ennuis qui l'accompagnent
Du bas en haut des bas de soie
Vers un sourire invitation
A dénouer dans le Champagne
Le dernier bouton de son cœur
Comme on joue au poker menteur
Le temps d'un clin d'œil de la chance
Au glissando d'un pas de danse
Folle escapade d'un tango
Coulé à deux de verre en verre
Loin des regards habitués
A arroser la terre entière
De leurs envies, de leurs misères.

Restent les cœurs et les paupières
Fermés en creux à double tour.
Et la chamade impétueuse
De l'agonie des amours mortes.

J'ai pris sur moi de tant aimer
Que j'ai perdu beaucoup de temps
A m'égarer, à gaspiller.
Mais ce si peu que j'ai donné
M'a tant et tant été rendu !


Nilo.

heureux de lire ce poème en fin de nuit, ça lui redonne toute une histoire, la tienne, vécu dans d'autres sentiers. la deuxième strophe m'a particulièrement séduit.
de l'élégance ^^

J'aurais tant de choses à vous dire
Quand je m'arrête pour vous lire
Mais les mots-soupirs, les mots-plaisirs
Se sont arrêtés pour ne plus revenir

H.

oui Gérard, sans doute aucun.

Magnifique .

Merci à celles et celui qui ont encore la force de les garder ouverts...

Nilo, pas facile.

Toujours, toujours, grands ouverts!

et tant mieux!

Je n'avais pas vu ce poème

"A dénouer dans le Champagne
Le dernier bouton de son cœur
Comme on joue au poker menteur
Le temps d'un clin d'œil de la chance
Au glissando d'un pas de danse
Folle escapade d'un tango"

Très bel instant imagé.

Un ensemble qui tient sur le fil d'une vie.

Une lecture attentive pour moi, et passionnée. tant il est rare de te voir te justifier (ou du moins faire un constat par l’écrit) Et s’agissant de poésie, c’est encore plus fort !

Bien à toi
Dam.

Le temps de donner et le temps d'aimer :

du temps bien investi.

Je rejoins mes camarades, un grand Nilo. On a tendance, puisqu'on se lit souvent, à 'prendre l'habitude' d'une plume, mais j'aime ces baffes que tu sais mettre en nous servant, malgré l'usage habituel de l'octosyllabe, des strophes chaque fois neuves.

Ici du nouveau dans les sonorités, dans la chose dite, des passages comme

'Et la chamade impétueuse
De l'agonie des amours mortes'

qui montrent qu'en dix mots, on peut tout dire.

Z.