Senegal France mars à juillet 1974,marc Tremsal, 69°70°7 1°Bon °

Après avoir fait quelques courses, on prépara le repas. Ce jour était important pour Ty, pour nous. À partir du premier août, elle serait en place, comme représentante Jet Tours au Domaine de Nianing, avec un salaire très correct. Je voulais fêter avec les enfants, ce premier contrat en tant que salariée, de Ty. Le froid se faisait sentir et l'on régla le chauffage. Dés leur rentrée de l'école, Christian et Isabelle avaient des devoirs à faire. J'appelais Paul pour lui rendre compte de notre entrevue et il me demanda ou j'en étais de mes commandes. On convenu de se revoir. Discrètement j'avais mis au frais une bouteille de champagne et juste avant le repas, la surprise fut totale pour Ty. Christian dit à sa maman ---On est heureux pour toi. Isabelle, embrassa Ty et je pris la parole ---Nous tous réunis, souhaitons que votre maman, qui pour la première fois va avoir un contrat d'embauche, s'y prépare le mieux possible en France. Je ne doute pas qu'elle réussira pleinement dans sa tache, et je la soutiendrais de toutes mes forces. Ty, avec le sourire, nous remercia. On trinqua tous ensemble, à notre nouvel avenir. Je ne pouvais m'empêcher de penser, au choix que j'avais fait, que Ty avait accepté, pour éviter le drame d'une séparation, avec toutes ses conséquences. Nos enfants faisaient corps avec nous, loin d'imaginer, la véritable cause de notre départ.
Les semaines s'écoulèrent avec une activité intense. J'avais pris le temps de voir un certain nombre de clients, de leur expliquer que je cédais mon atelier de graphiste à un jeune dessinateur, et que je partais en Afrique. Ce fut partout la même réaction de stupéfaction. Pratiquement tous les devis étaient arrivés. Ayant fait les comptes, j'avoisinais les cinquante mille nouveaux francs. Tous les fournisseurs devaient préparer des factures hors taxes, à l'export, que je devais envoyer à Apo sans tarder.
Il manquait au moins quinze mille nouveaux francs pour boucler le budget. Notre voiture en parfait état devait être vendue et le prêt de la banque accordé. J'avais fait faire une cinquantaine d'affiches sur le Domaine ainsi que des autocollants. Il restait à mettre en fabrication les cartes de sports. Jet Tours prenait en charge le dépliant, avec en quatrième page, le plan que j'avais dessiné du Domaine, à distribué dans toutes leurs agences. René Tabone avait remis en état la 403 qu'Apo mettait à ma disposition. Un menuisier m'avait fabriqué le chevalet, permettant de mettre deux affiches, et courant Mai, avec le beau temps, j'établirais mon plan, pour garer la voiture aux bons endroits. Il ne se passait pas de journées où j'allais personnellement, visité des agences de voyages. Chez Jet Tours, j'avais obtenu dans leur brochure, une belle page de publicité, grâce à Monsieur Pinson, considéré comme un chef d'entreprise efficace et dynamique. Lui aussi avait un faible pour le Domaine. Une personne aussi, une amie, qui eut une belle carrière dans ce métier du tourisme, et qui doit « nous voir de là-haut », était Isabelle Lacarau, une grande professionnelle.
Avant de partir dans les Vosges, j'ai eu une réunion avec Paul, et suis arrivé avec tous mes dossiers sous le bras. D'après mes dires, mes écrits, Il devait établir un diagnostic, et mettre noir sur blanc tout le plan d'investissement. Paul, avec une facilité déconcertante, remplissait les feuilles blanches en me posant les bonnes questions. Je lui soumis la maquette des cartes de sports, on y fit quelques modifications. Il me mit en garde, quant au risque financier et me conseilla de demander à Apo, un document stipulant, qu'il me rembourserait dès que possible.

Il est vrai qu'à partir de la fin Juillet, époque prévue pour notre arrivée au Sénégal, je serai sans revenu, ni aucune réserve financière. La saison touristique commencerait vraiment fin Octobre, début Novembre et en hivernage (la saison des pluies), époque de notre arrivée, il n'y aurait pratiquement pas de touristes. Cela nous permettrait de nous installés, de tout mettre en place…
À la Fin Mars, on avait fêté mon anniversaire en invitant des amis parisiens, les Pernet, bien attristés d'apprendre que l'on quittait Suresnes. Michel Pernet, qui n'est plus de ce monde, était une relation de régiment. Nous nous étions connus à Pau, au 18 éme RCP en 1957…Je lui dois d'avoir faciliter ma mutation au 1er RCP, basé en Algérie. Il était secrétaire à l'Etat major, et non-breveté parachutiste. On se retrouva à Paris en 1960, où il fonda une famille, comme moi…Au mois d'Avril 1974, on vit apparaître la neige un peu partout en France. Pierrette de Jet Tours avait reçu des télex pour mois d'Armande. Cette journée-là, étant sur Paris, je m'attardais au quartier latin, rue Dauphine ou j'avais repéré une librairie avec des livres sur L'Afrique. Je restais plus d'une heure à consulter et le libraire, s'intéressant à moi, me recommanda de prendre « Tristes Tropiques » de Claude Lévis -Strauss, et il choisit dans l'œuvre poétique de Léopold Sedar Senghor, « Hosties Noires ». Il me parla du Mali, qu'il semblait connaître et pris un livre d'Amadou Hampâté Bâ, ethnologue et écrivain Malien, « L'Etrange Destin de Wangrin » édité en 1973. Monsieur, avec ces livres, vous allez apprendre, rêver et vous reviendrez me voir…C'était inimaginable de découvrir autant d'ouvrages sur le continent « dit » noir, chez se libraire. Je dois dire aujourd'hui que je possède une bibliothèque, ou les livres sur l'Afrique abondent, dans leur variété, certains leur rareté, beaucoup dans leur authenticité. « Tristes Tropiques » fut et reste le plus intime de ces ouvrages…Et je dois avouer que je ne l'ouvre plus que très rarement, tant les écrits de l'époque, prophétiques à l'évidence même, éclatent aujourd'hui au grand jour, ainsi que certains constats pessimistes. La Librairie existe et survit toujours, mais à changer de propriétaire… Malheureusement, après plus de cinquante années d'indépendance, il reste tant de foyers de conflits, de famine, d'endémies, de maladies virales, de régimes non démocratiques, que l'avenir est assez sombre, sur ce continent de plus d'un milliard d'habitants. Mais l'extrême jeunesse de cette population, son dynamisme époustouflant, laisse, je l'espère, entrevoir une lueur d'espoir …
Je devais aller à Jet Tours, réceptionner les télex du Domaine et voir Monsieur Martin pour la publicité. Tout en arrivant à St. Cloud, je faisais les comptes. J'avais fait le tour des fournisseurs et ayant à peu près chiffré l'opération, il fallait encore un million d'anciens francs soit dix mille nouveaux francs. J'avais un ami industriel à Poissy, et je l'appelais d'une cabine, pour qu'on se rencontre. Je ne lui avais pas parlé de notre départ et l'on décida de se voir. Après avoir fait le point chez Jet Tours, lu les télex et y répondu, je demandais à Pierrette, la secrétaire et amie d'Apo, de me remettre mon premier rapport qu'elle avait tapé, sur le statu quo du Domaine. Le second comprenant les investissements à venir, suivrait rapidement. Nous étions encore au temps des machines à écrire, du minitel…Qui pouvait imaginer que nous aurions un jour, les ordinateurs portables, les téléphones mobiles ! Il me tardait de rentrer chez moi, de m'installer au salon, de boire un verre. J'étais un peu las, et Ty me donna un cachet d'aspirine…Et un bon Whisky Perrier. Le fait qu'il neigeait un peu partout et surtout dans les Vosges, nous fit reporter notre voyage à des jours meilleurs.


J'eus longuement mon père au fil, qui se préoccupait de tous ses changements dans notre vie. J'admirais beaucoup mes parents, et notre départ, je le savais, aller les affecter profondément. Christian et Isabelle, en arrivant de l'école, me retrouvèrent sur le canapé, et parlèrent à leur papy Jean. Je vous ai déjà parlé de mon père, de son départ précipité de Tunisie, pays auquel il avait consacré toute sa vie, en tant que médecin et homme politique. Il fut élu Maire de Tunis, aux dernières élections municipales organisées sous le protectorat, sur la liste RPF, mouvement créé en 1947, par Charles de Gaulle, pour tenter de rassembler le peuple de France. Son mandat de Maire de Tunis, devait être interrompu brutalement en 1955, sous l'autonomie interne, un an avant la proclamation de l'indépendance en 1956. Les autorités tunisiennes reconnurent comme exemplaire, la gestion de la ville, lorsque mon père était aux affaires. De cette époque à la guerre de Bizerte en 1961, date de son expulsion, il avait réactivé son cabinet médical, comme généraliste et spécialiste des maladies infantiles. Ces six années furent très éprouvantes pour lui, pour ma mère et leur sept derniers enfants à charge. Notre chère grand-mère, mémé Madeleine, qui vivait auprès d'eux, leur fut d'un grand soutien. Beaucoup de Français, avaient déjà quitté la Tunisie et bien qu'il eut une clientèle Tunisienne fidèle, les temps étaient durs. Pour avoir été le correspondant à Paris de mon Père, dés 1960, je savais qu'il envisageait de partir, de s'implanter en France, mais ou ? Des contacts avaient été pris dans le privé, laboratoires pharmaceutiques, dans le secteur public, la sécurité sociale, etc., mais les réponses toujours négatives, le préoccupaient beaucoup…
Cela faisait plusieurs jours, que Mathilde me semblait sereine, plus à l'écoute des enfants, que je trouvais plein d'attentions, et d'intérêt à notre projet. Je n'avais jamais senti, ni de la réserve, ni des reproches, mais toujours venant d'eux, le goût heureux de l'aventure à venir. Christian se faisait une joie de faire du bateau sur la Seine, de passer les écluses, car il fallait roder le moteur. En fin de journée, Ils devaient aller à l'entraînement à la piscine. Ty préparait le dîner. Notre vie conjugale et amoureuse était sans amélioration et je le comprenais. Je me comportais avec une grande affection envers Ty, maîtrisant mon amour, tout mon désir, en espérant la voir peu à peu, revenir vers moi, autrement que par devoir et affection. J'avais passé le stade d'être contrarié, perturbé, par ses courriers ou appels téléphoniques, vers les Hautes-Alpes, lieu de résidence de « son ami ».
Depuis notre retour d'Afrique, je n'avais qu'un objectif, celui de l'entourer, de l'aimer dans l'action, d'être vigilant, de la motiver pour le stage qu'elle allait faire à Jet Tours. Je ne la sentais pas prête à me dire ---Marc, je ne me sens pas de partir… Bien que dans mes nuits, seul dans ce lit, que je tirais chaque soir, avec comme seul lien, la douce petite main d'Isabelle qui me disait bonsoir papa, il m'arrivait de rêver, que Ty était partie…Je rejoignais l'atelier, voir le travail de Monsieur François, lire le rapport que Pierrette m'avait tapé aimablement. Bien que surtout technique je vais vous le présenter, pour que vous réalisiez comment j'avais observé, analysé le Domaine de Nianing en Mars 1974, date de notre premier voyage. Vous lirez ci-après, mon diagnostic, et les estimations envisagées. Cela vous servira de comparaison, pour voir, ce qu'il allait devenir, plus tard…