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Guerre de la joie (prélude)
4 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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Guerre de la joie (prélude)
Où même l’écriture m’a abandonné – j’erre dans une feuille
épuisée d’elle-même. Dans un travestissement où le travesti, comme la feuille,
n’est plus que froissures. La poche a tout mangé, et le dégoût et l’amertume
aussi. Je ne sais plus ce que je chante. Je suis revenu au stade primitif du
renvoi, je dégueule, avec difficulté parce que les phrases sont laides, et ne
veulent plus sortir ; et comme le mot me sait maintenant, plus que je ne
l’ai jamais su, il me jauge et me trahit. Il observe, ancré dans l’autre
feuille, celle que je porte en tête – le Torchon, toutes les failles ; il
raille plus fort qu’hier et m’enseigne qu’il fallait vivre seul une bonne
fois : seul comme je chantais la liberté. Seul encore et certain de
l’être, parce que la solitude est certaine et permet tout ; seul en moi
lorsque moi serait le monde, la fin et le commencement du monde, la pleine
osmose d’un retranchement plein de fibres – reliés les nerfs à vif du monde, et
les miens. Tu as menti, dit le Torchon, et lorsque tu en fis le constat tu
continuais ; l’or, ma petite angoisse, tu le chiais. Tu as menti comme
jamais il ne faut mentir : tu en auras sur toi le crachin.
Et la plus terrible angoisse : celle d’avoir prêché et
celle, au moment de l’excès, d’avoir senti l’écriture me répondre ; garce à
me pousser le monologue au front et à m’en ceindre – Apostropher !
Celle de n’y voir plus qu’une catin, et je ne sais pas de qui je parle.
Chose avec l’œil tout sur moi, un bras qui pend entre les cuisses m’a chanté le microcosme du prodige.
Les ondulations, les stridences du mot – on s’en foutait
qu’il soit mien, acquis ; et qu’il soit à dire, ait été dit, le mot
jouissait encore comme une catin. Ici, la possibilité d’une âme souillée qui ne
répondait à mes cris qu’un écho déformant : l’écriture active en moi
jouant de mes carillons pathétiques. Tu as menti, dit le Torchon, et de tes
carillons j’ai fait le bruit du tambour ; j’ai su les arbres ployés, la
génuflexion implicite d’un monde courbe où tu allais, ma petite angoisse, dans
une rectiligne magnificence – je t’ai absous. Et résolu j’inspecte le placard à
morve sans y trouver plus d’astres, comme hier, que déclinés, poussés au sol,
dessous l’égo et le piétinement infernal.
Et me disait encore, dans ce qu’il lui restait de langage audible
autre que le crissement insupportable du couard, l’obésité de ma paresse – les
regrets. Déjà tu vivras seul et comme entouré d’une seule Ombre gluante ;
et les taches seront sur ta peau, comme tu couvrais, par orgueil, le Torchon vierge
de ta prose. Elle cherchait à me dire sa souillure à travers moi, lorsque
souillée bien avant ma tonitruance elle avait déjà ses pantins, ses
ramasses-crottes dans les rivières, et leurs tamis de suffisances ; le
Torchon faisait sa conquête sur moi. Tiens ! Prends la feuille ; et
si le miroir est une méprise, tu sauras bien le mépriser d’en être une ;
tiens, ça se déchire, petite angoisse, et ça se mouille et se baffre – comme
les chiens avides. Il fallait le décorum, pauvre bête, pour qu’au remous
suivant s’exposent les premières plaies, celles qu’on n’inventait pas ;
amoureux seulement du Torchon et soumis à son indifférence.
Pour qu’aux premières lueurs d’un jour sans miracle, hagard et vivant de se sentir trembler, naisse une écriture différente.
Peut-être une autre phase du Torchon, disait le Lord qui
avait, dans sa petite boîte grise, embrassé depuis longtemps la cause de ses
barreaux ; tu sauras qu’il viendra le matin d’Eveil, car c’est le mot que
tu cherchais. Avec au nez la fraîcheur d’un vent quasi-pur ; dépouillé
d’une antique appartenance aux chaînes, et à la terre ; au matin d’Eveil,
tu descendais près de la rivière. Et marchant au milieu, les pieds bien au fond
de l’eau, tu traçais une ligne brisée par l’eau encore ; dans la réflexion
rêvée du monde. Et c’était là, hors de la chair et de la poussière, que tu savais :
une perception cristalline. Et riant de m’avoir presque dit l’histoire il
passait son manteau sur ses épaules, et s’endormait.
Entrait la Reine ; et magnifique elle déclamait au
lavabo l’autre langue ; que le Lord avait oublié. Tiens, disait-elle,
qu’avais-tu fait de ton paquet de couilles ; à le soupeser comme une
vierge – et l’écriture hors de toi, celle qui grouillait, celle dont tu disais
qu’elle grouillait, pauvre idiot ; la Reine était laide comme tout. On lui
donnait moins d’âge que moi et elle disait : je suis laide comme tout, je
porte les chaussons de nuages ; je sais les routes, le ciel, et les
ornières du fossé. Je sais encore, dans les chaudrons, la potentialité du mirage.
Et plus que le Lord elle insinuait la persistance et l’âcreté de ce juge, hors
de moi, hors du Torchon, hors de toute appartenance individuelle
maladive ; elle crachait des histoires de détartrage du cœur ; pas
d’autre récompense que la vision, horriblement courte et douloureuse, qu’il
n’existe rien qu’une esthétique de la tare. Et riant de m’avoir presque dit
l’histoire elle s’évanouissait, laissant à côté d’elle les tares à leurs abymes.
____________________
L’écriture a perdu sa noblesse : elle est devenue plus
humaine que moi. Je m’y raccrochais hier, dans la rage triste du mourant, comme
à un étendard ; aujourd’hui que je la sens palpiter, et que son humanité
remplace la mienne, elle ne m’intéresse plus. Mon corps froid n’en ressent plus
les chaleurs, et partant, je la juge : coupable de n’avoir pas su me
protéger, me juger, ni m’absoudre correctement ; coupable, dans sa
prétendue lumière, de n’être qu’un pendant de la déliquescence.
épuisée d’elle-même. Dans un travestissement où le travesti, comme la feuille,
n’est plus que froissures. La poche a tout mangé, et le dégoût et l’amertume
aussi. Je ne sais plus ce que je chante. Je suis revenu au stade primitif du
renvoi, je dégueule, avec difficulté parce que les phrases sont laides, et ne
veulent plus sortir ; et comme le mot me sait maintenant, plus que je ne
l’ai jamais su, il me jauge et me trahit. Il observe, ancré dans l’autre
feuille, celle que je porte en tête – le Torchon, toutes les failles ; il
raille plus fort qu’hier et m’enseigne qu’il fallait vivre seul une bonne
fois : seul comme je chantais la liberté. Seul encore et certain de
l’être, parce que la solitude est certaine et permet tout ; seul en moi
lorsque moi serait le monde, la fin et le commencement du monde, la pleine
osmose d’un retranchement plein de fibres – reliés les nerfs à vif du monde, et
les miens. Tu as menti, dit le Torchon, et lorsque tu en fis le constat tu
continuais ; l’or, ma petite angoisse, tu le chiais. Tu as menti comme
jamais il ne faut mentir : tu en auras sur toi le crachin.
Et la plus terrible angoisse : celle d’avoir prêché et
celle, au moment de l’excès, d’avoir senti l’écriture me répondre ; garce à
me pousser le monologue au front et à m’en ceindre – Apostropher !
Celle de n’y voir plus qu’une catin, et je ne sais pas de qui je parle.
Chose avec l’œil tout sur moi, un bras qui pend entre les cuisses m’a chanté le microcosme du prodige.
Les ondulations, les stridences du mot – on s’en foutait
qu’il soit mien, acquis ; et qu’il soit à dire, ait été dit, le mot
jouissait encore comme une catin. Ici, la possibilité d’une âme souillée qui ne
répondait à mes cris qu’un écho déformant : l’écriture active en moi
jouant de mes carillons pathétiques. Tu as menti, dit le Torchon, et de tes
carillons j’ai fait le bruit du tambour ; j’ai su les arbres ployés, la
génuflexion implicite d’un monde courbe où tu allais, ma petite angoisse, dans
une rectiligne magnificence – je t’ai absous. Et résolu j’inspecte le placard à
morve sans y trouver plus d’astres, comme hier, que déclinés, poussés au sol,
dessous l’égo et le piétinement infernal.
Et me disait encore, dans ce qu’il lui restait de langage audible
autre que le crissement insupportable du couard, l’obésité de ma paresse – les
regrets. Déjà tu vivras seul et comme entouré d’une seule Ombre gluante ;
et les taches seront sur ta peau, comme tu couvrais, par orgueil, le Torchon vierge
de ta prose. Elle cherchait à me dire sa souillure à travers moi, lorsque
souillée bien avant ma tonitruance elle avait déjà ses pantins, ses
ramasses-crottes dans les rivières, et leurs tamis de suffisances ; le
Torchon faisait sa conquête sur moi. Tiens ! Prends la feuille ; et
si le miroir est une méprise, tu sauras bien le mépriser d’en être une ;
tiens, ça se déchire, petite angoisse, et ça se mouille et se baffre – comme
les chiens avides. Il fallait le décorum, pauvre bête, pour qu’au remous
suivant s’exposent les premières plaies, celles qu’on n’inventait pas ;
amoureux seulement du Torchon et soumis à son indifférence.
Pour qu’aux premières lueurs d’un jour sans miracle, hagard et vivant de se sentir trembler, naisse une écriture différente.
Peut-être une autre phase du Torchon, disait le Lord qui
avait, dans sa petite boîte grise, embrassé depuis longtemps la cause de ses
barreaux ; tu sauras qu’il viendra le matin d’Eveil, car c’est le mot que
tu cherchais. Avec au nez la fraîcheur d’un vent quasi-pur ; dépouillé
d’une antique appartenance aux chaînes, et à la terre ; au matin d’Eveil,
tu descendais près de la rivière. Et marchant au milieu, les pieds bien au fond
de l’eau, tu traçais une ligne brisée par l’eau encore ; dans la réflexion
rêvée du monde. Et c’était là, hors de la chair et de la poussière, que tu savais :
une perception cristalline. Et riant de m’avoir presque dit l’histoire il
passait son manteau sur ses épaules, et s’endormait.
Entrait la Reine ; et magnifique elle déclamait au
lavabo l’autre langue ; que le Lord avait oublié. Tiens, disait-elle,
qu’avais-tu fait de ton paquet de couilles ; à le soupeser comme une
vierge – et l’écriture hors de toi, celle qui grouillait, celle dont tu disais
qu’elle grouillait, pauvre idiot ; la Reine était laide comme tout. On lui
donnait moins d’âge que moi et elle disait : je suis laide comme tout, je
porte les chaussons de nuages ; je sais les routes, le ciel, et les
ornières du fossé. Je sais encore, dans les chaudrons, la potentialité du mirage.
Et plus que le Lord elle insinuait la persistance et l’âcreté de ce juge, hors
de moi, hors du Torchon, hors de toute appartenance individuelle
maladive ; elle crachait des histoires de détartrage du cœur ; pas
d’autre récompense que la vision, horriblement courte et douloureuse, qu’il
n’existe rien qu’une esthétique de la tare. Et riant de m’avoir presque dit
l’histoire elle s’évanouissait, laissant à côté d’elle les tares à leurs abymes.
____________________
L’écriture a perdu sa noblesse : elle est devenue plus
humaine que moi. Je m’y raccrochais hier, dans la rage triste du mourant, comme
à un étendard ; aujourd’hui que je la sens palpiter, et que son humanité
remplace la mienne, elle ne m’intéresse plus. Mon corps froid n’en ressent plus
les chaleurs, et partant, je la juge : coupable de n’avoir pas su me
protéger, me juger, ni m’absoudre correctement ; coupable, dans sa
prétendue lumière, de n’être qu’un pendant de la déliquescence.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Guerre de la joie (prélude)
C’est rare que tu ne signes pas un texte... En tout cas la fin en italique démontre, si besoin en était, toute la noblesse de ton ressenti. Tu n’en serais peut-être pas au même point sans elle, mais c’est vain de le dire. La question est d’accepter et de ne pas dédaigner ce sentiment qu’elle t’inspire, même si ça te parait juste et plus honnête en somme ?
Dam.
Dam.
Re
L’écriture a perdu sa noblesse : elle est devenue plus
humaine que moi. Je m’y raccrochais hier, dans la rage triste du mourant, comme
à un étendard ; aujourd’hui que je la sens palpiter, et que son humanité
remplace la mienne, elle ne m’intéresse plus. Mon corps froid n’en ressent plus
les chaleurs, et partant, je la juge : coupable de n’avoir pas su me
protéger, me juger, ni m’absoudre correctement ; coupable, dans sa
prétendue lumière, de n’être qu’un pendant de la déliquescence.
Est-ce vraiment la fin Z ou n'est-ce qu'un début ?
Je sais, c'est tellement difficile...
humaine que moi. Je m’y raccrochais hier, dans la rage triste du mourant, comme
à un étendard ; aujourd’hui que je la sens palpiter, et que son humanité
remplace la mienne, elle ne m’intéresse plus. Mon corps froid n’en ressent plus
les chaleurs, et partant, je la juge : coupable de n’avoir pas su me
protéger, me juger, ni m’absoudre correctement ; coupable, dans sa
prétendue lumière, de n’être qu’un pendant de la déliquescence.
Est-ce vraiment la fin Z ou n'est-ce qu'un début ?
Je sais, c'est tellement difficile...
léo- MacadAccro
- Messages : 1224
Date d'inscription : 25/03/2010
Age : 40
Localisation : Nord
Re: Guerre de la joie (prélude)
Une grande respiration, avant de laisser l'écriture t'emporter de nouveau. Tu ne lui échapperas pas comme ça...
franskey- MacadAccro
- Messages : 599
Date d'inscription : 23/03/2011
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