Vive la crise ! (Chronicle)

Vive la crise ! (Chronicle)


Dédé: Salut les gonzesses. C'est Dédé.

Dédé: Vive la crise !

Dédé: Vous en faites pas, j'vais pas vous parler d'vot pognon. D'abord pasque vous faites rien qu'à dire qu'vous en avez pas. Et puis pasque'y m'intéresserait qu'pour vous l'niquer au poker. Alors comme vous voudrez pas jouer avec moi y m'intéresse pas. En plus vous en avez pas. Mentez pas, j'le sais qu'vous en avez pas. C'est vot' banquier qui l'a vot pognon. Et y voudra jamais vous l'prêter. Ben ouais, les banquiers ça prête pas aux pauvres. Les banquiers aux pauvres y font rien qu'à leur prendre leur pognon pour pouvoir devenir riches. Et après y s'envoient en l'air avec des parachutes dorés. Putain le pied ! Monter au ciel avec l'argent des pauvres qui vivent l'enfer. J'me verrais bien banquier moi.

Dédé: J'me mettrais à la table du poker du monde avec des as plein les manches. Comme les autres. Et j'les regar'drais avec leur cartes et leur cave. Un brelan et quelques dizaines de milliards de dollars à gauche (façon d'parler) contre une double paire et quelques dizaines de milliards d'euros à droite (façon d'parler). Et qui c'est qu'irait s'faire mettre, ben le banquier de gauche. Normal à l'Est d'Eden on sait pas sauter en parachute. On s'prend une grosse faillite en travers de la gueule, on met ses golden boys sur le trottoir de Wall Street, la rue qui va droit dans l'mur, et on s'fait saisir son pavillon d'banlieue chic payé avec les crédits hypothécaires des pauvres. Putain, qu'est c'que j'aim'rai jouer au poker avec ces nazes. Vous imaginez, tous les banquiers d'la terre à la même table, la mienne ? Non vous pouvez pas imaginer, vous savez pas jouer au poker.

Dédé: J'vais vous donner un truc, pour si des fois vous avez envie d'essayer. Quand vous êtes à une table depuis une demi-heure et qu'vous savez toujours pas qui c'est l'pigeon, c'est qu'c'est vous.

Dédé: Ben là les banquiers du monde y sont à table depuis des mois et y cherchent encore qui c'est l'pigeon. Mais eux y s'en tapent. Le pigeon c'est vous. Avec vos économies à la p'tite semaine et vos crédits revolving qui vous auront à l'usure. Y s'en tapent d'autant plus qu'vous êtes bien trop près d'vos sous qui sont à eux pour faire attention à la mise. Y vous niquent et vous y retournez à la banque. Faut être con quand même. Moi, quand j'vais à la banque c'est juste pour poser un chèque et j'y r'tourne deux jours après pour tirer la fraiche. Ouais au poker faut jouer d'la fraiche, sinon t'es pas crédible. Y a qu'les banquiers pour jouer à crédit. Y s'en foutent c'est vos cédits à vous qu'y jouent. Et vous, vous en faites du crédit.

Dédé: Alors venez pas vous plaindre après qu'vous avez pas d'pognon. Qu'vous travaillez trop pour pas assez. Au lieu d'feignasser au bureau ou à l'usine vous avez qu'à vous r'muer l'cul et fabriquer d'la fausse monnaie, d'la vraie j'veux dire. Enfin, soyons clair, d'la vraie fausse monnaie. Allez pas croire que j'm'embrouille. Ouais c'est ça le jeu. T'arrives avec un peu, tu r'pars avec beaucoup. Ou rien. Si tu gagnes tu gagnes beaucoup. Si tu perds qu'as presque rien perdu. C'est tout bénef pour pas grand risque. Mais faut des couilles. Et pas d'enfants.

Dédé: Ah ouais c'est ça, vous allez m'dire qu'vous avez des enfants. Et pourquoi pas une femme tant qu'vous y êtes. Pasque si c'est ça c'est même pas la peine d'y penser au poker. Les gonzesses elles aiment pas ça. Elles préfèrent les montres en or et les rivières de diamants. Au point où vous en êtes elle est sans retour la rivière. Et question montre il vous reste le bling-bling made in Taïwan pour frimer. Et encore j'vous parle pas de c'que vos gosses ont pas à grailler dans leur assiette. DE LA FAUSSE MONNAIE j'vous dit, et d'la vraie. La vôtre en langage syndical on appelle ça le travail. Ben oui ! T'as rien, tu passes un peu de temps à rien foutre et tu ressors avec quelques biftons qu'ont plus d'valeur à peine dans ton larfeuille. T'es un faux monnayeur qui s'ignore si tu vas à l'usine. Tu risques gros. Et pourquoi ? Du papier-cul démonétisé !

Dédé: Il avait raison Gainsbarre de les cramer les Pascal. Rien qu'à faire ça il a vendu plus de disques que jamais il en avait vendu avant. Un vrai joueur de poker. Y s'assoit avec cinquante sacs et quand y s'relève une heure après il a des biftons plein les fouilles. Et les pigeons lui mangent dans la main. Putain, sacré joueur.

Dédé: Bon d'accord, les banquiers y z'aiment pas qu'on crame leur pognon. Y a qu'eux qu'ont l'droit flamber. N'empêche que maintenant y z'ont le feu au cul et qu'y trouvent plus les extincteurs. Normal, y z'en ont jamais eu des extincteurs. Seul'ment maint'nant qu'tous les fusibles ont sauté y a plus rien qu'empêche le feu d'se propager. Et qui c'est qui va jouer les pompiers. Ben c'est vous tas de tarés. Avec vos éconocroques parties en fumée et vos p'tits bras agités pour faire du vent sur les terres brûlées. Vous avez l'air malin, j'vous jure à puiser dans l'désert pour trouver d'la fraiche. Putain, sortez vous les doigts du cul et allez leur mettre des baffes. J'veux dire allez r'prendre le peu d'pognon qui vous reste, si y vous en reste après la débâcle, et v'nez jouer au poker. Et même au poker menteur si vous voulez. J'ai les dés j'vous invite à ma table.

Dédé: Pour pas qu'vous disiez qu'j'vous prend en traître j'vous précise tout d'suite que Papy y joue aussi. Papy y m'a toujours dit "dette de jeu, dette d'honneur". Faut dire qu'à La Brise de Mer on badine pas avec l'honneur. Et qu'les fausses Rolex on les accepte pas pour sauver son honneur. Alors vous pouvez toujours venir avec vot' fausse monnaie mais faut savoir qu'on vous la prendra qu'au cinqième de sa valeur. Ca vous changera pas trop. Entre la dévaluation, cet putain d'euro de merde surcoté, vos crédits à vingt pour cent, le coût d'la vie qu'arrête pas d'grimper (et pas aux rideaux) et l'pouvoir d'achat qui baisse à vous en faire pleurer, si vous tenez compte de vot' lyer, d'la bouffe du chat (pendant qu'vos enfants ont rien à becqueter, vous avez pas honte !) du crédit d'la bagnole et d'l'écran plat (pour même pas r'garder la télé. Dites pas non, c'est vous qu'arrêtez pas d'le dire) et d'vos forfait illimités pour avoir l'heure, y vous les reste même pas les vingt pour cent. Alors v'nez tenter votre chance. Si vous perdez vous pourrez au moins repartir la conscience tranquille, vous aurez fait deux heureux. Ouais, Papy et moi. Ca vous f'rait pas plaisir qu'on soit un peu heureux nous aussi ? C'est vrai quoi, depuis l'temps qu'on vous voit nager dans l'bonheur d'vous faire mettre on aim'rait savoir c'que sait nous aussi le bonheur. De vous avoir mis.

Dédé: Allez, faites pas la gueule, je plaisante. J'sais bien qu'vous viendrez jamais jouer avec nous. J'disais ça pour vous taquiner. En plus on joue jamais avec des gens qu'on connaît. On a trop peur d'leur faire de la peine. Puis aussi, ça nous fait chier d'voir pleurnicher ceux qui perdent et comme on pourrait les rembourser qu'à coups de barre à mine y pleureraient encore plus et on aurait encore plus de peine. Un cercle vicieux quoi. Vous avez rien à craindre, on est pas vicieux.

Dédé: Allez, pour vous distraire et vous montrer que je vous en veux pas d'pas jouer avec nous. J'vous livre un truc que j'ai trouvé dans… Là normalement vous auriez déjà du crier tous en chœur "LIBERATION". Mais j'viens d'vous prendre en défaut. Y en a pas un qu'a osé l'ouvrir. C'est vrai qu'vous êtes un peu timides, un peu renfrognés, qu'vous avez pas envie dans la morosité ambiante de vous répandre en cris de joie et qu'vous lisez pas Libé. Attention, moi non plus j'lis pas Libé. J'l'épluche pour y trouver de vraies belles conneries à vous raconter. Juste pour vous faire plaisir, pasque je sais qu'c'est pas les occasions de rire qui encombrent vot' quotidien. Alors vous d'vriez me remercier au lieu d'faire la gueule à longueur de temps. C'est vrai quoi, vous êtes dans la mouise, plus d'pognon, plus crédit, plus d'espoir à court terme. Vot' boulot qu'vous allez perdre, pas un rond pour ach'ter Libé. Et moi j'perds du temps pour vous et vous dites même pas merci. Tiens, vous pourriez dire merci à Papy tant qu'vous y êtes pasque c'est quand même lui qui l'paye Libé. Ouais moi j'ai autre chose à faire de mon pognon que d'le claquer dans un canard de gauche qu'à mal à ses bobos.

Dédé: Donc, j'vous ai trouvé un truc dans Libé (N° 8524 du 1er octobre 2008. Ouais j'ai un peu tardé à vous l'dire mais c'est qu'j'étais occupé au poker avec vos banquiers, excusez moi), le titre c'est (en grosses lettres noires, une mise en scène pasque vu le titre y pouvaient pas le faire en rouge) :
BHL- Houellebecq
Le duo des
Bêtes noires
Ca commence bien, vous trouvez pas ? Attendez, c'est quand même après que ça devient intéressant. Ouais je sais, dans Libé quand t'as lu l'titre t'as tout lu. Ben pas là. Y donnent la parole à nos deux monstres sacrés. Alors j'y vais. In extenso comme toujours pour du Libé :
"BHL a l'honnêteté d'écrire : "on a nos zones de bêtise, bien sûr –à commencer par cette tentation de la paranoïa qui nous guette, là, par exemple dans cette correspondance…"
Ben ouais, l'in extenso y s'arrête là pour BHL, j'y peux rien.
L'amertume est plus profonde chez Houellebecq (c'est Libé qui l'dit) :
"les gens disent, quoi, maintenant vous avez la notoriété et le fric, de quoi vous vous plaignez ? […] Il faut en général se mettre une balle pour qu'on commence à comprendre que vous parliez sérieusement."
Ouais les […] y sont aussi dans Libé !
Là j'arrête l'in extenso pour vous faire grâce du discours lénifiant sur la méthode et les motivations de l'un et de l'autre et je reprends à ce morceau d'anthologie en Libé dans le texte :
"Sans aller jusqu'à verser dans la psychologie, force est de constater les tendances dépressives de l'un et la splendide volonté guerrière de l'autre"
Ah, y sont beau nos comiques. Y nous f'raient presqu'oublier qu'vous avez mal au cul.

Dédé: Tout ça en plein pendant que les finances mondiales s'effondrent, que vos économies se font la malle, que vos gamins ont plus rien à croûter, que vot' chat perd ses poils, que vot gonzesse met ses bijoux au clou et que vous déprimez grave.

Dédé: J'vous l'dis. Vive la crise !


Ciao les gonzesses, c'était Dédé.