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Comme des miettes, fragment 12
3 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Poèmes
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Comme des miettes, fragment 12
Fragment 12
Du bac à sable j'ai regardé le « chapeau de Napoléon »
comme ils appelaient cette crête en forme de bicorne,
et j'ai pleuré d'être laissé seul tandis qu'ils allaient marcher là-haut.
A deux ans on ne mesure pas que la montagne est inaccessible
et de cette garderie de Gap,
au milieu d'un beau jardin,
je criai mon premier sentiment de frustration.
Je m'empressai à douze ans de l'effacer
et de franchir les éboulis menant au pic de Charance,
à partir du lac et avec les cousins.
La première de courses régulières si possible jusqu'aux névés.
Comme une manière de toucher l'éternité,
d'embrasser l'étendue des réalités et de mon ignorance.
Une façon de faire l'amour à la terre,
dans cet effort d'atteindre les cols et le ciel
et ces espaces de liberté sans clôtures
où la lumière est plus claire, l'air plus pur
les fleurs plus vives,
l'eau plus limpide et les arbres plus verts.
Les roches et leurs plis témoins du magma torturé
et des origines millénaires situant le moi à sa place infime.
Aux fontes de juin, j'ai traqué la soldanelle
face au pic d'Olan dans son décor de rhododendrons écarlates,
et un matin de quatorze juillet enneigé,
cherchant où capter l'eau pour le copain berger en alpage,
je suis tombé nez à nez sur des edelweiss géantes et sur le génépi.
Derrière, dans la déchirure des stratus,
le lac turquoise de Savines s'évanouissait lointain
et sous le chapeau noir à larges bords l'oeil brilla plus émerveillé.
Comme autour de ce lac au pied du mont Viso,
au belvédère inoublié depuis l'enfance,
à la recherche de gentiana verna au bleu de Prusse incomparable.
Encore une heure de grimpe dans le chaos pierreux
et le géant italien était à portée de la main
au bout d'une immense dalle verdâtre.
Autour, les monts transalpins et les champs de doronics,
en contre-bas, le ciel dans un miroir liquide,
écho d'un lac du col Bayard
et de sa photo en noir et blanc, magnifique émotion volée
d'une indiscrétion dans les archives paternelles.
On ne peut jamais s'attarder dans ces lieux magiques
aux courants d'air glacés,
et les photos comme les mots ne fixent pas tout à fait
cette jouissance particulière d'être au balcon du monde,
après le pas à pas tendu et essoufflé.
L'acteur, après son numéro, le peintre,
après son envol, doivent connaître cet état second.
Quand le jour s'estompe, dans le silence paisible du campement,
je rumine cette nourriture pour en fixer les ingrédients
et les saveurs, oubliant le temps d'épluchage.
Du bac à sable j'ai regardé le « chapeau de Napoléon »
comme ils appelaient cette crête en forme de bicorne,
et j'ai pleuré d'être laissé seul tandis qu'ils allaient marcher là-haut.
A deux ans on ne mesure pas que la montagne est inaccessible
et de cette garderie de Gap,
au milieu d'un beau jardin,
je criai mon premier sentiment de frustration.
Je m'empressai à douze ans de l'effacer
et de franchir les éboulis menant au pic de Charance,
à partir du lac et avec les cousins.
La première de courses régulières si possible jusqu'aux névés.
Comme une manière de toucher l'éternité,
d'embrasser l'étendue des réalités et de mon ignorance.
Une façon de faire l'amour à la terre,
dans cet effort d'atteindre les cols et le ciel
et ces espaces de liberté sans clôtures
où la lumière est plus claire, l'air plus pur
les fleurs plus vives,
l'eau plus limpide et les arbres plus verts.
Les roches et leurs plis témoins du magma torturé
et des origines millénaires situant le moi à sa place infime.
Aux fontes de juin, j'ai traqué la soldanelle
face au pic d'Olan dans son décor de rhododendrons écarlates,
et un matin de quatorze juillet enneigé,
cherchant où capter l'eau pour le copain berger en alpage,
je suis tombé nez à nez sur des edelweiss géantes et sur le génépi.
Derrière, dans la déchirure des stratus,
le lac turquoise de Savines s'évanouissait lointain
et sous le chapeau noir à larges bords l'oeil brilla plus émerveillé.
Comme autour de ce lac au pied du mont Viso,
au belvédère inoublié depuis l'enfance,
à la recherche de gentiana verna au bleu de Prusse incomparable.
Encore une heure de grimpe dans le chaos pierreux
et le géant italien était à portée de la main
au bout d'une immense dalle verdâtre.
Autour, les monts transalpins et les champs de doronics,
en contre-bas, le ciel dans un miroir liquide,
écho d'un lac du col Bayard
et de sa photo en noir et blanc, magnifique émotion volée
d'une indiscrétion dans les archives paternelles.
On ne peut jamais s'attarder dans ces lieux magiques
aux courants d'air glacés,
et les photos comme les mots ne fixent pas tout à fait
cette jouissance particulière d'être au balcon du monde,
après le pas à pas tendu et essoufflé.
L'acteur, après son numéro, le peintre,
après son envol, doivent connaître cet état second.
Quand le jour s'estompe, dans le silence paisible du campement,
je rumine cette nourriture pour en fixer les ingrédients
et les saveurs, oubliant le temps d'épluchage.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes, fragment 12
merci encore pour tes " miettes ", Gérard ...
dans celles-ci, j'y ai retrouvé cet amour de la nature que tu décris si bien ...
et, en plus, comme pour d'autres miettes, des souvenirs ou des paysages communs ...
moi aussi, j'ai traqué la soldanelle, la gentiane, les edelweiss que j'ai admirées en espérant que personne ne les cueillerait autrement qu'en photo ...
j'ai fait de la voile sur l'eau turquoise de Savines ...
c'était il y a si longtemps ...
merci d' avoir fait remonter ces souvenirs-là, ils sont si bons ...
Yzaé
dans celles-ci, j'y ai retrouvé cet amour de la nature que tu décris si bien ...
et, en plus, comme pour d'autres miettes, des souvenirs ou des paysages communs ...
moi aussi, j'ai traqué la soldanelle, la gentiane, les edelweiss que j'ai admirées en espérant que personne ne les cueillerait autrement qu'en photo ...
j'ai fait de la voile sur l'eau turquoise de Savines ...
c'était il y a si longtemps ...
merci d' avoir fait remonter ces souvenirs-là, ils sont si bons ...
Yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme des miettes, fragment 12
Que de belles descriptions de tes (nos ?) souvenirs d'enfant.
Décidément ces miettes sont bonnes comme du bon pain.
Nilo, un grand-père dans la boulange.
Décidément ces miettes sont bonnes comme du bon pain.
Nilo, un grand-père dans la boulange.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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