France,Sénégal,Nianing,France Mars à Juillet 1974, 106° à 110° Bon°

L’école des Raguidelles, la seule que nos enfants ont connue et prés de chez nous. Les bulletins scolaires des enfants sont bons et pour leur faire plaisir, on ira dîner au « Père Lapin » à deux pas de la maison. Mathilde nous confirmera son voyage au Maroc. J’appelle Hubert pour qu’il nous rejoigne en fin de journée, ce sera l’occasion de lui parler de l’appartement où il va vivre. La soirée s’est bien passée, Christian et isabelle aiment beaucoup mon frère Hubert, ce garçon gentil, affectueux et courageux. Demain, avec Christian, ce sera la dernière sortie en bateau, pour le rodage du moteur. Il fait doux et beau en ce moment.
Ce sera sympa. Ce soir il y un film de Tarzan à la télé, et on le regarde en famille. Christian me dit :
--Papa, c’est comme dans le film, les forêts en Afrique !
--Non, pas au Sénégal, car on est près du Sahel (bande de terre désertique), les grands arbres, les grands animaux sauvages sont à partir de l’équateur. Après le film, tout le monde rejoint son lit. Isa me demande une histoire pas trop triste. Ty, installée au salon, lit un Troyat. Je l’embrasse sur le front. De temps à autre les petits gestes tendres me reviennent. Mais je reste attentif à ses réactions.
Je m’installe et prends le recueil de poésie.

Isabelle, veux-tu que je te lise un poème de Musset ?
-- Le poète que Mamy Yette aime beaucoup et qu’elle appelle le poète de l’amour ?
--Oui ma chérie. Je te le lis. Mais tu verras, il y en a beaucoup d’autres, aussi beau…Tu pourrais les mettre en chansons…

*

Toute la famille est debout. Avec la 403, toujours bien pratique, Christian et moi, nous allons faire la dernière sortie en bateau. Il fait très beau. Ty et Isa, iront faire des courses et passeront à Jet tours, prendre les derniers télex de Dakar. Ty part demain à Agadir pour trois jours, avec un groupe de vacanciers. Voyage et séjour de formation, avec des accompagnateurs qualifiés. Pour moi aussi, ce monde du tourisme est à découvrir. Tous ces nouveaux métiers qui en font partie, et dont on parle à la radio, à la télé et dans la presse, offrent un large éventail de destination et d’offres d’emplois. C’est le Club Méditerranée qui a innové en créant ses propres « villages de vacances. »
Au début, il voulait toucher, avec des tarifs raisonnables, un créneau "jeune". Mais son choix est d’avoir ciblé finalement, une clientèle plus aisée et plus âgée... Son originalité est dans l’emploi de jeunes animateurs, d’humoristes, et de personnes très compétentes dans toutes les activités dites sportives et de loisirs. Gestionnaires avisés, chefs de villages responsables, souvent venus de l’animation, sites, infrastructures et prestations de grandes qualités, en font le numéro un mondial de ce style de vacances…C’est l’évidence même, que Nianing, produit unique, ne ressemble pas à un des villages du Club. Pour quantité de raisons, je m’efforcerai de créer et d’offrir des prestations d’activités de qualité, et une animation sympathique, qui s’adaptera à l’évolution de la clientèle.

L’ allotement (remplissage des chambres), du Domaine est actuellement de quatre-vingts personnes. Vient en plus les clients-déjeuners venus de Dakar, des dimanches et jours fériés. Bien sûr, que plus tard, il y aura une extension en nombre de lits et une adaptation de l’animation et des moyens. Pour nous, tout sera dans la maintenance de la qualité du produit, et, bien entendu, à une bonne commercialisation. Il nous faudra trouver un style de vacances, entre l’hôtel classique et la formule club.

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Avant de partir, j’appelle Marcelle Oury, pour lui dire que nous viendrons l’embrasser après le déjeuner. J’ira aussi chez l’armurier Mercier qui est dans le même coin. Par les quais, nous rejoignons l’île de la Jatte. Notre bateau est prêt chez Hall méditerranée, et nous voici sur la Seine, naviguant à petite vitesse. Christian que je laisse piloter est tout heureux. Le fleuve est calme, et par prudence, nous restons le long des berges. L’on n’imagine pas combien de gens vivent à bord de péniches. Beaucoup d’entre elles quittent rarement leurs quais d’amarrage. Certaines sont originales, fleuries et colorées. À leur bord, on aperçoit un bric à brac d’objets, des vélos, des antennes, du linge qui sèche… Le pré rodage du moteur Mercury qui devait être fait en France arrive à son terme. Cela me permettra d’être plus rapidement opérationnel à Nianing. Tout en naviguant, je songe qu’il faudra cet après-midi appeler tous les fournisseurs, pour qu’ils respectent les livraisons. Samedi prochain, c’est le grand départ de matériel à Orly. René Tabone a fait le nécessaire auprès d’Air France.

Christian me demande si on va à l’écluse ?
--Non, aujourd’hui, nous n’irons pas à l’écluse de Suresnes, qui est trop loin.
Après avoir tourné autour de l’île, de retour au quai, je rappelle à Monsieur Brot, qu’il doit livrer l’ensemble bateau-moteur, et accessoires, avant samedi prochain, le matin, à Orly.
Nous avons une petite faim et je propose à Christian d’aller manger une pizza, chez notre fidèle ami Mario. Originaire de Tunisie, ce véritable Italien, a été un des premiers dans les années soixante, à lancer un restaurant à spécialités Italienne à Paris. On peut dire qu’il a vu naître nos deux enfants, et que nous lui sommes restés fidèles. Toujours aimable, il me demande des nouvelles de mon beau-père qu’il a connu au club nautique de la Goulette, près de Tunis, lorsqu’il était responsable du bar. Attentionné il offre le dessert à Christian, des boules de glace fruitées. Lui apprenant notre départ en Afrique Noire, il tombe des nues !
--Mais Marc, qu’allez vous faire si loin ? et votre affaire de publicité ?
--Mario, je regarde devant, la page est tournée, mais on se reverra chaque année.

Mario voulut m’offrir un cognac avant que l’on se sépare, en me disant bonne chance !Je lui rappelais que lorqu'on venait à la Pizzéria rue Marbeuf,avec Christian à un an, dans son cabat bleu...Il le mettait derrière le barsous sa protection !

Par les Champs Elysées, cette avenue que Christian aime tant, nous,rejoignons la rue de Courcelles et ma grande amie Marcelle nous accueille avec chaleur. La lumière qui pénètre par les grandes fenêtres met en valeur les magnifiques Dufy, qui tapissent les murs. Je les connais par cœur. J’apprécie le café offert et Christian un coca. Marcelle a enfin été livrée de nos derniers travaux, superbement reliés, et elle nous les montre avec bonheur.
--Jean-Marc, mon fils Gérard a trouvé que ces ouvrages, sur sa carrière, sur ses films étaient d’un grand intérêt, et il tient à te voir avant votre départ.
Après un moment de conversation, nous quittions Marcelle, pour aller chez l’armurier. Tout était prêt. Le fusil Darne, un douze, des cartouches bien emballées et le document de douane. Le retour vers Suresnes se passa bien. Christian monta à l’appartement et je restais à l’atelier….

Avril 2011. Poursuivant mon récit, je me plonge dans le carton d’archives, tout y est en vrac, il faut que je classe. Je tombe sur autre courrier de juin 74, que j’avais adressé à Apo :

Isabelle est Ty, sont rentrées de leur escapade aux Grands Magasins …Ty part au Maroc demain.
En rentrant au salon, je la trouve entrain de téléphoner et, surprise , elle me dit :
--Marc, je suis en ligne avec mon ami….

Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu de conflit et je décidais de ne rien lui dire avant son départ, malgré ma contrariété. Les enfants vont aller à la piscine et je descends à l’atelier pour voir mes dossiers. Le fils Sicard est là avec son gros chien. J’ai l’impression qu’il est content de travailler dans mon studio. Ce qui l’impressionne c’est mon labo photos très performant. Il consulte aussi mes archives, et semble surpris de la diversité de ma clientèle. La semaine passée, je lui avais fait rencontrer des gens du Cinéma et nous avions visité des Galeries de tableaux. Cela me fait plaisir d’aider le fils d’un ami, M. Sicard, qui m’avait accueilli à Paris en 1962, et orienté vers le métier de publicitaire. J’ai prévu de réunir avant mon départ les dessinateurs avec lesquels j’ai travaillé pendant des années. On fera un apéritif au retour de Mathilde d’Agadir. Me permettant de faire une comparaison avec les métiers actuels dans la publicité, la fameuse PAO, publicité assistée par ordinateur, je me souviens combien était notre complexité de réalisation. De la maquette de création, aux documents d’exécutions, entièrement faits à la main, et le suivi chez le photograveur et l’imprimeur, nous étions vraiment des maîtres d’œuvres

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J’accompagnerai Mathilde à Orly demain matin. Les enfants viennent de rentrer de la piscine et Isabelle est toute joyeuse de m'annoncer qu'elle a gagné une course à la « nage papillon ». Ce soir après avoir apprécié une belle quiche aux lardons, nous regarderons une nouvelle émission annoncée par la presse, sur Pagnol, décédé en Avril dernier. Dans tous ses œuvres provençales, il savait nous faire entendre, « les cigales ». Nous connaissons « Jean de Florette et Manon des Sources » et d’autres œuvres de ce grand auteur provençal. J’ aimerais que Christian et Isabelle en sachent un peu plus.
--Mais Papa, Ce Monsieur Pagnol était de Provence, Mamyette le connaissait ?
--Non, Isabelle, mais elle a dû lire toute son œuvre littéraire.
Mathilde après avoir préparé sa petite valise, bouquine un guide du Maroc. Bien installé, je lis cet extrait de sa biographie paru dans la presse.

J’appelle maman à Nompatelize et tombant sur papa, il me dit qu’elle regarde l’émission…
--Papa, avez-vous le livre, « La fille du puisatier »,
--Oui, je pense que ta maman l'a. On vous embrasse.

Grâce aux nombreuses archives disponibles, certains de ces artistes fétiches, disparus, passent à l’antenne... Raimu, Fernandel. Un large extrait du Film, « La fille du puisatier », avec Josette Day, présente sur le plateau, et qui interprète le rôle de Patricia, la fille aînée du puisatier Amoretti, (Raimu). Le cinéaste nous dépeint la garrigue provençale, la pleine nature et la ville bourgeoise, à travers une poignante histoire d’amour, la valeur du travail bien fait, un certain sens de l’honneur et d’une morale ancestrale…En conclusion, ce film tourné en 1940, semble avoir connu tous les soucis dus à cette période du début de la guerre et de l’armistice, mais il est une fois de plus la preuve, que Pagnol restera un cinéaste primordial dans l’histoire du Cinéma Français.
Les enfants sont peut-être un peu jeunes pour apprécier ce qui nous émeut. Le rattachement à la terre natale de leur grand-mère, contribue à leur curiosité. Le temps de la lecture viendra, je l’espère pour eux. Je me souviens combien j’étais très jeune, avide de livres d’aventures et de bandes dessinées, nous en avons déjà parlé ensemble. Il se fait tard, et nous retrouvons nos lits avec bonheur. Ty, est heureuse de ce voyage qui clôturera sa formation de représentante Jet Tours. Lui ayant souhaité une bonne nuit, je rejoins mon lit, et me glisse dans mes draps. Isabelle dort déjà. Christian me lance un :
--C’était bien ce qu’on a vu sur Pagnol, à demain papa.
--Oui Christian, fais de beaux rêves.

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