Bon anniversaire. (Chronicle)

Bon anniversaire. (Chronicle)


Dédé: Salut les gonzesses. C'est Dédé.

Dédé: Bon anniversaire.

Dédé: Cherchez pas bande de nazes ingrats, c'est le mien que j'me souhaite. D'abord les vôtres de dates de naissance j'les connais pas. La mienne si, comme celles de P'pa, M'man et Papy. Les autres je m'en tape, comme ça j'ai même pas besoin d'faire semblant d'avoir oublié d'téléphoner ou d'faire un cadeau. Ouais, j'suis né un 29 novembre. D'accord on est l'trente mais allez pas croire que j'suis né d'hier, et l'année j'vous la dirai pas, comme ça vous continuerez à vous d'mander quel âge j'ai. Pendant que vous d'mandez ça au moins vous dites pas des conneries. J'le vois bien qu'ça vous tarabuste. D'abord vous arrêtez pas d'me l'demander mon âge, comme si ça pouvait changer quelque chose à c'que vous pensez d'moi. J'en ai rien à battre de c'que vous pensez d'moi. J'en vois queq'uns qui s'disent "pourquoi il se souhaite son anniversaire le lendemain ?". C'est simple, hier j'étais trop raide pour y penser. C'est vrai aussi qu'j'étais raide pasque j'l'arrosais avec des potes, mais après j'ai plus pensé à m'le souhaiter. Alors j'me le souhaite aujourd'hui.

Dédé: Puis comme ça j'me souhaite ma fête en même temps. Ouais, aujourd'hui c'est la Saint Dédé. C'est chouette d'avoir sa fête le lend'main d'son anniversaire, on craint pas d'oublier, et puis comme la fête ça se souhaite la veille on peut faire les deux en même temps. Sauf moi, j'fais tout l'lend'main. Après la cuite. Pasque j'vous dis pas la gueule de bois qu'j'avais ce matin en m'levant. Un peu comme P'pa le lendemain du jour où j'suis né. C'est pour ça que j'm'appelle Dédé. Il était tellement bourré que quand il est allé m'déclarer à la mairie y savait plus quel prénom y z'avaient choisi avec M'man. Alors il a demandé à la gonzesse de l'état civil "c'est la saint quoi aujourd'hui ?" "La Saint André" elle lui a répondu avec l'air aimable des fonctionnaires qu'y faut pas déranger pendant la sieste. Et c'est comme ça que, depuis, j'm'appelle Dédé. Ca vous la coupe hein ?

Dédé: Vous avez vu, pour une fois j'suis rentré directement dans le vif du sujet. Faut dire que quand j'parle de moi y a rien qui peut m'distraire, à part une gonzesse qui s'rait un peu câline. Mais là j'en ai pas ram'né hier soir. Enfin, ce matin plutôt pasque si j'me souviens bien c'était déjà le jour de ma fête quand j'ai fini de me souhaiter mon anniversaire. Et à l'heure où j'suis rentré et vu l'état dans l'quel j'étais y avait pas beaucoup d'greluches volontaires pour venir me border. Elles craignaient trop les débordements. Donc je parle encore de moi, de moi, rien qu'de moi. Ca vous change. Pendant c'temps là au moins j'vous parle pas d'Pimprenelle qui veut la place de Nicolas ni d'Martine qui rit même pas quand on la…

Dédé: Aïe ! Putain là c'est Papy qui r'gardait par dessus mon épaule et qui vient d'm'en coller une. Ca m'apprendra à faire attention. Non pas à c'que j'écris, à vérifier que Papy il est pas là quand j'l'écris. Mais là j'croyais qu'y roupillait encore pasqu'avec tout c'qu'il a bu hier soir y devrait pas être en état d'tenir debout. C'est simple il était plus défoncé qu'moi. A mon avis y s'fait vieux. Faudrait que j'le surveille quand on part en virée comme ça. Ou que j'le laisse à M'man. C'est vrai qu'ça craint un peu quand on sort avec Papy. Si vous voulez des emmerdements vous avez qu'à l'emmener en bringue avec vous. Y vous fout un souk de première chez vos potes et dans vot' bistro en moins de temps qu'y faut à un éjaculateur précoce pour tirer une gonzesse un peu entreprenante. Des fois quand il est bien fait y pisse dans l'frigo ou dans une armoire de fringues, et puis après y s'barre boire un canon ailleurs. Et si vous essayez d'le rattraper et qu'vous croisez une bagnole de flics tirez vous en courant et laissez-le se démerder, c'est comme ça qu'vous aurez l'moins d'chances de finir votre soirée au poste. Faut dire qu'Papy déjà d'avance il est pas fin quand il est saoul et qu'il est pas fin non plus avec les bleus, alors quand y a conjonction des deux ça peut pêter et dégénérer grave. Je crois que Papy et les flics y sont humoristiquement incompatibles. Et je crains qu'on ait pas encore inventé l'médicament anti-rejet.

Dédé: Et voilà, ça y est, j'me suis laissé distraire. J'ai arrêté d'vous parler d'moi pour vous parler d'Papy. J'voulais pas mais c'est plus fort que moi. Dès que j'pense à moi j'pense à Papy. Faut dire qu'ça a commencé tôt entre nous. La première fois que j'ai vu j'avais deux jours. C'était au fond d'une cave qui ressemblait à une église, y'avait des bougies sur les marches, des peintures sur les murs, des mecs qui lui parlaient d'pognon, des gonzesses et des bouteilles partout. Les gonzesses et les bougies ç'était pour faire joli et les bouteilles pour aider les mecs à parler d'pognon avec Papy. Faut dire qu'y en avait des jolies des gonzesses. Ca doit être pour ça que j'les aime tant. J'suis tombé dedans tout p'tit. Et dans la bibine par la même occasion. En plus ce jour là Papy y m'a offert ma première fiancée. Gaby elle s'app'lait. Elle s'appelle toujours Gaby mais elle me fait chier, elle est collante. Alors depuis j'l'ai refilée à un de mes cousins, y s'appelle Barnabé mais il est tellement chiant (c'est pour ça qu'j'lui ai r'filé Gaby) que moi j'l'appelle Barnaburne. Y vont bien ensemble. Il est aussi bleu qu'elle est rouge c'est vous dire si y vont bien ensemble. Et venez pas m'dire que vous en avez rien à foutre, pour une fois que j'vous parle de ma famille, que j'me dévoile un peu et que j'suis sérieux vous pourriez au moins être attentifs.

Dédé: Sans compter que sinon, un jour, au hasard d'une chronicle où j'vous parlerai de choses et d'autres j'évoquerai Gaby et que là y en aura forcément un pour m'interrompre et me demander "Qui c'est Gaby ?" et que j'l'enverrai paître en lui disant qu'il avait qu'à écouter quand j'parlais d'moi le jour de mon anniversaire. Non mais c'est vrai ça ! A quoi ça sert que j'vous fasse des confidences si vous écoutez pas. Si c'est c'que vous voulez j'vais finir par plus vous parler qu'de politique et j'suis pas sûr qu'ça plaise à tout l'monde. Sans compter que j'm'en tape de la politique et qu'j'y connais rien mais qu'ça m'fait marrer de les voir s'écharper en se traitant de tous les noms d'oiseaux vivants ou disparus. Alors si vous m'emmerdez j'vais faire des recherches ornithologiques dans les branches mortes des sous-bois des allées du pouvoir pour vous pondre (ouais, j'parle d'oiseaux alors faut bien que je soigne mon champ sémantique) un truc aussi chiant qu'une motion socialiste.

Dédé: Donc j'vous disais qu'j'ai rencontré Papy au fond d'une cave qui ressemblait à une église. Moi j'savais pas c'que c'était une église, ni une cave. P'pa y m'a expliqué. Il a d'ailleurs mieux expliqué pour la cave que pour l'église. Là c'est M'man qui s'y est collée. C'est comme ça qu'à peine né j'ai appris deux choses importantes le même jour et qu'depuis je sais pourquoi y a du vin à la messe. Après j'en ai vues d'autres des caves et des églises, mais plus de caves quand même. Avec Papy. Ouais, Papy c'est un explorateur de vieilles pierres, une sorte de Commandant Cousteau des bas-fonds et des hauts-lieux. Y rate pas une occasion de descendre dans une cave ni une de rentrer dans une église. Mais sur son ch'min j'crois qu'y a eu plus de caves que d'églises. Enfin jusqu'à maintenant en tout cas. Ou alors c'est qu'y m'a caché des églises… faudra que j'demande à Maman. Ouais pasque Maman elle le connaît bien Papy. C'est sa fille. C'est pour ça qu'est mon Papy d'ailleurs, mais ça j'espère que vous l'aviez compris. Donc M'man elle pourra p't'être me rencarder pour les églises. Y paraît que quand elle était p'tite y lui en a fait voir plein. Des grandes, des p'tites. Des bistros aussi… Ouais, ça y peut pas s'en empêcher. Y dit qu'c'est dans les bistros que bat le cœur du monde. Qu'est-ce qu'y peut dire comme conneries ! Remarquez, vu l'état d'hypertension du monde il aurait bien un peu raison quand même.

Dédé: En attendant j'viens prendre une année d'plus et ça vous rajeunit pas. C'est vrai, j'vous vois tristes et rabougris, grognons, alors que moi j'pense qu'à faire la fête avec mes potes, aller au bistro, mettre la main au cul des gonzesses, boire des coups, dire des gros mots, jouer au poker et dire des conneries. La vraie vie quoi. Ah, vous saviez pas qu'c'est ça la vraie vie ? J'comprends mieux pourquoi vous êtes tristes. Bon, pour vous dérider j'vous promets qu'l'année prochaine, si vous êtes encore là, j'vous inviterai à mon anniversaire. Vous tracassez pas tout d'suite pour les cadeaux, j'vous enverrai une liste en même temps qu'l'invitation. D'ici là y vous reste plus qu'à mettre du pognon d'côté. Pasque même quand c'est moi qui régale y a des faux frais. Faut dire qu'les gonzesses qui sont là en général elles viennent de ma p'tite entreprise (vous pourrez v'nir avec les vôtres si vous voulez mais ça va s'voir qu'c'est pas les mêmes) et qu'leur sacerdoce à elles c'est d'faire tourner ma boutique. Faudra vous y faire. C'est vrai qu'vous aurez aussi la possibilité de décliner l'invitation mais alors faudra pas venir pleurer après qu'vous allez pas bien, qu'vous avez les idées noires (attention, qu'y en ait pas une qui vienne me parler de racisme !) et que tout fout l'camp. Souriez un peu bordel ! Rien n'se perd, rien n'se crée, vot' pognon il est dans mes fouilles, vot' boulot il est en Chine. J'en sais quequ' chose, j'en r'viens et j'lai vu vot' boulot, fait par les chinois pendant qu'vous vous regardez "Plus belle la vie". Vous avez que c'que vous méritez.

Dédé: Bon, j'vais pas vous faire pleurer le jour de mon anniversaire, mais c'est pas l'envie qui m'en manque, j'vous l'dis. C'est vrai, vous faites chier à la fin. Tiens, si j'étais pas d'une nature plutôt heureuse vous finiriez par me filer l'bourdon avec vos petits tracas qu'vous montez en épingle pour les piquer sur une poupée vaudou à l'effigie de Nicolas et Pimprenelle pendant qu'vous vous endormez sur vos châteaux de sable. J'sais pas moi, chantez des paillardes plutôt qu'du Vincent Delerm, ça vous r'donnera peut être l'envie de déconner, de mettre vos mains au cul des gonzesses, d'aller boire un coup avec vos potes, de fêter l'anniversaire à Dédé l'année prochaine et d'oublier d'aller voter aux Prud'hommes ou aux Législatives ou à j'sais pas quoi encore pour "élire" vos représentants qui représentent qu'eux même.

Dédé: OK, j'arrête, je vais pas vous parler non plus des syndicats. QUE DE MOI je vous parle. J'y peux rien si ça dérape un peu de temps en temps. C'est pasque moi la gueule de bois ça me donne des éclairs de lucidité sociale, ça me rend triste des fois. J'devrais pas arrêter de picoler, comme ça j'aurais pas la gueule de bois, je fêterais mon anniversaire trois cent soixante cinq jours par an et vous pourriez y venir quand ça vous plairait, sans carton d'invitation. Mais avec un peu d'pognon dans les poches quand même. Pasque j'ai un grand cœur mais j'suis pas philanthrope pour autant, allez pas croire. Mes bonnes œuvres moi c'est dans mon clandé que j'les fais, pas aux terrasses des bistros.

Dédé: Au fait, ça vous fait quel âge à vous, avec vos airs de vieux et vos rides d'ennuis au coin des yeux ? Ah bon, si peu ! J'aurais pas cru qu'vous étiez plus jeunes que Papy. Tiens faites moi penser à lui dire qu's'il a un peu de temps y vous emmène faire la tournée des caves et des églises, ça vous rajeunira.

Dédé: En attendant vous pouvez toujours me souhaiter une bonne fête, vu qu'vous avez raté mon anniversaire.


Ciao les gonzesses, c'était Dédé.