Comme des miettes...fragment 9

Fragment 9

L'été du Nord s'étale sur des plages infinies
lavées par les marées aux cadences immuables.
Des collines crayeuses de Camiers
où nous revenions en septembre cueillir les mûres parfumées,
on peut voir le cordon de dunes
couvertes d'oyats, d'ajoncs, de saules et de trembles
s'étendre jusqu'à Etaples et au Touquet
au sud-ouest
et jusqu'à Hardelot au nord-est,
puis cet entre-deux de sable fin et blond
et les écailles écumeuses de la Manche
aux assauts silencieux et lents.
Entre ces extrémités, Sainte Cécile
et Saint Gabriel ont vu accourir après la guerre
de nouveaux envahisseurs saisonniers pour prendre possession
des blockhaus abandonnés du Mur de l'Atlantique.
Certains s'enlisaient peu à peu dans le sable
au fur et à mesure d'un travail érodeur et conjoint:
le rognage des vents et des eaux.
La nature reprend toujours et lentement sa marque
sur l'empreinte des hommes et leur orgueil,
elle atténue simultanément la mémoire endolorie des victimes.
Là où il n'y avait qu'un hôtel blindé improbable
à l'entrée de la plage
et quelques villas des années trente aux charpentes sophistiquées
ont émergé des résidences multiples et quelconques.
Avec les cousins et les cousines nous roulions
du haut en bas des dunes chaudes,
courions chancelants jusqu'aux vagues laver notre peau émeri
par des plongeons dans les rouleaux
avant qu'ils ne s'abattent avec fracas,
couvrant nos cris joyeux.
Nous allions d'autres fois
pêcher au grappin dans la Canche,
y accrocher par hasard une plie ou un carrelet,
ou ramasser les coques
dont les jets chatouillaient les pieds,
toujours suivant la laisse de haute mer à l'affût de trésors:
bois flottés, boules de verre coloré perdues
par les filets des caboteurs, bouts de cordages
blanchis par le sel,
avec l'espoir de bouteilles à messages venues d'au-delà les eaux.
Le vent érodant les talus,
la mer qui se retire,
laissaient des écritures comme des canyons, des arbres ramifiés aux reflets d'argent
des lignes de mains douces à l'oeil
et douloureuses aux pieds nus,
de celles qu'on observe au-dessus des nuages
ou dans les ciels de Van Gogh,
elles faisaient imaginer des méduses
et des sirènes aux doigts d'artistes
déposant encore les algues en arabesques brunes.
Au large, les bateaux jouaient à saute-mouton
et traînaient leurs chaluts dans un doux ronronnement.
Et le pêcheur de crevettes poussait son filet calé sur la hanche
au fond des bâches, lagunes éphémères,
sans cesse remodelées par les courants.
Et après l'horizon, qu'y a-t-il?
Peu importe puisqu'ici était l'ailleurs
où les goulées de vie rassasiaient
faisant oublier le noir des terrils.
Le jour commençait et finissait par la mer.
Il fallait se gaver de ses rythmes, de ses lumières,
de ses odeurs portées par l'air vif,
l'eau et le vent mariés dans leurs musiques multiples
par l'astre bienveillant.
Des plaisirs simples.

Et après l'horizon, qu'y a-t-il ?

Peut-être toutes ces questions que l'on se pose.
Peut-être toutes ces descriptions de notre enfance que tu nous fais à nous qui sommes de ta génération, même si ce n'est pas tout à fait la même.
Peut-être cette envie d'y aller voir...

Nilo, en marche.

encore des plantes et des arbres ... et puis des coquillages ....
quels plaisirs simples tu nous fais revivre, à chacune de tes miettes !
Yzaé, vivement la 10ème !

Comment se fait-l qu'il y ait eu si peu de lectures et seulement deux commentaires sur ce texte ?
Il y a des silences qui me laissent sans voix.
Et remercions Saint Dédé et son idée de porter secours aux disparus.

Nilo, voie de recours.

Une lecture attentionnée ; l'évocation douce et riche des souvenirs personnels en appelant d'autres ; un partage heureux, qui fait du bien.

Dam rêveur.

Bonjour Gérard,

J'ai lu ton livre et il me vient l'envie de t'écrire pour te féliciter. J'ai tout aimé, avec une attention particulière pour la dernière partie, les peintres et tes mots pour les saluer (et de fort belle manière !) J'ai apprécié ce moment.
Cela m'a rappelé le temps où j'étudiais l'histoire de l'art à Paris Belleville (fin des années 80)
Cela m'a rappelé aussi un livre de Paul Gauguin intitulé "Avant et après". Ta poésie, je l'ai trouvée très douce, et très belle, elle m'a beaucoup plu. Parce qu'elle est profonde et sincère, décomplexée ! Elle exprime parfaitement les sentiments, les humeurs, les sensations premières sans tomber dans le compassionnel, sans amertume ni regrets, pour laisser le lecteur libre de se faire une idée et rêver, surtout rêver. Mission accomplie et réussie de main de maitre.

Voilà Gérard,
Avec mes remerciements
Sincèrement,

Damien Bartolo.

J'ai ré-écouté cet a.m. radio laser, l'émission Tea time du 8 mars, où Gérard parle de son livre.
On retrouve cette douceur et cette authenticité dans la voix de Gérard. Espérons que bientôt nous pourrons lire une autre recueil des "fragments", et voir le regard que Gérard porte sur deux autres peintres.
Carmen

Ce n'est pas parce qu'il y a le PUTCH Dédé qu'il faut négliger le Mur à Dédé.
Donc, partisan de l'alternance (je ne parle pas politique) je viens de cogner dans le mur.
Il en est tombé ces miettes, je les laisse sur la table pour que chacun puisse s'en nourrir.

Nilo, ramasse miettes.

peut-être parce qu'il y a plus de "déposeurs" de textes que de participants....
J'ai lu avec plaisir ces instantanés de bonheur simple. Je me demandais juste : pourquoi cette forme et non, un texte courts sans retours à la ligne... Et puis les mûres en septembre, vache ! elle mûrissent tard là-bas !

je me sens un peu concerné comme "déposeur de textes" car je ne commente pas beaucoup ni n'échange beaucoup...C'est plus faute de temps que par mépris. Je privilégie un autre forum pour ça et ne peux pas me démultiplier.
Pourquoi les retours à la ligne ? Pour la respiration, la mienne. J' ai essayé sans, ce n'est pas la même lecture et j'ai voulu cette musique là.
Oui les mûres mûrissent tard dans le Pas de Calais.
Si tu as d'autres questions...
Merci d'être passé par ici.

non, rien d'autre... merci pour les explications.

"Je privilégie un autre forum pour ça et ne peux pas me démultiplier."

Les miettes c'est donc ce que tu nous consents?

De toutes facons, c'est le cas de bien trop de gens ici...
Pour tout dire, je vais de mon coté arreter de m'investir autant pour faire une vitrine de qualité a des gens qui s'investissent ailleurs..Raz le bol!

Il suffit de regarder le nombre de lectures, ici vous êtes beaucoup lus , parce que Nilo et moi, on se casse la tête pour cela et on s'investit.
Ici , on s'est donné du mal pour editer un recueil , un vrai livre ..une oeuvre collective mais c'est utopie ! au final, plus de la moitié de ceux qui sont dessus, on ne les voit pratiquemment pas ici...et je ne parle pas de ceux qui n'ont strictement rien dit apres l'avoir reçu, ni merde, ni c'est bien, rien du tout..
La prochaine fois, je perdrais mon temps pour mon propre interet et pour mes vrais amis.

Ne prends pas la mouche pour ça, Lalou.
J'ai dit la réalité de ce qui m'est possible, mais je ne viens pas ici que pour montrer ce que je fais( je fais bien d'autres choses que je ne montre pas ici), je prends le temps aussi de lire et de commenter.
Je suis venu ici sur invitation de Nilo. J'étais déjà engagé ailleurs. J'ai négligé un forum pour être plus avec vous et par ailleurs, j'ai une vie citoyenne bien remplie de bénévole engagé. C'est tout simple : une journée a 24 heures et je ne peux pas en ajouter.
Et si je ne suis pas là plus souvent, c'est par manque de temps plus que par choix de ne pas en faire trop.
Merci pour ce que vous faites, toi et Nilo. Je ne sais pas comment vous pouvez avoir cette présence quasi continue. Mais sache que je respecte cela, je l'admire aussi. Je ne peux pas en faire autant sans avoir à renoncer à d'autres engagements qui m'importent et qui existaient bien avant Macadam.
Vos ambitions vous honorent, mais peut-être vous faut-il les limiter au possible en fonction de ce que d'autres peuvent donner.
Et si par ailleurs vous estimez que certains membres ne jouent pas assez le jeu, demandez-leur pourquoi. Si vous estimez que c'est mon cas, je viens de dire pourquoi, et cela ne me gènerait pas de ne plus poster sur ce forum.
Amicalement, Gérard.

Dommage d'en être resté là.
Ce qui n'empêche que je viens de taper dans le Mur à Dédé et que ce texte malgré les "humeurs" de son auteur mérite bien d'être lu et relu.

Nilo, dommage.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Quatorzième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

Des miettes de bonheur...j'ai aimé.

Chantal