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Comme des miettes...fragment 2
+2
Sylvie
gerard hocquet
6 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Poèmes
Page 1 sur 1
Comme des miettes...fragment 2
Fragment 2
Dans un temps d'avant nous avions douze ans
Dans le parc ombragé d'un château de craie bleue
Où les balles d'une autre guerre avaient laissé la trace de leurs giclées folles.
Pâques passées trop vite en famille,
Le jour allongé et les jeux permis tard,
Avant la dernière étude, étaient compensation,
Gourmandise d'air pur et pansement sur la séparation.
Dix ans avant 68, le père imposait encore
L'enclos de l'internat protecteur de déviances fantasmées,
Moule d'un parcours désigné et incontestable
Puisque généreux,
Et vétuste:
Les francs allaient à la construction d'une chapelle neuve
Plus démonstrative que le confort des élèves.
A chacun sa bassine et son broc émaillés dans le grand dortoir glacial
Où les lits usés grinçaient la nuit des baisers absents et des solitudes subies,
Avant les matins noirs, endormis à la messe,
Et les journées de bagne scolaire et de repas silencieux
Où les lectures publiques et exemplaires cacophonaient avec les fourchettes
Et les louches dans les plats de métal.
Le jeudi par tous les temps nous usions jusqu'à la corde de la cloche glas
La bouffée de plein air et nos jeux d'évasion
Dans la nature qui s'imposait partout, déjà,
Aux yeux en quête de rêves échappatoires
A la cime des sycomores, aux fenêtres mouvantes et étoilées des hêtres pourpres,
Aux courbes de l'allée des marronniers tendant leurs mains feuillues,
Et au coeur des orchis tachetés.
Elle cachait mal les boyaux cicatrices de la der des der,
Menant à Vimy ou Lorette, à leurs alignements interminables
Et cauchemardesques de croix blanches.
Les râles, les claquements de balles, les pluies de terre explosée
Nous assourdissaient quand nous courions dans les cratères pacifiés
D'herbe verte et de pâquerettes,
En écho aux lectures guerrières du professeur de grec,
Quand nous les avions méritées.
L'obsession est toujours restée
De la boucherie, de l'évitement du conflit par trop mortel
Et d'un embourbement salutaire au fond d'une tranchée imaginaire,
Sale mais vivant,
Quitte à ne rien voir des horizons fatalement destructeurs.
Entre les lits de camp des troupes de sécurité venues protéger le relais hertzien
Des improbables putchistes,
-Comment auraient-ils détruit ce dont ils auraient besoin ?-,
S'ânonnait le latin et la leçon sur la grenouille
S'improvisait dans la classe inondée d'un orage.
Les simulations de maladie pour échapper à la répétition rituelle des jours interminables
Avortaient à l'infirmerie où le curé n'était jamais dupe.
Il avait dû en passer par là.
Un jour de drame annonçait la mort de onze mineurs dont un cousin,
Ecrasés dans leur nacelle folle.
Le noir du charbon sur le noir de la guerre,
Un silence imposé de plus,
Et quelques injustices d'autres fois ajoutées à l'enfance volée.
Qui sait, à la maison, près d'un père aux facettes sombres,
Si la vie eut été moins grise?
Ce père absent, à la fois revenu et resté prisonnier de l'Allemagne
Et des secrets de la captivité.
Il reste de ces jours la beauté des arbres
Où échanger les secrets d'enfants
Dans la ramure où chante un vent d'avril dans les pousses tendres,
Le goût salé de la pluie sur la sueur des efforts exutoires à l'ennui
Et deux photos argentiques.
Les visages disent encore les noms
De copains imposés dont le lien n'a pas résisté à la dispersion,
Au fur et à mesure de l'effacement des vocations artificielles,
Comme des feuilles mourant vertes sur un arbre archaïque.
L'Esprit ne s'impose pas,
La doctrine, aussi exaltante qu'elle soit,
Ne se sert pas avec des mains salies de basses besognes,
Ni dans une contention contre-productive.
Elle s'esquisse et se construit avec le temps laissé au manque,
Dieu qu'il s'est fait attendre!
Dans un temps d'avant nous avions douze ans
Dans le parc ombragé d'un château de craie bleue
Où les balles d'une autre guerre avaient laissé la trace de leurs giclées folles.
Pâques passées trop vite en famille,
Le jour allongé et les jeux permis tard,
Avant la dernière étude, étaient compensation,
Gourmandise d'air pur et pansement sur la séparation.
Dix ans avant 68, le père imposait encore
L'enclos de l'internat protecteur de déviances fantasmées,
Moule d'un parcours désigné et incontestable
Puisque généreux,
Et vétuste:
Les francs allaient à la construction d'une chapelle neuve
Plus démonstrative que le confort des élèves.
A chacun sa bassine et son broc émaillés dans le grand dortoir glacial
Où les lits usés grinçaient la nuit des baisers absents et des solitudes subies,
Avant les matins noirs, endormis à la messe,
Et les journées de bagne scolaire et de repas silencieux
Où les lectures publiques et exemplaires cacophonaient avec les fourchettes
Et les louches dans les plats de métal.
Le jeudi par tous les temps nous usions jusqu'à la corde de la cloche glas
La bouffée de plein air et nos jeux d'évasion
Dans la nature qui s'imposait partout, déjà,
Aux yeux en quête de rêves échappatoires
A la cime des sycomores, aux fenêtres mouvantes et étoilées des hêtres pourpres,
Aux courbes de l'allée des marronniers tendant leurs mains feuillues,
Et au coeur des orchis tachetés.
Elle cachait mal les boyaux cicatrices de la der des der,
Menant à Vimy ou Lorette, à leurs alignements interminables
Et cauchemardesques de croix blanches.
Les râles, les claquements de balles, les pluies de terre explosée
Nous assourdissaient quand nous courions dans les cratères pacifiés
D'herbe verte et de pâquerettes,
En écho aux lectures guerrières du professeur de grec,
Quand nous les avions méritées.
L'obsession est toujours restée
De la boucherie, de l'évitement du conflit par trop mortel
Et d'un embourbement salutaire au fond d'une tranchée imaginaire,
Sale mais vivant,
Quitte à ne rien voir des horizons fatalement destructeurs.
Entre les lits de camp des troupes de sécurité venues protéger le relais hertzien
Des improbables putchistes,
-Comment auraient-ils détruit ce dont ils auraient besoin ?-,
S'ânonnait le latin et la leçon sur la grenouille
S'improvisait dans la classe inondée d'un orage.
Les simulations de maladie pour échapper à la répétition rituelle des jours interminables
Avortaient à l'infirmerie où le curé n'était jamais dupe.
Il avait dû en passer par là.
Un jour de drame annonçait la mort de onze mineurs dont un cousin,
Ecrasés dans leur nacelle folle.
Le noir du charbon sur le noir de la guerre,
Un silence imposé de plus,
Et quelques injustices d'autres fois ajoutées à l'enfance volée.
Qui sait, à la maison, près d'un père aux facettes sombres,
Si la vie eut été moins grise?
Ce père absent, à la fois revenu et resté prisonnier de l'Allemagne
Et des secrets de la captivité.
Il reste de ces jours la beauté des arbres
Où échanger les secrets d'enfants
Dans la ramure où chante un vent d'avril dans les pousses tendres,
Le goût salé de la pluie sur la sueur des efforts exutoires à l'ennui
Et deux photos argentiques.
Les visages disent encore les noms
De copains imposés dont le lien n'a pas résisté à la dispersion,
Au fur et à mesure de l'effacement des vocations artificielles,
Comme des feuilles mourant vertes sur un arbre archaïque.
L'Esprit ne s'impose pas,
La doctrine, aussi exaltante qu'elle soit,
Ne se sert pas avec des mains salies de basses besognes,
Ni dans une contention contre-productive.
Elle s'esquisse et se construit avec le temps laissé au manque,
Dieu qu'il s'est fait attendre!
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes...fragment 2
Dans ton texte, j'avais l'impression de voir un film où la poésie s'est mêlée au temps.
Sylvie
Sylvie
Re: Comme des miettes...fragment 2
La doctrine, aussi exaltante qu'elle soit,
Ne se sert pas avec des mains salies de basses besognes
Pour ça, et pour TOUT le reste :
Putain ! Putain ! Putain !
Tu t'es fait attendre, mais putain que c'est bon.
Nilo, à peine quelques années de moins.
Ne se sert pas avec des mains salies de basses besognes
Pour ça, et pour TOUT le reste :
Putain ! Putain ! Putain !
Tu t'es fait attendre, mais putain que c'est bon.
Nilo, à peine quelques années de moins.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Comme des miettes...fragment 2
merci de vos comms
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes...fragment 2
encore des miettes, ramassées sous la table, et dont j'ai fait un festin !!!
Yzaé, toujours gourmande ...
Yzaé, toujours gourmande ...
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme des miettes...fragment 2
Une plume au service du talent !
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: Comme des miettes...fragment 2
J'entends ta voix au coin d'un feu qui crépite; je deviens plus petite à t'écouter et à voir par les yeux fermés cette histoire-là.
C'est du 7ème art ici Contente de te retrouver Gého ( j'ai mis le temps, je sais )
C'est du 7ème art ici Contente de te retrouver Gého ( j'ai mis le temps, je sais )
Comateen- MacadMalade
- Messages : 370
Date d'inscription : 02/09/2009
Localisation : Au Sud du Nord & au Nord du Sud
Re: Comme des miettes...fragment 2
tu as mis le temps, mais qui es-tu? Peux-tu me dire tes autres pseudos?
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes...fragment 2
Un clic dans le Mur à Dédé et me revoilà sur ce deuxième fragment.
Pas déçu du voyage.
Comme quoi revenir sur ses pas peut s'avérer profitable.
Nilo, un pas en avant deux pas en arrière...
Pas déçu du voyage.
Comme quoi revenir sur ses pas peut s'avérer profitable.
Nilo, un pas en avant deux pas en arrière...
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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